Les neurosciences font beaucoup parler d'elles, ces derniers temps. Elles promettent d'améliorer l'efficacité des apprentissages, en se basant sur les résultats d'études scientifiques précises et documentées portant sur le fonctionnement du cerveau humain.
“Mets-toi ça dans la tête” est-il simplement un livre de plus sur le sujet, ou bien apporte-t-il de réelles solutions, concrètes, pratiques, intéressantes, efficaces, pour apprendre mieux et plus aisément ?
Souvenez-vous : vous aviez choisi ce livre
Les lecteurs assidus du présent blog doivent se dire : “enfin !”.
En août 2017, je vous avais présenté sept livres parlant de pédagogie, mais un peu différents des ouvrages parfois rébarbatifs qu'on a l'habitude de rencontrer sur le sujet.
Je m'étais proposé de vous en faire des compte-rendus, et je vous avais demandé d'établir un classement, pour déterminer dans quel ordre je vous les présenterais.
Le premier était “Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école”, et je vous l'avais présenté en deux parties (ici et là), il y a déjà un an.
Il était donc temps que j'accélère le mouvement pour vous présenter les autres : je ne vais quand même pas mettre sept ans pour arriver au bout de ce défi !
Un livre très “américain”
Henry L. Roediger et Mark A. McDaniel sont des professeurs de psychologie à l'université Washington de Saint-Louis (spécialistes de la mémoire et de l'apprentissage humain) et Peter C. Brown est romancier et essayiste : son rôle était probablement de rendre intéressants et digestes des concepts peut-être parfois un peu trop “bruts de science”.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a réussi.
Les différentes parties de l'ouvrage commencent bien souvent par une séquence de “storytelling”, parfois assez longue, et traitant de “success stories” dans des domaines aussi divers que l'aviation, la chirurgie ou la réussite financière.
A chaque fois, ces histoires mettent en lumière des comportements humains et expliquent pourquoi ils se sont produits.
Vous l'avez compris, ce livre se lit parfois comme un roman, parfois comme un ouvrage de vulgarisation scientifique. Franchement, j'ai beaucoup aimé cette approche. Les histoires racontées donnent envie de comprendre comment nous fonctionnons.
Pour parfaire l'ambiance, l'illustration de couverture est la reproduction d'un tableau de Norman Rockwell. Décidément, ce livre nous fait voyager.
Notez que le titre en français est en capitales d'imprimerie alors que le titre anglais (“Make It Stick: The Science of Successful Learning”) ne l'est pas. Je l'ai donc écrit en minuscules, je trouvais ça moins agressif…
Méthodes d'apprentissage : démêler le vrai du faux
Le ton est donné dès l’avant-propos :
« les gens sont assez largement dans l’erreur en ce qui concerne les questions d’apprentissage : la plupart de ce que l’on considère comme allant de soi en matière de méthodes d’apprentissage se révèle, une fois passée au crible empirique de la recherche scientifique, une vaste perte de temps et d’énergie. »
Ah, voilà qui met l'eau à la bouche !
Ce livre a donc pour ambition de démêler le vrai du faux matière de méthodes d’apprentissage, en se fondant uniquement sur les résultats de la recherche scientifique.
Il est donc temps de se plonger dans son contenu, qui est assez important, puisqu’il fait plus de 300 pages et que ces pages sont écrites en petits caractères.
Il est articulé en huit parties :
- Apprendre, un malentendu
- Pour apprendre, retrouvez !
- Diversifier son travail
- Affronter les difficultés
- Eviter les illusions du savoir
- Dépasser les styles d'apprentissage
- Améliorer ses capacités
- Mets-toi ça dans la tête
Je vais essayer de vous le présenter sans avoir la prétention de tout vous expliquer en détail : d'une part, ce serait impossible (on ne résume pas 340 pages en un petit article de blog) et d'autre part ce ne serait pas vraiment sympa pour les auteurs et l'éditeur qui a fait l'effort de le traduire en français…
…On attaque ?
Première partie
Apprendre : un malentendu
Les auteurs commencent par souligner le rôle essentiel de la mémorisation dans l’apprentissage mais ils insistent dès le départ sur le fait que les stratégies d’apprentissage les plus efficaces sont souvent contre-intuitives.
Voilà qui est intéressant.
