La question est toute simple, et pourtant les réponses sont variées, étonnantes, et déterminantes. Appréhender les réponses possibles à cette question (et à une ou deux autres) équivaut à comprendre comment et pourquoi les grands courants pédagogiques sont nés et se sont développés.
-“A quoi sert un marteau ?
-A planter un clou.”
-“A quoi sert l'école ?
-Vous me demandez mon avis personnel ?”
Ah, nous y voilà.
C'est une question – disons plutôt une interrogation – qui est certainement à l'origine de la plupart des courants pédagogiques modernes, et qui explique pourquoi les différents interlocuteurs ont tant de mal à s'entendre.
“A quoi sert l'école ?” Mais qu'elle est bête cette question, pourrait-on penser de prime abord.
Philo
“Bête” ? Disons plutôt “simple”, comme toutes les questions philosophiques profondes qui ont fait chauffer les cervelles des penseurs depuis que l'homme a pris conscience de lui-même :
“Qui suis-je ?”
“Qu'est-ce que la liberté ?”
“Qu'est-ce que l'homme ?”
“Comment apprendre à vivre ?”
Etc…
C'est en répondant à ces questions à leur manière que certains se sont fait un nom (Aristote, Kant, Nietzsche etc…).
…Et c'est en se faisant un nom que certains – le plus célèbre d'entre eux étant peut-être Karl Marx – ont provoqué l'avènement de courants politiques importants qui ont bouleversé la face du monde…
Se poser une question simple est donc loin d'être un acte anodin.
“A quoi sert l'école ?”
Si vous êtes au fait des différentes tendances pédagogiques, vous comprenez immédiatement la portée et les conséquences de cette question.
Si vous ne connaissez pas ces différents courants, vous allez (presque) tout comprendre dans quelques instants.
Une feuille, un papier
Tout d'abord, je vous propose de vous arrêter momentanément de lire cet article, de prendre une feuille de papier et un crayon, de réfléchir un petit peu, et de répondre vous-mêmes à cette question. Répondez en tenant compte uniquement de votre propre opinion, profonde, presque instinctive…
Prenez votre temps, je ne bouge pas…
…Ca y est ?
Je l'ai posée à plusieurs enseignants, soit directement, soit par mail, soit via la page Facebook de Tilékol.
Je m'attendais à avoir une grande diversité de réponses, et j'avoue que je n'ai pas été déçu.
Voici un petit florilège. A chaque paragraphe, c'est un interlocuteur différent qui répond. Etant donné que certains ont demandé l'anomymat, je l'ai accordé à tout le monde 🙂
- “Ca sert à apprendre”.
- “En premier lieu, à sortir du milieu familial pour vivre des expériences de « vivre ensemble » avec des personnes de son âge.
Se confronter à des adultes qui ont une approche différente de celle des parents.” - “Personnellement, je pense que l’école est là pour instruire tous les élèves, c’est-à-dire leur donner les connaissances, habiletés et comportements qui leur permettront de trouver leur place dans la société, de penser de manière autonome et de devenir des citoyens libres et éclairés. Il faut souligner qu’elle doit s’adresser à tous les élèves et avoir les mêmes ambitions pour tous quels que soient leurs milieux sociaux d’origine. L’école doit être capable d’instruire aussi bien ceux issus de milieux culturellement favorisés et ceux issus de milieux défavorisés. Ceux que les parents peuvent aider et ceux que les parents ne peuvent pas aider.” (Extraits de la réponse)
- ” A grandir dans sa tête, à se faire des copains, à apprendre des choses,” aller au boulot comme papa et maman ” dixit un petit loup de 4 ans” même si des fois c'est mieux à la maison ” “.
- “On m'a toujours dit que l'école servait à apprendre, à “prendre” des connaissances pour évoluer, grandir, se cultiver et peut-être s'en resservir plus tard. Ce qu'on apprend nous aide aussi à apprendre des choses plus compliquées encore. Et c'est vrai que l'école permet de faire de belles rencontres, quand on est enfant et aussi quand on est enseignant…”
- “A comprendre le fonctionnement de la vie en communauté.”
- “L'école sert à transmettre des savoirs, des valeurs, à échanger, à discuter, à construire des apprentissages”.
- “L'école sert à devenir libre”.
