L’Enseignement Explicite s’appuie sur un postulat de départ disant que l’enseignant est responsable des apprentissages et des performances des élèves. Comme se plaît à le rappeler Siegfried Engelmann : « Si l’élève n’a pas appris, alors le maître n’a pas enseigné. »
La pédagogie explicite fait parler d'elle avec insistance depuis quelques années.
Oui, mais concrètement, comment fonctionne une classe ” explicite ” ?
Nous avons aujourd'hui une invitée sur Tilékol.
Il s'agit de Françoise Appy, qui fait une promotion active de la ” pédagogie explicite ” en compagnie de son mari, Bernard.
Je lui ai demandé de nous expliquer simplement, dans un article court, en quoi consistait cette forme de pédagogie.
Un peu de concret ne fait de mal à personne !
J'ai pensé qu'entrer directement dans le vif du sujet serait une bonne manière de faire connaissance avec cette forme d'enseignement.
Samedi, je donnerai la parole à Bernard Appy, qui nous brossera un historique de ce mouvement. Nous aurons droit également à quelques vidéos 🙂
La parole est à Françoise Appy :
Apprendre consiste à faire intervenir des changements dans la mémoire à long terme des élèves ; si rien n’a changé en MLT (” mémoire à long terme “), alors rien n’a été appris.
L’enseignant est l’agent de ce changement.
Une question qu’il doit se poser le plus souvent possible est : ” Qu’ont-ils appris ? ”
L’Enseignement Explicite repose sur deux parties d’égale importance : la gestion de classe et la gestion de la matière.
Gestion de classe :
Selon Clermont Gauthier, elle consiste à « établir un ensemble de règles et de modes d'action pour créer et maintenir un environnement ordonné et favorable à l'enseignement ainsi qu'à l'apprentissage. »
Quand on met en place l’enseignement explicite en classe, on commence obligatoirement par la gestion de classe. Un des leitmotivs de l’enseignement explicite est d’avancer pas à pas, de manière progressive. Il en sera de même pour la gestion de classe.
Elle concerne : l’organisation matérielle de la classe (placements, matériel) et les comportements (sociaux et scolaires).
Le meilleur moyen pour mettre en œuvre les comportements souhaités réside dans les règles de classe qui seront enseignées elles aussi de manière explicite. Les règles sont établies par l’enseignant et lui seul, et mises en place dès le premier jour de classe. Elles sont peu nombreuses et peuvent être hiérarchisées (règles d’or et règles moins importantes) ; elles sont formulées de manière positive. Elles sont enseignées et expliquées puis mises en œuvre et rappelées aussi souvent que nécessaire. Elles se présentent sous forme de valeurs (respect, responsabilité…) auxquelles correspondent des moments (classe, récréation…) et des comportements (ex : je lève la main pour demander la parole).
L’enseignement des comportements souhaités se fait aussi de manière explicite : on montre et on pratique (ex : apprendre à faire des transitions rapides, apprendre à se déplacer en groupe, apprendre à travailler par paires…).
Gestion de la matière :
Le but est la compréhension et le maintien en mémoire, les deux étant d’égale importance. La compréhension est suscitée par des explications appropriées (modelage) et vérifiée, elle s’inscrit en mémoire par la pratique (d’abord guidée puis autonome) et les révisions. La procédure explicite, basée sur les 6 fonctions pédagogiques de Rosenshine ( Révisions des connaissances pré-requises – Présentation du nouveau contenu – Pratique guidée – Pratique autonome – Révisions hebdomadaires et mensuelles –– Correction et rétro action) peut être succinctement résumée dans le tableau suivant :
Quelques particularités de l’Enseignement Explicite :
- On part toujours du simple pour aller vers le complexe ; on fractionne les difficultés.
- La vérification de la compréhension repose sur un questionnement varié.
- Une place toute particulière est accordée à la correction. Toute erreur est corrigée immédiatement et accompagnée d’un feed-back (reprise de l’explication) afin qu’un raisonnement erroné ne cristallise pas dans l’esprit de l’élève.
- En pratique guidée, on attend d’avoir environ 80% de réponses correctes pour passer à la pratique autonome qui elle exige environ 95%.
- On n’hésite pas à reprendre une leçon quand la majorité des élèves n’a pas compris.
