Une école radicalement libertaire, où les enfants apprennent ce qu'ils veulent, quand ils veulent, s'ils le veulent. Utopie post-soixante-huitarde pour fils de bobos baba-cools ? Absolument pas. Figurez-vous que cette expérience a commencé en 1921, et que l'école de Summerhill est toujours en fonctionnement.
Aucune contrainte, liberté totale, l'auto-éducation portée à son pinacle.
Paradis ou enfer ? Réussite ou catastrophe ?
Le mouvement dit de “l'éducation nouvelle”, dont nous reparlerons bien entendu dans cette saga dédiée aux mouvements pédagogiques, a été inspiré (entre autres) par les écrits de Jean-Jacques Rousseau, pour qui l'homme est foncièrement et naturellement bon, et a été perverti par son entassement au sein des villes et au contact d'une prétendue civilisation.
Vivre sa propre vie
De nombreuses écoles se réclamant de cette mouvance ont essaimé un peu partout au début du vingtième siècle. Ses partisans opposent “éducation” à “instruction” et choisissent, vous l'avez deviné, l'éducation.
L'école de Sumerhill a été créée par un psychanaliste anglais, Alexander Sutherland Neill, qui a vécu quatre-vingt-dix ans et est décédé en 1973.
Pour lui, l'école traditionnelle est détestable et néfaste. Il décrit sa philosophie ainsi : ” Le rôle de l'enfant, c'est de vivre sa propre vie et non celle qu'envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme étant la meilleure. Une telle interférence ou orientation de la part de l'adulte ne peut que produire une génération de robots “.
La société et ses standards ? Nuisible.
Les dictatures de l'argent et de la réussite ? Nuisibles.
L'école qui force les individus à entrer dans le moule ? Nuisible et conduisant à l'esclavage.
Il est très facile de se piquer au jeu, de réfléchir deux minutes et de trouver cette approche particulièrement lucide ou au contraire particulièrement toxique.
J'ai fait le choix personnel de refuser de prendre partie.
Je n'énonce donc ici que des faits, et la vision d'un homme, qui ne peut se comprendre qu'en comprenant son époque (Freud révolutionnait la psychologie, la guerre avait décimé les armées de “petits soldats obéissants” et le communisme venait de faire sa révolution en Russie et se répandait en Europe…)
Notons toutefois qu'Alexander Neill ne donnait pas du tout dans le prosélytisme. D'ailleurs, il disait : ” Ma destinée n'est pas de réformer la société, mais d'apporter le bonheur à un tout petit nombre d'enfants “.
“L’enfant n’est pas un vase qu’on remplit mais un feu qu’on allume.”
Apporter le bonheur en dénouant tous les liens, et également en s'en donnant les moyens, avec douze enseignants pour 75 élèves, âgés de 5 à 15 ans. Il ne faut surtout pas oublier ces chiffres lorsqu'on veut se lancer dans des comparaisons avec d'autres formes de pédagogie. Et il ne faut pas non plus oublier qu'à Summerhill, il y a aussi des règles, des limites, des frontières. Mais ce ne sont pas les règles, les limites, les frontières habituelles.
Apporter le bonheur, en attendant patiemment que les ” élèves “, eux-mêmes arrivant à son école déjà en situation d'échec, puissent tranquillement se ” guérir ” des traumatismes qu'ils avaient subis et décident un beau jour, parfois après plusieurs mois ou plusieurs années, de venir de leur propre gré franchir la porte d'une classe et d'apprendre, volontairement, des notions qui les intriguent, puis les intéressent, puis les passionnent.
Apporter le bonheur, en faisant sienne la phrase de Rabelais et qui est une des plus belles paroles pédagogiques jamais écrites : « L’enfant n’est pas un vase qu’on remplit mais un feu qu’on allume. »
Voici une heure de reportage passionnant sur les anciens élèves de Summerhill.
Je vous laisse juge des résultats…
Cet article fait partie d'une série consacrée aux différents courants pédagogiques qui est loin d'être terminée.
Voici la liste des articles publiés sur ce thème à ce jour :
A la découverte des courants pédagogiques
Interview de Guy Morel, secrétaire du GRIP
L'expérience Summerhill, ou l'utopie concrétisée
La pédagogie explicite, qu'est-ce que c'est ?
Histoire de la pédagogie explicite
Merci encore Michel
J’ai passé un bon moment à voir ce documentaire.
Ca m’a replongé plus de 30 ans en arrière lorsqu’au lycée je lisais “libres enfants de Summerhill”
J’ai eu la chance, non pour mes études, mais pour moi, de fréquenter une école expérimentale du CM2 à la fin de la 5ème. J’ai quitté volontairement cette école, contrairement à mon frère et ma soeur qui y sont restés pour intégrer une 4ème traditionnelle. Assez bonne élève j’avais peur du prendre du retard.: la “récréation” était terminée. Je me suis rendue compte par la suite que ça n’aurait eu aucune incidence sur mon parcours scolaire.
Ce n’était pas Summerhill, loin de là, mais il y avait quelques similitudes. Ce n’était pas une école privée, mais quelques classes avec des enseignants bénévoles (principalement des maîtres formateurs) dans une école primaire et ensuite dans un collège public.
C’est certainement ce parcours qui m’a orienté vers les métier d’instit.
Hélas, je n’ai pas retrouvé ce que j’avais connu élève.
Dans ces écoles, on trouve des élèves et surtout des parents qui veulent adhérer à un projet de ce genre. Il n’y a pas de “pression” (hierarchie, parents…)
Dans ma classe, il y avait des enfants d’enseignants, d’éducateurs et quelques enfants qui avaient échoué dans le système traditionnel. Pour les anciens élèves que j’ai pu “suivre”, beaucoup sont devenus enseignants, éducateurs, infirmières, artistes, architecte… Je ne connais pas de banquiers, de commerciaux, de financiers.
Par contre, nous avions tous un certain esprit critique sur ce qui nous était enseigné et un refus de la discipline “bête et méchante”: sanctions, heures de colle pour leçons non sues ou résultats insuffisants.
Ces expériences sont difficilement transposables dans une école d’aujourd’hui: les programmes et les pressions et attentes diverses ne le permettent pas. Il faudrait faire le choix d’une école parallèle, une école privée, mais je m’y suis toujours refusée. Je tiens particulièrement à l’école laïque, gratuite pour tous.
Bonjour Martine,
Je trouve ces vidéos très intéressantes, parce qu’elles illustrent parfaitement l’immense étendue possible des entrées dans la vie d’adulte.
Elles m’ont également rappelé le film “Le cercle des poètes disparus”.
D’après moi, le jour où tu as choisi d’intégrer une 4eme traditionnelle, ton école expérimentale a gagné : elle a réussi à faire de toi une personne autonome qui était capable de faire des choix, d’apprendre volontairement, de prendre en mains sa destinée…
Je voudrais également ajouter un commentaire sur le jeu.
J’ai actuellement dans ma classe des élèves (rares, heureusement) qui viennent à l’école pour jouer, découvrir des jeux avec des copains.
Chez eux c’est télé, consoles de jeux… C’est à l’école qu’ils découvrent les jeux de société, les jeux de construction, les jeux d’imitation, les activités de découverte…
Et dans le documentaire, on voit bien que les élèves de Summerhill rentrent dans les apprentissages volontairement quand ils ont fini de découvrir par eux mêmes.