- “A se rendre compte qu'on est capable de faire quelque chose de bien même quand dans la famille on vous fait croire le contraire. Entre autres.”
Comme vous pouvez le constater, les différences sont de taille. L'école est un concept, et le concept n'est pas le même pour tout le monde.
Pour certains, l'école a avant tout un rôle socialisateur, pour d'autres une mission prioritaire d'instruction.
Soit l'école sert à construire globalement un individu pour le rendre libre et autonome, soit elle sert à remplir la tête dudit individu, ce qui aura pour conséquence de le rendre citoyen et responsable .
Remarquez bien que l'un n'empêche pas l'autre et que vous pouvez intervertir les termes de la phrase qui précède.
Prismes
Les réponses à cette question agissent comme des prisme : lorsqu'on envisage le rôle de l'école à travers l'un ou l'autre des prismes, on obtient des résultats différents.
Ajoutez deux autres questions : “A quoi sert le maître ?” et “Comment apprend-on ?”, et vous verrez clairement un fossé se creuser devant vos yeux entre deux grandes conceptions, deux camps qui s'opposent.
Exactement comme en politique.
D'ailleurs (simple exemple), une des figures incontournables de la pédagogie du vingtième siècle, Celestin Freinet, était un militant communiste, prenant la défense du prolétariat, et militant pour un monde renouvelé, avec un vocabulaire et une pensée qui étaient caractéristiques de son époque. Ce qui ne l'empêchait pas d'affirmer : “L'ordre et la discipline sont nécessaires en classe”.
Deux camps
Nous nous retrouvons donc avec deux camps.
Certains les appellent “instructionnistes contre constructivistes” : grosso-modo, les instructionnistes transmettent du maître à l'élève, et les constructivistes favorisent la découverte par l'enfant lui-même.
D'autres les baptisent “républicains contre pédagogistes”.
Certains, malicieusement, qualifient leur “combat” de “jésuites contre soixante-huitards”, ce qui a le mérite de la caricature et provoque un éclat de rire salutaire.
Arguments + réussites = attirance
Vous allez le voir dans la suite de cette “saga”, chacun des deux camps (et de leurs innombrables variantes) possède des arguments. Lorsqu'on prend la peine de se plonger dans leur histoire et surtout dans leurs pratiques telles qu'ils nous les présentent, on ne peut s'empêcher d'être attiré.
Pourquoi ? Parce qu'ils nous montrent des réussites, tout simplement. Réussites liées à la personnalité de l'enseignant, bien sûr, à la situation ou l'époque bien précise ayant favorisé l'éclosion de telle ou telle pratique, à la logique précise ayant abouti au résultat présenté.
Mais quand, tout guillerets, nous voulons appliquer ces principes dans nos classes, bien souvent, la belle symphonie se transforme en bruit de fond, ce qui est normal, pour deux raisons :
- La maîtrise ne s'acquiert pas spontanément, après une simple lecture ou une petite animation pédagogique;
- Et surtout, comme le faisait remarquer Christine, lectrice de Tilékol dans son dernier commentaire, “on n'enseigne pas ce que l'on sait, mais on enseigne ce que l'on est”. On entre ou pas dans un moule. Parfois, on doit le modifier pour s'y sentir à l'aise…
Une personne (fort connue et respectée par les enseignants mais qui tient à garder l'anonymat) à qui je posais la question “Est-ce que tu te réclames d'un courant pédagogique particulier, et si oui, lequel ?” m'a répondu ceci :
“Non, je picore ici ou là ce que je juge utile ou intéressant, mais je n'ai guère d'affinités pour les passéistes de tout poil ou les prétendues méthodes miracles !”
Fin de cette introduction, assez longue (deux articles), mais à mon avis, indispensable.
Mercredi prochain, je vous proposerai de la fraîcheur, un brin d'utopie et une belle et longue séance vidéo…
Attention : le thème étant particulièrement riche, il est possible que je ne me cantonne pas au mercredi, et que je publie plusieurs articles dans la semaine sur le sujet. Je ne vais pas prévenir systématiquement les abonnés à la newsletter de la sortie de nouveaux articles. Visitez donc Tilékol régulièrement et pensez à utiliser Bloglovin !
Cet article fait partie d'une série consacrée aux différents courants pédagogiques qui est loin d'être terminée.
