C’est bien connu, il y a bien des manières d’enseigner. Chacun a sa manière d’envisager la place de l’élève, du maître, du groupe-classe, les neuro-sciences sont mises à contribution, les fantômes de grands disparus (Montessori, Freinet, Buisson, Piaget et toute une armée de précurseurs) sont appelés à la rescousse, de nouvelles idoles s'imposent comme “porteurs officiels de vérité incontestable” (et seront oubliées dans quelques années) …
A mon tour, je me lance dans la bataille, et j’ose ici vous indiquer quel est le grand principe qui guide ma manière d’enseigner. Avec, bien entendu, une bonne dose de prosélytisme, pour faire comme mes petits copains.
Kévin
Je vais commencer par vous raconter une petite histoire en cours actuellement dans ma classe de CP :
Appelons cet élève Kévin, bien entendu, ce n’est pas son véritable prénom.
C’est un petit garçon très sympathique, mais il a encore un pied en maternelle. Il n’est pas vraiment intéressé par l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il adore parler de tout et de rien avec chaque personne qui passe à sa portée, même lorsque ce n’est pas vraiment le moment.
Son comportement, à première vue, est celui d’un enfant qui possède un énorme poil dans la main. Le genre de ceux qui font les conversations des enseignants dans la cour de récréation, et pas toujours de manière flatteuse.
J’ai convoqué sa mère. Aë aïe aïe, il n’en menait pas large.
La rencontre s’est très bien passée. Bien entendu, Kévin était présent. Il a compris que nous lui voulions du bien. Qu’il était important qu’il prenne confiance en lui, qu’il ose vouloir apprendre, qu’il se lance, qu’il ait ENVIE.
De retour en classe, je lui ai proposé (ainsi qu’aux autres élèves) « d’allumer la petite ampoule qui se trouve dans sa tête » à chaque fois qu’il devait être attentif, à chaque fois qu’une notion nouvelle était abordée.
La petite ampoule
Pour qu’il soit focalisé, les yeux brillants, disponible, ouvert, réceptif.
…Et ça fonctionne !
Le petit Kévin est entré dans la spirale du progrès. Il lui reste deux mois pour combler son retard, mais ça y est : il est affamé !
Et dans la classe, en ce moment, c’est un peu la fête. La période d’avril, dans un CP, c’est celle où le puzzle s’assemble, où le mécanisme de la lecture et celui des opérations se met en place, engrenage après engrenage. Chacun à son niveau.
En classe, nous fêtons chaque petite victoire par des applaudissements. Nous chantons. Il y a de la joie d’apprendre. Des éclats de rire. Le sentiment d’être un groupe qui avance ensemble. Ce n’est pas toujours facile, mais le cercle vertueux est enclenché.
Et c’est finalement ça « ma » pédagogie : l’enthousiasme.
Quand je vois certaines classes studieuses mais tristounettes, où tout le monde, enseignant comme élèves, fait une figure d’enterrement, je me dis que ce n’est vraiment pas mon truc.
Je pense que toutes les formes de pédagogie ne sont pas opposées, comme certains veulent nous le faire croire, mais qu’elles sont autant de chances pour les enseignants qui ont des types d’élèves bien particuliers de trouver la manière avec laquelle où ils se sentiront le plus à l’aise, et leurs élèves aussi.
Parce qu’on enseigne mal, et on apprend mal, lorsqu’on est mal à l’aise.
Attention, bien entendu, pour apprendre il faut sortir de sa zone de confort. Il faut se frotter aux difficultés, apprivoiser les petits échecs, qui sont le chemin le plus court vers la réussite.
Et pour cela, je ne connais pas de meilleur moteur que l’enthousiasme. Il faut allumer le feu.
Un feu qu'on allume
Bien entendu, la célèbre citation est de mise :
Un enfant n'est pas un vase que l'on remplit, mais un feu qu'on allume… |
Certains l’attribuent à Montaigne, d’autres à Rabelais. Il semblerait qu’elle provienne en réalité de Plutarque, qui disait dans son essai intitulé « comment écouter » :
Car l'esprit n'est pas comme un vase qu'il ne faille que remplir. À la façon du bois, il a plutôt besoin d'un aliment qui l'échauffe, qui fait naître en lui une impulsion inventive et l'entraîne avidement en direction de la vérité. |
“Avidement”. C’est le mot juste.
Plutarque vivait il y a deux mille ans.
Les modes vont et viennent, mais la vérité traverse les siècles.
Allumons le feu !
En terminant ces quelques lignes, je ne peux m’empêcher de penser à cette vidéo magique, que je vous ai déjà présentée plusieurs fois, mais que voulez-vous, je ne m’en lasserai jamais :
Que j’aimerais avoir 6 ans et être en CP à la Réunion avec un maître qui s’appelle Michel…
Moi aussi ! Et avoir Nanoug comme copine de classe 😉
Hello Nanoug !