- Les connaissances préalables sont très importantes car d’elles dépendent la réussite de la suite. Si elles ne sont pas acquises (mise en situation), on n’hésite pas à les ré-enseigner.
- On préfère le renforcement positif au renforcement négatif ; il porte sur les résultats obtenus en lien avec les efforts fournis.
- On utilise les routines.
- Les comportements s’enseignent comme les autres disciplines par modelage et pratique.
- On associe l’élève à ses procédures d’apprentissage (métacognition).
- Lors du modelage l’enseignant veille à ne pas provoquer de surcharge cognitive chez l’élève : il évite les digressions, les redondances, les ambiguïtés, ne permet pas les tâches parasites et donne des exemples et des contre-exemples.
- La durée des moments respecte la capacité d’attention des élèves (environ âge + 2 minutes).
Pour en savoir plus, voir le site formapex.com/
Cet article fait partie d'une série consacrée aux différents courants pédagogiques qui est loin d'être terminée.
Voici la liste des articles publiés sur ce thème à ce jour :
A la découverte des courants pédagogiques
Interview de Guy Morel, secrétaire du GRIP
L'expérience Summerhill, ou l'utopie concrétisée
La pédagogie explicite, qu'est-ce que c'est ?
Histoire de la pédagogie explicite
Bonjour,
Merci pour cet article et tous ceux qui concernent la pédagogie explicite. C’est une pédagogie que j’ai découverte en début d’année scolaire et je me suis lancée tout de suite. C’est comme si cette démarche mettait en lumière tout ce qui au fond me semblait évident mais que je n’arrivais pas encore à formaliser. Bref, je commence à pratiquer surtout dans le domaine de la compréhension, ça marche, je retrouve un plaisir vrai à la pratique de classe. Mon école est situé dans un secteur en grande difficulté et cette année, je trouve ma classe plus travailleuse avec un vrai goût pour l’effort : normal, la réussite est là. Je travaille à reprendre mes préparations de façon à l’appliquer plus largement. Et du coup je me pose encore beaucoup de questions, ces articles m’aident à y répondre. Vivement samedi!
pourrais-tu nous expliquer un peu comment tu procèdes? quel âge ont tes élèves? merci 😉
J’ai une classe de cm2 avec un grand nombre d’élèves en difficulté. Avant tout la pédagogie explicite, je la conçois comme un moyen de mettre en évidence des processus nécessaires à la réalisation d’une tâche. Je mets en place des situations qui favorisent la métacognition, en proposant à mes élèves ceci : “et si on descendait de vélo pour se regarder pédaler”. Il ne s’agit pas simplement d’énoncer un objectif. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à cette démarche je me suis rendue compte qu’outre atlantique on accordait une grande place à l’enseignement des procédures que certainement en France nous considérons comme “évidentes”. En détaillant et en mettant en lumière les démarches, les processus, les étapes qui conduisent à l’acquisition d’une compétence, on assure une réelle acquisition.
Je ne maitrise pas encore la démarche mais je me suis lancée, principalement en lecture pour enseigner la compréhension, en maths pour différencier plus facilement sous forme d’ateliers. Et puis une des principales difficultés de mes élèves étant la mémorisation des leçons, des poèmes, des tables de multiplication (souvent par manque de méthode), et bien j’applique depuis peu la démarche explicite pour leur faire mémoriser ce qui est essentiel en classe. Et je dois dire que les progrès sont importants. De plus ces moments sont appréciés de tous dans la classe car la concentration des enfants est importante, leur attention est quasi totalement captée, et du coup la classe est calme, l’ambiance est agréable. Et cerise sur le gâteau, les enfants réussissent, et en ont conscience. Les ateliers de maths ou de lecture, ils en redemandent!
Je me rends compte que j’utilise de plus en plus cette pédagogie. Je l’ai mis en place de manière complètement intuitive au fil des années et en effet, ça donne de bons résultats.
J’ai découvert la PEX et ses auteurs cet hiver et j’adhère, mais je ne sais pas encore bien comment la mettre en oeuvre à 30 élèves de MS, si vous avez des pistes… 😉
Bonjour Marie-Caroline
J’ai découvert ce mouvement récemment, et il me semble quand même que certaines des pratiques décrites sont employées depuis longtemps dans les classes.