Voici la liste des articles publiés sur ce thème à ce jour :
A la découverte des courants pédagogiques
Interview de Guy Morel, secrétaire du GRIP
L'expérience Summerhill, ou l'utopie concrétisée
La pédagogie explicite, qu'est-ce que c'est ?
Histoire de la pédagogie explicite
APPEL
Vous avez adopté une forme de pédagogie précise et identifiée ?
Vous êtes adepte de Montessori, Freinet, Piaget, vous êtes traditionnaliste, libertaire, vous utilisez le “whole brain teaching”, la PNL ou la pédagogie explicite ?
Vous êtes un apôtre de la méthode et de la progression, ou bien un partisan de la démarche fonctionnelle ?
Vous avez une idée bien arrêtée sur la question, vous avez un site web qui y est consacré ?
Votre classe est un laboratoire vivant, vous y réalisez des merveilles en appliquant des principes auxquels vous croyez ?
Merci de me contacter, pour que je puisse donner ici de la visibilité à votre pratique !
Merci de lire ce qui suit attentivement :
L’objectif de cette série d’articles est de présenter aux lecteurs de Tilékol les différents courants pédagogiques, et non pas de les opposer.
Si vous êtes tenant, supporter, militant d’un courant pédagogique particulier, vous êtes cordialement invité à vous exprimer ici : présentez-nous votre façon de voir les choses, vos réussites, votre enthousiasme. Nous voulons découvrir, nous voulons apprendre !
…Mais ABSTENEZ-VOUS de dénigrer ceux qui ne pensent pas comme vous. Sinon, votre commentaire tout entier disparaîtra comme par enchantement et sans préavis 🙂
Merci Michel pour ces quelques minutes philosophiques pour commencer un mercredi.
Voici une question subsidiaire à laquelle je vous invite à répondre dans ces commentaires :
Comment faites-vous, vous adultes, lorsque vous désirez apprendre quelque chose que vous ne connaissez pas ?
Je lis Tilékol!!!!!!
J’aime beaucoup cette question subsidiaire.
La réponse de mon chéri (enseignant chercheur) : je fais des recherches !!!
La réponse de ma fille de 10 ans (je sais, ce n’est pas une adulte mais c’est intéressant d’interroger les enfants) : j’essaie.
La réponse de mon fils de 6 ans (cp) : il faut bien écouter la maitresse et les consignes… Je lui demande alors : donc tu n’apprends qu’à l’école ? Réponse : oui et aussi à la maison parce que maman tu es aussi une maitresse.
Ma réponse : ça dépend de ce que je cherche à apprendre !
Dis Michel, ta question subsidiaire, c’est une sacré source de réflexions …
En tout cas ma réponse illustre assez bien mes pensées sur les méthodes pédagogiques : il n’y a pas de méthode miracle, il n’y a pas UNE méthode, ça dépend de ce que l’on veut enseigner, à qui. Je pioche à droite à gauche dans les différents courants pédagogiques ce qui me semble le plus adapté aux différents apprentissages mais aussi aux enfants qui sont tous bien différents ! Chacun sa sensibilité, sa personnalité donc ses affinités.
Merci tilékol de nous faire progresser !
Alors…
Si j’ai le projet, que dis-je, la ferme intention, le prurit d’entreprendre quelque chose qui requiert des savoirs ou des savoirs faire que je ne maitrise pas, mes lacunes, qui se mettent en travers de mon chemin, m’agacent. Dès lors, je n’ai de cesse de tout faire pour leur damer le pion…
Toutes les sources d’informations sont bonnes à prendre.
Telle personne que je connais et qui sait y faire pourra m’apporter ses lumières, je cours l’interroger, au risque de l’accabler de questions. Dans le cas d’un savoir faire, si possible, il me faut voir comment elle s’y prend et mettre, avec elle, et puis toute seule, ma main à sa pâte.
A défaut d’un spécialiste en la matière qui me titille, je cherche l’information dans des livres et, si facilement, sur Internet. Je fouille, fouine, traque le renseignement, recoupe et compare les témoignages, filtre les documents. Je déniche des vidéos explicatives, les détaille : marches arrières et arrêts sur image autant de fois que nécessaire.
La documentation est abondante. Trop pour être d’une aide efficace. J’élague, laisse tomber en chemin tout ce qui ne colle pas précisément à mon objectif. J’affute mes connaissances théoriques.