Ah oui, tiens, moi aussi j’aimerais bien avoir 6 ans !
🙂
Allumer des étoiles dans leurs yeux, tous les jours, et les entendre demander “qu’est ce que tu vas nous apprendre aujourd’hui maîtresse?” avec gourmandise…c’est mon quotidien depuis 15 ans.
J’espère que cela durera encore longtemps.
Merci Michel,pour ce blog toujours aussi riche, merci Nanoug pour toutes tes idées merveilleuses que tu partages avec tes publications.
Moi aussi, je partagerais bien la cour de récréation avec vous, je suis sûre qu’on passerait de bons moments.
Biz
Cath
Merci Cath !
Sincèrement, je pense que provoquer l’enthousiasme chez les élèves est la base pour leur donner envie d’apprendre, et donc pour apprendre tout court.
Bonjour Michel,
merci pour cette vidéo : quel être exceptionnel….
Par ailleurs, je suis en maternelle depuis des années et que ça fait du bien de lire ton partage d’expérience. Cela me conforte dans ma philosophie de vie et de travail vis à vis des enfants, qui consiste à faire en sorte qu’ils soient heureux et qu’ils gagnent en confiance en eux…..Et oui quel plaisir depuis 15 ans de travailler avec le sourire et d’avoir le sentiment de vivre sa passion et de la faire passer aux autres….
Merci beaucoup à toi Michel pour ces échanges qui rassurent.
Hello Kissou
Cette vidéo illustre parfaitement que dans nos vies, TOUT est possible. Alors autant choisir des possibles fous mais positifs…
A fond !!!
Ton article entre fort en résonance avec mes réflexions de l’année, de ce que je veux vivre et faire vivre en tant qu’enseignante. C’est génial de le lire et l’entendre ici. Merci.
Superbe article qui me bouscule ajourdhui moi qui me désole cette année de n’avoir pas une classe facile … Des bambins de grande section qui n’ont pas envie… Qu préfèrent chahuter, et pourtant dieu sait que je me creuse la tête pour essayer différentes choses … Il faut que je le vois comme un défi à relever !!! Merci pour cet énergie positive !!!
Bonjour Claude
Lorsque tes élèves sont par exemple devant un dessin animé qui les captive, je suis certain qu’ils sont très calmes.
Défi : à toi de captiver tes élèves !
Merci Michel pour tout ce que tu m’apportes. À chaque fois que je te lis, je réfléchis sur ce que je fais, ce que je voudrais faire avec mes petits. Je me remets tous les jours en question pour mieux faire dans les yeux des petits. J’aime mon métier comme toi. Tu nous le fais sentir. C’est beau, merci! Je te dis bravo de prendre ce temps de faire partager ton expérience!
Bonjour Isabelle
Il nous appartient à tous d’être des porteurs de joie et d’éveil, comme le dit si bien Marc Vella dans sa vidéo.
Le mot “expérience” et l’expression “se remettre en question tous les jours” vont PARFAITEMENT bien ensemble !
Jolie vidéo avec des vérités qu’il faut entendre. Pour ma part, je suis d’accord avec “l’enthousiasme”. Commencer la journée par un sourire et un grand bonjour, avoir des projets à mener jusqu’au bout (malgré les difficultés), voilà ce qui fait avancer !
La petite ampoule est une idée sympa ! A tester avec les élèves.
Merci encore pour ce partage très positif !
Bonjour Odile
Depuis que je connais cette vidéo, je ne me prive jamais de dire à mes élèves qu’ils sont beaux (ce qui est vrai). Et crois-moi, ils sont réceptifs et tout-à-coup, la classe se transforme.
Je suis en accord total avec cette pédagogie et ça fait du bien de le lire sous la plume de quelqu’un d’autre, merci !
Merci Michel pour ce rappel si essentiel. Comme beaucoup d’enseignants, je m’aperçois que, de temps à autres, face à un élève qui m’exaspère, j’oublie de rechercher cette “beauté” en lui, et je peux “abîmer” son enthousiasme.
Pour ma part, j’exerce mon métier en me mettant continuellement en question. Jamais une année ne ressemble à la précédente, car la rencontre avec chaque élève me fait évoluer. Mais j’évolue également grâce à des bienfaiteurs du net: tilekol, mais aussi d’autres blogs merveilleux… Merci à tous pour ces partages si enrichissants.
PS: la vidéo me fait terriblement penser à une personne que j’ai découverte lors du dernier Vendée Globe: Eric Bellion. Il a navigué pour un collectif nommé “appel pour la différence” et n’a cessé de rappeler que la découverte de l’autre dans toute sa différence était une énorme source d’enrichissement personnel. Michel, je pense que cela vous plairait…
Bonjour à toi Michel et à tous ceux qui le suivent.