Mais ce n’est pas tout loin de là : dès le départ, des affirmations donnent le ton du livre :
L’apprentissage est plus profond et plus durable lorsqu’il se fait en fournissant des efforts.
Par exemple, le fait d’espacer les étapes du travail d’apprentissage ou d’alterner le travail sur deux matières ou même plus nous oblige à faire des efforts qui rend plus efficace la mémorisation.
Nous évaluons mal la qualité de notre apprentissage…
La lecture répétée ou le bachotage constitue une perte de temps. Voilà qui demandera à être développé.
Par contre, la remémoration c’est-à-dire le fait de rappeler les faits, les concepts ou les événements en mémoire est une stratégie d’apprentissage plus efficace qu’une simple relecture.
Tout nouvel apprentissage nécessite un fondement de connaissance préalable.
Là, je vois sourire les amateurs de bonnes progressions qui savent très bien que pour aller d’un point A un point C, il faut obligatoirement passer par le point B.
Je vous cite une phrase de ce chapitre :
« les gens qui apprennent à extraire d’une matière nouvelle les idées clés, à les organiser en un modèle mental et à relier ce modèle à leurs connaissances antérieures ont en général un avantage pour acquérir une maîtrise approfondie. »
À chaque fois que nous apprenons quelque chose, nous transformons notre cerveau.
Il est donc faux de penser que certaines personnes n’apprendront jamais correctement. Tout le monde peut apprendre, à condition de s’appuyer sur les apprentissages précédents.
Le remplissage « mécanique » de notre cerveau est peu efficace.
Par contre, l’élaboration, qui est le processus qui consiste à donner un sens aux nouvelles connaissances en les exprimant avec nos propres mots et en les reliant ce que nous connaissons déjà, est nettement plus efficace.
Les gens qui apprennent à extraire d’une matière nouvelle les idées clés à les organiser en un modèle mental et à relier ce modèle à leurs connaissances antérieures ont en général un avantage pour acquérir une maîtrise approfondie.
Vive l'erreur
J’ai particulièrement apprécié un paragraphe relatif aux erreurs : faire des erreurs et les corriger permet de jeter des ponts vers un apprentissage plus avancé.
Mais attention, il y a une nuance, de taille, que nous verrons dans la quatrième partie.
Scepticisme pédagogique
Les auteurs conseillent d’être sceptique vis-à-vis des méthodes d’apprentissages diverses et variées qui prétendent faire autorité.
En effet, elles se présentent souvent comme ayant une base scientifique et en réalité elles manquent souvent cruellement des procédures de contrôle élémentaire permettant de garantir une certaine objectivité et un caractère généralisable des résultats.
( Je vois d'ici sursauter les amateurs de querelles entre pédagogistes, traditionalistes et explicites… )
Comme quoi, hum, je le dis en passant, l’évaluation, abordée de la bonne manière, il n’y a que ça de vrai !
Parmi les malentendus les plus flagrants concernant l’apprentissage, il y a celui qui concerne la facilité et la rapidité.
En réalité, lorsque l’apprentissage est plus difficile, il est plus fort et dure plus longtemps.
Le fait de lire et de relire des manuels est souvent un travail long et inutile. En effet, cela n’agit pas sur la mémoire à long terme. Le temps passé dans l’immersion d’un texte n’est absolument pas une mesure de sa maîtrise.
Bon, donc, vous l’avez compris : dans cette première partie du livre, les auteurs nous font comprendre que nous abordons apprentissage de la mauvaise manière. C’est intéressant, certes, mais ce qui est encore plus intéressant c’est de prendre connaissance des bonnes pratiques d’apprentissage. C’est ce qui est l’objet de la suite du livre.
Et c'est ce que nous verrons dans la deuxième partie de l'article !
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Titre : METS-TOI ÇA DANS LA TÊTE !
Auteurs : Peter C. Brown, Henry L. Roediger et Mark A. McDaniel
Editeur : Editions Markus Haller
ISBN-10: 2940427283
ISBN-13: 978-2940427284
Bonjour Michel,
Merci pour cet article d’autant que j’avais été un de ceux qui t’avait demandé une note de lecture.
Pour autant, ce passage m’a laissé perplexe car il sous-entend que tout se vaut en pédagogie.
“Les auteurs conseillent d’être sceptique vis-à-vis des méthodes d’apprentissages diverses et variées qui prétendent faire autorité.