Ensuite, matériel rassemblé, je m’y mets, je m’y colle, je m’y frotte, m’y pique parfois, ne me laisse pas faire. J’y arrive à peu près. J’y arrive mieux. J’y arrive beaucoup mieux que l’exemple donné. (Hum !)
Petite pause méritée. Moment délicieux d’autosatisfaction. Qui ne dure pas.
J’ai l’idée, maintenant, d’aller plus avant avec mes connaissances neuves. Je laisse sans doute tomber l’aide des livres ou d’Internet. Je m’appuie sur moi-même. J’affine le geste. J’invente un “truc” nouveau, une astuce, un tour de main inédit. J’ai quitté l’apprentissage, je suis entrée dans la création. Waouh !
Après un temps de perfectionnement, d’approfondissement, de maitrise, je suis prête pour l’étape suivante, la meilleure, celle qui donne un peu le vertige parce que là, le faux pas est interdit : la transmission de ce que je tiens de mes sources variées et de mes découvertes personnelles.
Oui, je sais, j’ai laissé tomber les savoirs pour ne développer que l’aspect des savoirs faire… mais les cheminements se ressemblent. A mes yeux, les savoirs faire sont toujours des objectifs plus aboutis que les savoirs. A quoi bonnes des connaissances qui ne débouchent pas sur des pratiques, des techniques, des réalisations, des œuvres tangibles, utiles, ou qui interpellent ?
Hello Sacha
“Savoirs” et “savoir-faire” sont des distinctions parfois superflues.
Il est intéressant de comparer nos méthodes d’adultes avec celles de nos élèves.
Très bien l’avertissement en début des commentaires.
Alors que dans ma formation initiale on nous “apprenait” à avoir un regard critique sur telle ou telle méthode d’apprentissage, j’ai appris par la pratique que ce n’est pas si simple. Il y a des classes avec des élèves, des enseignants, chacun a sa personnalité, ses goûts, ses centres d’intérêt, son vécu, ses expériences, sa façon de structurer ses apprentissages et on ne peut pas (du moins je ne pense pas pour le moment)avoir une méthode infaillible pour “apprendre” et “apprendre à apprendre”.
Je me reconnais bien dans ce qu’écrit Sacha.
Quand je ne sais pas, et c’est souvent que je ne sais pas…
-je cherche toute seule en faisant remonter d’anciennes connaissances
-puis je regarde sur Internet (c’est une mine, mais il y a du tri à faire)
-et puis j’en parle autour de moi, je demande à des “experts”
Je m’aperçois alors qu’il y a rarement UNE Vérité, dans tous les domaines, alors je compose avec tout ça.
Je dis régulièrement à mes élèves que je suis comme eux, toujours en situation d’apprentissage, et que toute notre vie c’est comme ça. Il n’existe personne qui sait tout sur tout.
Merci à Michel de nous faire partager des petits moments comme ça. Ce petit moment du mercredi où on trouve un petit moment pour se poser, “rencontrer” des collègues et voir qu’on est tous avec les mêmes questionnements… C’est une sacrée ouverture et personnellement on se trouve moins seul devant toutes les questions qu’on peut se poser. Il n’y a pas de parti pris, tout le monde est avec ses incertitudes et ça change des “conférences pédagogiques” qui distribuent des “vérités” qui varient suivant les modes pédagogiques. En plus de 30 ans de carrière j’ai entendu tout et son contraire… Mais je remercie particulièrement un prof de math d’IUFM qui ne nous a jamais montré une “technique” infaillible et qui nous a laissé chercher et nous interroger sur nos démarches.
Bonjour Martine
Avoir un regard critique ne signifie pas démolir systématiquement 🙂
Pour moi un apprentissage réussi est celui qui me fournit une représentation extrêmement claire des différentes étapes qui vont me permettre de réaliser ce que j’entreprends.
Pour moi apprendre signifie comprendre. Cela est valable pour la réalisation du boeuf bourguignon comme pour la résolution d’un problème de maths. Face à un problème, il faut débroussailler pour y voir plus clair, puis avancer étape par étape.
Je crois que l’expert est d’abord indispensable, puis lorsqu’on a appris à apprendre, on peut s’en passer.
Je pense que le maître est un éclaireur : parce qu’il a fait le chemin avant nous, il va nous aider à avancer.