Je suis T1 en reconversion. J’apprécie de lire tous ces posts sur l’enthousiasme en classe et autres sujets comme la méditation, qui sur le papier ont l’air de changer la vie de l’enseignant et celle des élèves et que j’aimerais pouvoir appliquer en classe, mais qui sont bien loin de ce que j’ai pu connaitre dans ma vie passée…
Dans la “vraie vie”, dès que je suis dans la classe, le naturel revient au galop, le manque d’expérience et de confiance en moi, le manque de temps pour se poser et y réfléchir m’empêchent d’être “zen” en classe, malgré ma bienveillance. Certains élèves m’agacent et mon sang ne fait parfois qu’un tour !
C’est quelque chose qui me tracasse et que j’aimerai changer dans mes futures années de vie en classe.
Tes articles sont bien souvent passionnants, mais à cause de mon manque d’expérience, je suis frustrée car je ne sais pas quoi faire pour mettre tout ça en application !
Aurais-tu (ainsi que tous les collègues qui te suivent) des pistes d’activités de classe (tous cycles confondus), des ouvrages et des vidéos “concrets” qui pourraient m’aider à avoir une pratique bien plus agréable et porteuse pour tout le monde ?
Merci d’avance !
Karine
Bonjour Karine,
Deux astuces : commence ta journée par un grand sourire, et essaie de prendre l’habitude de parler de plus en plus doucement lorsque tes élèves sont de plus en plus agités.
Tu vas assister à des choses inattendues…
Merci, je vais essayer ça !
Bonjour Michel,
Mon message arrive bien tardivement par rapport aux autres car voilà, je n’avais pas pris le temps de lire ton article. Je dis bien “pas pris le temps” et non “pas eu le temps”. Ce dont tu parles est pour moi évocateur d’une chose indissociable de l’enthousiaste et du regard positif et bienveillant que l’on porte sur chaque élève. Et cette chose c’est notre rapport au temps. Durant des années, et parfois encore aujourd’hui hélas, je me sentais submergée, et je l’étais, à cause d’une mauvaise gestion de mon temps et j’entrais dans le cercle infernal du surmenage. Difficile, dans ces conditions, de montrer aux enfants une image sereine, souriante, disponible etc. Et du surmenage à la perte de motivation, de confiance, et à la culpabilité, il n’y a qu’un pas. Pour que mes élèves soient heureux en classe, je dois l’être aussi. C’est une évidence.
Je suis d’une nature joyeuse, et j’aime beaucoup rire avec mes élèves. Mais je me suis rendue compte au fil du temps à quel point l’énervement, la fatigue, le ras-le-bol, avaient pris le pas sur ma joie d’enseigner. Alors j’ai très lentement commencé à réfléchir sur comment je pouvais changer ça. Et tout me ramène au temps. Et à mon rapport à lui (ce qui, bien sûr, fait émerger encore d’autres problématiques personnelles à creuser, propres à chacun(e)). J’ai toujours essayé de faire passer comme message à mes élèves la nécessité de prendre le temps de faire comme celui de ne rien faire (j’avais instauré les “5 minutes de rien” à chaque retour de récré, ce qui, à l’époque avait d’ailleurs suscité quelques inquiétudes de la part des parents) et je réalisais que moi-même, j’avais du mal à trouver mon équilibre entre les deux. Et puis c’est le cercle vicieux : fatigue, agacement, démotivation, procrastination, urgence, fatigue, agacement, …. Je suis une grande adepte de la “juste mesure”, qui est un peu mon guide, et ce, dans tous les domaines. L’art de savoir doser, selon ce que l’on estime être bon pour les autres comme pour soi, c’est savoir aussi faire des choix, renoncer, composer etc. C’est vrai pour ne pas se laisser submerger mais c’est vrai aussi en classe : alterner temps de travail et détente, improviser (et tant pis si le programme de ma journée n’a pas été respecté). Enseigner, pour moi, c’est permettre à l’élève de s’approprier peu à peu des outils pour réfléchir, créer, analyser, et être maître, autant que faire se peut, de son devenir. Le rapport au temps et l’image que l’on a de soi-même sont pour moi deux éléments indissociables. Surtout dans un monde où la course et la suractivité sont de mise. Comment aimer mon prochain (et comment m’aimer moi-même) et je ne prends pas le temps de le regarder, de le découvrir ? J’aime beaucoup Marc Vella, qu’une collègue et amie m’avait fait découvrir il y a 8 ans. Je l’avais un peu oublié donc merci, un grand merci à toi de partager de nouveau son beau message. Regarder les autres avec amour, leur dire qu’ils sont magnifiques, oui. A commencer par soi-même ! Très belle journée à tous.