En effet, elles se présentent souvent comme ayant une base scientifique et en réalité elles manquent souvent cruellement des procédures de contrôle élémentaire permettant de garantir une certaine objectivité et un caractère généralisable des résultats.”
Or à mon avis, si il y a bien un domaine où il y a des connaissances scientifiques, c’est en éducation. le problème, c’est qu’elles sont boudées en France sous prétexte qu’elles ont été produites en anglais.
Je m’applique désormais une règle quand je veux juger de la pertinence d’un auteur en pédagogie. Je regarde systématiquement les références aux publications scientifiques en fin de livre ou en fin d’article. Je me renseigne aussi dans le cas des chercheurs sur les publications écrites et dans quelle revue. Nous avons malheureusement en France des chercheurs en pédagogie qui ne publient que des livres de “pensées” reposant sur leur intuition de ce que doit être la pédagogie.
Bonjour Philippe
A la fin du livre, il y a bien une trentaine de pages bourrées de références précises d’études, ainsi que de renvois vers d’autres ouvrages. En anglais, of course.
Je n’ai aucun doute sur la pertinence de la description des processus mentaux exposés dans ce livre.
Je ne trouve pas que le passage en question sous-entend que tout se vaut en pédagogie, au contraire, le deuxième paragraphe est particulièrement clair, non ?
Je me suis farci dans ma vie tellement de textes officiels, rapports, livres pédagogiques franco-français remplis d’un verbiage abscons et jargonneux… Lire ce livre, écrit de manière concrète et compréhensible, convainquant, avec des procédures claires et bien définies, étayées par de vraies études, est un genre de douche rafraîchissante. Je pense que la deuxième partie de la présentation te plaira.
J’espère aussi que je ne trahis pas trop le propos des auteurs : faire un résumé en quelques centaines de mots d’un livre foisonnant de plusieurs centaines de pages n’est pas chose facile !
Merci pour cet article très intéressant !
J’ai commencé à lire “Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école” : c’est passionnant ! Par contre, je trouve que le titre du livre ne convient pas. La plupart de nos élèves aiment l’école, c’est la manière d’apprendre qui ne convient pas à certains. Est-ce pour autant qu’ils n’aiment pas l’école ?
Bon courage pour la suite de tes lectures ! Et à mercredi prochain.
Bonjour Odile,
Comme je le disais dans l’article consacré au livre “Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école !”, c’est que l’auteur nous expliquait que notre cerveau est efficace quand il se remémore, plus que quand il réfléchit (en simplifiant).
Et il a donné ce titre à son livre en constatant qu’à l’école, justement, on demande aux élèves de réfléchir sans cesse sans leur donner les armes pour mémoriser. Alors que réfléchir devient un plaisir quand on active les connexions neuronales nous permettant d’aller chercher dans notre mémoire à long terme les éléments qui vont favoriser la réflexion…
C’était un titre un peu provocateur, destiné à attirer l’attention sur l’importance de ces concepts…
Franchement, pour la lecture de ce livre, je n’ai pas eu besoin de courage : c’est comme lire un bon roman !
@Michel
En effet, à la relecture, j’ai sans doute mal compris tes propos, même si au vu de tout ce que j’ai pu lire par ailleurs, les méthodes constructivistes, traditionnelles et explicites ne se valent pas surtout du point de vue de l’efficacité face à des élèves en difficulté.
Quand aux méthodes non fondées, la brain-gym, les styles d’apprentissages, la classe flexible… ça foisonne dans l’Education Nationale. Et le pire, c’est quand ce sont les IEN ou les conseillers pédagogiques qui soutiennent ce genre de thèse alors que rien ne les soutient dans la littérature scientifique.
Nous sommes bien d’accord…
Je rajouterais quand même un élément qui d’après mon expérience change TOUT dans la réussite des élèves (et des adultes)…
Salut Michel,
Chapeau pour ce résumé excellent. Ce n’est pas un exercice facile de garder l’essentiel sans trahir 150 pages de propos.
J’espère que la situation va s’arranger dans l’île. Bon courage.
@+
Julius
Merci beaucoup Michel pour ton travail, en attendant de me procurer ce livre…
bonne continuation chez toi
Val
Merci Michel pour ce teasing qui nous met l’eau à la bouche… Vivement la suite!