Mais attention ! Faire oeuvre de pédagogie nécessite des pré-requis :
– être capable de se ‘re-souvenir’ soi-même des étapes traversées, car rien n’est pire que l’expert qui vous dit : “le boeuf bourguignon, mais c’est un jeu d’enfant ! Enfin…” Sauf que ça a beau être simple, vous, vous faites de la m…
– être capable de s’exprimer clairement et distinctement en se mettant à la portée de l’apprenant (on a tous souvenir de l’apiculteur qu’on a fait venir dans sa classe de GS et qui se lance dans une dissertation sur l’influence néfaste du dérèglement climatique sur la reproduction des insectes…)
– être capable d’empathie et de connivence avec l’apprenant. Là, je dirais que des qualités personnelles rentrent en jeu… Je crois que peu importe le modèle pédagogique qu’ils employaient, nous nous souvenons tous d’enseignants qui ont su créer avec nous une relation particulière…
Voilà mon avis…
Bonjour Clochette
En lisant ton commentaire, je m’aperçois qu’une grande différence entre nous, adultes, et nos élèves, c’est que nous savons ce que nous voulons apprendre.
Un élève de maternelle, lui, ne le sait pas, ou n’en a pas conscience.
Il est vrai que lorsque j’explique à mes GS que nous allons faire tel exercice de graphisme pour nous entraîner, et que le but n’est pas uniquement de faire des petits dessins, mais d’apprendre au final à écrire telle lettre en cursive, ils sont super-motivés et ont envie d’apprendre.
Par contre, apprendre à des PS à tenir une paire de ciseaux ne met pas en oeuvre les mêmes mécanismes, parce qu’ils n’ont pas conscience de la finalité…
Bonjour,
merci Michel j’ai eu l’impression ce matin d’être en animation pédagogique…mais une animation qui se démarquait de celles que j’ai eu jusqu’à présent. C’est-à-dire une animation pédagogique qui amène à une réflexion sur l’enseignement et à laquelle j’apprécie de participer…J’ai super hâte de lire les prochains articles et pourtant je trouve que le temps passe trop vite:)
Bonne semaine et à mercredi sans faute
Hello Kissou
Merci pour ton petit mot, il me motive à continuer – de même que la deuxième partie du commentaire de Martine, entre autres 🙂
Le sujet est difficile car il est extrêmement sensible et les partis-pris idéologiques s’en mêlent très vite, avec leur flot d’inévitables digressions, favorisées par l’effet Internet, l’anonymat etc…Tu as donc entièrement raison d’avertir les éventuels participants en rappelant les règles élémentaires.
J’espère que la citation de l’enseignant anonyme (« … mais je n’ai guère d’affinités pour les passéistes de tout poil ou les prétendues méthodes miracles ! ») ne poussera pas ces « passéistes de tout poil » et « partisans de recettes miracles » à rétorquer sur le même mode argumentaire. Je ne suis pas sûre que ces deux expressions engagent un débat dépassionné!
Personnellement, je pense que les courants pédagogiques doivent être abordés de manière professionnelle, comme de simples objets d’étude. Mais je pense aussi que toutes les mouvances se comprennent mieux les unes par rapport aux autres et qu’il est dommage de se priver de cette inter relation. Renvoyer tous les mouvements pédagogiques dos à dos dans une volonté de syncrétisme pacificateur risque de ne pas faire avancer la réflexion sauf à véhiculer une « vérité supplémentaire».
Cordialement,
Bonjour Françoise
Je précise que ta réponse à la question “à quoi sert l’école ?” a été particulièrement appréciée, et que j’ai reçu en privé des commentaires flatteurs à son sujet.
Ja vais rompre l’anonymat te concernant 🙂
Tu es l’auteur de ceci :
« Personnellement, je pense que l’école est là pour instruire tous les élèves, c’est-à-dire leur donner les connaissances, habiletés et comportements qui leur permettront de trouver leur place dans la société, de penser de manière autonome et de devenir des citoyens libres et éclairés. Il faut souligner qu’elle doit s’adresser à tous les élèves et avoir les mêmes ambitions pour tous quels que soient leurs milieux sociaux d’origine. L’école doit être capable d’instruire aussi bien ceux issus de milieux culturellement favorisés et ceux issus de milieux défavorisés. Ceux que les parents peuvent aider et ceux que les parents ne peuvent pas aider. »
Je ne cherche pas à pacifier qui que ce soit, je cherche uniquement à présenter les différents courants.