Pour ceux qui sont sensibles à ce genre d’approche, l’avantage de formaliser la pratique est d’avoir un canevas sur lequel s’appuyer pour avancer.
En ce qui me concerne, je serais bien en peine de me décrire comme faisant partie d’une mouvance particulière.
Tout ce que je sais, c’est qu’en maternelle (GS) j’explique toujours aux élèves ce que je leur apprends, et pourquoi je leur apprends.
Par exemple, je leur explique que les “dessins” que nous faisons en graphisme servent à les préparer à l’écriture. Je leur dis aussi que lorsqu’ils s’entraînent à écrire, c’est comme s’ils apprenaient à “conduire un stylo.” Le fait de mettre un sens sur leur pratique est fondamental.
Bien entendu, cela ne m’empêche absolument pas de les mettre devant des situations où ils vont découvrir, réfléchir, proposer, décider, progresser. A condition que cela soit profitable à tous les élèves, et non pas seulement aux plus dégourdis.
Pour cela, je me sers de l’outil “Tilékol” sur Excel, qui me procure un tableau de bord clair et m’évite d’oublier que tel élève n’a pas encore acquis telle notion.
le mouvement nord-américain propose des vidéos sur YT avec des élèves d’âge pré élémentaire (cependant moins nombreux que les notres :D) sur lesquelles j’ai bien vu l’action de la formatrice en acquisition de vocabulaire qui fait répéter, utilise toujours la même routine (avec les plus grands d’ailleurs aussi) et les enfants sont hyper concentrés, répondent, sont encouragés en permanence. J’ai essayé un jour avec ma classe juste pour voir 😀 ça demande beaucoup de maitrise et d’énergie de la part de l’enseignant, les enfants suivent sans problème, mais il est clair que c’est un tout, une façon d’être enseignant, je pense, pour tout et tout le temps, c’est cohérent.
Tu sais, il n’y a pas besoin de conditions particulières pour expliquer aux élèves ce qu’ils font à l’école et pourquoi ils le font.
L’air de rien, ça les intéresse, même en maternelle 🙂
Ca les motive même énormément. En GS, ils savent tous que bientôt, c’est le CP, ça les impressionne un peu quand même. Ils vont se retrouver avec les “grands”. Et lorsque tu leur explique qu’ils sont en train de se construire leur petit bagage qui leur sera très utile pour la suite, ils sont réellement motivés.
Mais bon, je ne pense pas que le fait d’expliquer aux élèves pourquoi ils apprennent puisse être assimilé à de la pédagogie explicite. Chacun a ses propres pratiques, ses propres routines, ses propres réussites, ses propres élèves. Et si on devait mettre un nom sur chacune des pratiques et les baptiser “pédagogie X”, on n’en sortirait plus.
Bonjour,
Pourrait-on avoir un exemple de leçon explicite ? La voix passive en CM2, ou la divIsion au CP, par exemple.
Cordialement.
Bonjour
Si vous souhaitez avoir quelques exemples de leçons en Pédagogie Explicite vous en trouverez sur le site de l’APPEx (http://www.3evoie.org/). Nous sommes une association d’enseignants qui essayons de nous former à cette pégagogie. Nous nous entraidons sur une liste de discussion privée mais il y a quand même de nombreux documents en ligne. C’est justement Bernard et Françoise Appy dont il est question dans l’article qui en ont été les fondateurs il y a quelques années.
Bonsoir,
Je suis allé sur le site de l’APPEX mais je n’y ai trouvé aucune leçon.
y’a-t-il des manuels recommandés pour ceux qui pratiquent la pédagogie explicite ?
Bonjour
Actuellement, aucun manuel n’est pensé directement dans une démarche de pédagogie explicite mais nous échangeons entre nous des conseils par niveau. Nous privilégions les manuels où il n’y a pas de longues phases de découverte, des leçons claires et structurées, triées par matière, de nombreux exercices, du simples au complexes, avec si possible plusieurs exercices du même type. Vous trouverez, par exemple, sur le site un document appelé : Manuels et matériels pédagogiques pour le CM1. Les ouvrages de la Librairie des écoles ou les CLR de chez Hachette sont assez souvent utilisés.
Cordialement
Erreur de ma part. Il existe un manuel explicite : La librairie des écoles vient d’éditer un manuel pour le français en CE1 !