C’est un thème bien défini, qui laisse à chacun la possibilité de présenter toutes les réussites de sa propre forme de pédagogie. Surtout, ne te prive pas de le faire concernant ta pédagogie explicite ! Les lecteurs de Tilékol ont l’esprit ouvert et sont curieux, ils sont donc prêts à apprendre, et moi aussi !
Michel,
Aucun pb avec l’anonymat, j’ai toujours parlé sous mon nom (pour le meilleur et pour le pire ! ;).
Pour répondre à ta question subsidiaire, je dirais, mais c’est personnel, que j’ai beaucoup appris sur la pédagogie explicite à la lumière de l’expérience que j’avais du constructivisme. Etonnant non ?
A très bientôt sur la Ped Expl
D’accord avec la citation de Françoise.
J’ai regardé rapidement son site sur la pédagogie explicite.
En matière d’éducation (je n’arrive pas à voir que notre rôle d’instructeur à l’école), je pense qu’on a tous à apprendre des uns et des autres. Chaque enfant est unique et je pense qu’on ne connait pas encore une seule Vérité pour enseigner.
J’ai eu personnellement 3 enfants qui ont eu les mêmes enseignants et je n’en ai vu aucun apprendre de la même manière. Pour l’un l’apprentissage de la lecture s’est fait en dehors de l’école, une curiosité, une envie de découvrir ce langage. Pour les deux autres, une méthode de lecture mixte, où en fait chacun apprend comme il peut.
J’ai longtemps enseigné en CP et j’ai vu les élèves passer soit par le global, soit par le syllabique. Et je ne parle pas des maths…
“empathie et de connivence avec l’apprenant”, j’aime bien ce qu’écrit Clochette.
J’ai justement été une élève capable du pire et du meilleur suivant les enseignants que j’ai eu.
Et c’est terrible dans une classe de se rendre compte que le “courant” n’arrive pas à passer avec certains élèves.
Avez-vous rencontré ce phénomène aussi aussi?
Ce n’est pas grave lorsque l’enfant n’a pas de difficultés d’apprentissage, mais quand il en a, oui et c’est très culpabilisant.
Bonjour Michel,
Bravo pour l’énergie et l’enthousiasme que tu donnes encore à partager!
J’ai beaucoup apprécié de lire ces différents commentaires.
Personnellement, je vois l’école comme un lieu qui aide à “grandir”. Instruction et socialisation ont toute deux leur place. Il est vrai aussi, qu’aujourd’hui, repenser l’école paraît être une démarche pertinente tant la société toute entière a évolué depuis 1/4 de siècle.
Pourtant, je reste convaincue que l’école devrait demeurer ce lieu privilégié, un peu “protégé”, épargné. Les enfants sont suffisamment manipulés par les média, la consommation et certains parents inconscients ou tout simplement démunis, peinent à les accompagner dans un apprentissage de la vie ou esprit critique et liberté de penser seraient favorisés. J’ai tendance à idéaliser l’école parce que je la voudrais porteuse et non “suiveuse”.
L’école doit (devrait) servir à acquérir des outils de penser et de connaissance pour mieux appréhender le monde qui nous entoure, y trouver sa place et s’y sentir bien.
Mais elle ne doit pas leurrer. Il y a un poème que j’adore et qui pour moi symbolise tout à fait l’Education – au sens large – : “Pour faire le portrait d’un oiseau” de Jacques Prévert. Je ne sais absolument pas si le but de l’auteur était celui que j’y vois mais c’est pas grave.
“attendre que l’oiseau entre dans la cage et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau puis effacer un à un tous les barreaux en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau”.
L’enfant grandit lentement, dans une cage (l’éducation, l’instruction, le travail, l’effort, les règles de vie…)pour mieux pourvoir s’en libérer et… voler de ses propres ailes!
Eh oui Isabelle, en quelque sorte, l’école nous donne le bagage, la trousse à outils, que nous allons transporter le long de notre vie et qui va nous permettre de nous dépatouiller…
Elle est magnifique cette citation de Prévert, Isabelle…c’est le poème sur lequel on avait travaillé quand j’étais en CE1 (ça date) et que mon école avait pris le nom du poète. Tu viens de raviver un joli souvenir !
D’autres ont très bien dit ce que je pense concernant l’utilité de l’école (former des citoyens libres, autonomes et éclairés…).
Pour moi la méthode idéale, c’est d’abord celle qui donne envie à l’élève…envie d’apprendre, d’essayer. Et qui lui donne des moyens efficaces de le faire.
Si l’enseignant sait où il va et qu’il est impliqué, alors l’élève va le suivre plus facilement et il y a de grandes chances pour que cela marche . Enfin…plutôt les élèves car “L’ELEVE” n’existe pas (et c’est pour cela qu’il faut garder une grande faculté d’adaptation) !
Je ne m’arrêterai de chercher la bonne méthode que lorsque TOUS mes élèves réussiront…ce qui est utopique puisque les difficutés scolaires ne sont qu’un symptôme et que le fond du problème ne prend souvent pas source à l’école. On ne peut pas tout résoudre (ou alors il faudrait des équipes multi professionnelles dans chaque école mais je digresse là, je digresse…)
On n’a jamais fini d’apprendre…même et surtout pas en pédagogie.
C’est ça qui est important : “quand TOUS mes élèves réussiront”.
Parce que les bons élèves, quelle que soit la méthode, n’auront pas de problèmes pour acquérir ce que l’école a à leur transmettre.
2 citations :
« Le travail scolaire ne consiste pas et ne peut prétendre à faire résoudre routinièrement à l’enfant toutes les difficultés particulières que la vie pourra lui proposer… La tâche de l’école est plutôt d’exercer l’esprit de l’enfant sur des thèmes de réflexion, souvent plus schéma tiques et plus abstraits que les situations de la vie réelle, mais qui, par les habitudes de pensée claire et rigoureuse dont ils sont le support, sont sans doute la plus efficace des préparations aux difficultés plus ou moins imprévisibles que lui réserve l’existence.»
(H. Canac, L’enfant et le nombre –> ouvrage consultable sur le blog Manuels anciens).
« Exercice : action qui a pour fin de se préparer à une action réelle. Je fais des gammes, afin de pouvoir jouer une sonate. J’apprends l’escrime, afin de pouvoir combattre. J’apprends l’anglais, en vue de parler avec d’autres qu’avec le maître d’anglais. Il est compris dans l’exercice que l’on y divise les difficultés, en séparant un mouvement de tous les autres. La meilleure des préparations à la vie ne serait-elle pas, en fin de compte, l’exercice intellectuel le plus méthodique ? »
(Alain, Définitions)
Pour une réflexion actuelle apparentée à ces deux auteurs cités, on pourra se référer aux articles de J-M Muglioni sur le blog Mezetulle :
– L’éducation par l’instruction
– Mémoire et lien humain
– Ecole et société
– Instituer l’école
– L’école, reflet de la société
Une réponse plus explicite cette fois à la question “A quoi sert l’école ?” peut être fournie par cette citation de Bernard Berthelot extraite de son texte L’Imposture pédagogique (facilement trouvable sur le net) :
Il faut partir du principe que chaque enseignant est attaché à la discipline qu’il enseigne, et pénétré de sa valeur culturelle, être convaincu par ailleurs que toutes les disciplines enseignées dans un établissement scolaire font partie d’un héritage culturel qu’il importe de transmettre, que c’est là la responsabilité première de l’enseignant car il y va de sa responsabilité dans le processus d’humanisation au cours duquel l’homme éduque l’homme. Il doit être clair que l’humanité de l’homme ne saurait se réduire à des comportements (ou à des compétences, je rajoute) : nous verrons que c’est tout le contraire. C’est en assimilant les savoirs constitués par les hommes qui l’ont précédé que l’homme peut être institué dans l’ordre de l’humanité. J’ai bien dit savoirs, et non pas savoir-faire, et encore moins savoir-être !
Et c’est sur ce point précis qu’il faut dénoncer la grande mystification des “sciences de l’éducation”, de la “pédagogie par objectifs”, et de ses autres avatars pédagogiques. Alors qu’elles prétendent centrer leur démarche sur les “apprenants”, alors que l’enseignement dit “traditionnel” est accusé de se préoccuper essentiellement des savoirs à transmettre, au préjudice de l’apprenant, on se rend compte que la “pédagogie par objectifs” se soucie en réalité des “compétences” et “performances” que “l’apprenant” doit développer pour s’adapter à un état donné de société. Ce passage de V. & G. De Landsheere est exemplaire de la démarche :
“Il est important d’enseigner les comportements, les façons de penser, de sentir et d’agir qui ont une valeur dans notre société et aident l’individu à en devenir un membre effectif. Quelles compétences exige-t-elle de ses membres ? Quelles sont, en particulier, ses caractéristiques en ce qui concerne la santé, la famille, les loisirs, le travail, la religion, et les affaires civiques ? La position est donc utilitariste, fonctionnelle. Elle est assortie d’une considération méthodologique visant à éviter le hiatus entre l’école et la vie. Autant que possible, l’enseignement devrait être planifié de façon que les étapes initiales de l’apprentissage soient franchies sous la direction de l’école, mais que cet apprentissage continue et soit renforcé en dehors de l’école.”
Point de vue utilitariste : voilà donc la fameuse question “A quoi ça sert ?” Quelques remarques : de quelle “utilité” s’agit-il donc ? De celle de “l’apprenant”, comme on le prétend le plus souvent, ou de la société ? On dira, sans doute, que c’est la même chose ? Y aurait-il donc, entre les deux, une harmonie préétablie, et de quelle société s’agit-il ? Pose-t-on seulement la question ? Prenons donc l’exemple d’une société esclavagiste, ou dans laquelle règne l’apartheid ! La fonction essentiellement adaptative attribuée à l’enseignement impose alors de former chacun à la fonction qu’il aura à remplir dans la société, pour son plus grand bien, cela va de soi, le maître à commander, l’esclave à obéir. C’est sans doute ce que l’on appelle “l’ouverture de l’école sur la vie” !
Merci pour cette participation très intéressante…
Cette question, on n’a pas fini de se la poser !
J’interviens sur cet échange un an 1/2 après et j’espère que cela ne vous importunera pas. Je suis arrivée ici en indiquant au moteur de recherche “à quoi sert l’école ?” Je ne suis pas enseignante. Je m’intéresse à une question spécifique : faut-il qu’un enfant gravement malade continue de suivre un enseignement scolaire (à quoi cela sert-il ?) et plus difficile encore : à quoi peut servir l’école à un enfant dont on sait qu’il ne grandira pas ? Peut-être avez-vous déjà réfléchi à ces sujets ?
Bonjour Catherine.
Désolé d’apprendre la raison de votre visite ici.
La qualité première de l’être humain est d’être social. La fonction première de l’école est la socialisation : la mise en contacts de différents individus entre eux, l’interaction qui se produit, les échanges, et parfois aussi les désaccords et la gestion des conflits.
Cet aspect social est fondamental, c’est ce qui rend un humain épanoui. C’est le premier des plaisirs apportés par l’école.
Ensuite, il y a la curiosité, le plaisir de la découverte, le plaisir d’apprendre, de construire, d’échafauder, de résoudre, de réfléchir, de questionner, de déduire, de trouver. Pourquoi vouloir en priver quelqu’un ?
Vous avez remarqué que j’ai employé plusieurs fois le mot “plaisir”…
Sur un plan philosophique, la vie humaine ne se définit pas en années. De toutes manières, qu’un individu vive 100 ans ou 5 ans, cela reste un temps ridiculement court, négligeable, presque rien par rapport à l’infini du temps et de l’espace. La vie humaine se définit en intensité. La vie d’une allumette n’est que de deux ou trois secondes, mais ce sont trois secondes de lumière, de feu, de beauté.
Donc oui, je pense que l’école est indispensable à un jeune enfant malade. ce ne sera pas facile tous les jours, il y aura des joies, des pleurs, des rires, des moments de douleurs, des moments de plaisir.
On appelle ça la vie.
Merci beaucoup de cette belle réponse qui peut aider des parents concernés devant cette question difficile pour eux.
« Bête » ? Disons plutôt « simple »,
comme toutes les questions
philosophiques profondes qui ont
fait chauffer les cervelles des
penseurs depuis que l’homme a
pris conscience de lui-même :
« Qui suis-je ? »
« Qu’est-ce que la liberté ? »
« Qu’est-ce que l’homme ? »
« Comment apprendre à vivre ? »
merci cela ma beaucoup aider encore merci