Voici la suite du précédent article consacré à la pédagogie explicite. Aujourd'hui, nous allons nous plonger sur l'histoire de ce mouvement. Et nous allons découvrir deux particularités originales : il est récent, et il nous vient du continent américain.
Selon ses promoteurs, la pédagogie explicite s'appuie sur des données “probantes”.
Son facteur décisif est la pratique de l'enseignant, qui est le facteur d'échec ou de réussite des élèves.
Aujourd'hui, petit cours d'histoire : Bernard Appy nous retrace les étapes de la création et de la définition des pratiques dites de “pédagogie explicite”.
Un petit voyage dans le temps, mais aussi dans l'espace, qui va nous amener aux Etats-Unis, plus particulièrement dans l'Illinois, qui va se poursuivre au Quebec et qui va faire un détour important dans le Gard, avant d'essaimer en France.
La parole est à Bernard Appy :
1/ Un nombre de plus en plus imposant d’études converge vers les conclusions suivantes : l’école, et plus particulièrement l’enseignant, influence l’apprentissage des élèves grâce à une bonne gestion de classe et un enseignement efficace. Par conséquent, en améliorant les pratiques pédagogiques, on peut améliorer le niveau scolaire des élèves. Les pratiques enseignantes possèdent donc un pouvoir d’influence important sur la réussite scolaire des élèves, particulièrement auprès de ceux provenant de milieux socio-économiques défavorisés.
Une étude portant sur 70 000 élèves, 180 écoles, pendant 10 ans
2/ Tout commence avec le Projet Follow Through, la plus vaste expérimentation jamais effectuée dans le domaine de l’éducation. Son but était de déterminer la pratique pédagogique favorisant le plus la réussite des élèves, surtout ceux issus de familles pauvres. Cette expérimentation portait sur 70 000 élèves de 180 écoles, de 1967 à 1976. Neuf modèles pédagogiques sur la vingtaine du départ parvinrent à son terme. À la surprise générale, le gagnant fut le Direct Instruction, un modèle d’enseignement structuré, systématique et explicite mis au point au début des années 1960 par Siegfried Engelmann. Le Direct Instruction parvenait en tête pour les habiletés de base (lecture, écriture, mathématiques), mais aussi pour les habiletés intellectuelles (raisonnement, résolution de problèmes) et pour les habiletés affectives (estime et image de soi).
3/ Barak Rosenshine (Université d’Urbana-Champaign – Illinois) travaille sur les résultats de Follow Through. Il cherche à déterminer les éléments de l’efficacité en enseignement. En 1986, il modélise les caractéristiques d’une pratique efficace et devient ainsi le “père” de l’enseignement explicite. Celui-ci consiste à présenter la matière de façon fractionnée, en vérifiant de manière continue la compréhension, et en assurant une participation active et fructueuse de tous les élèves. L’enseignement explicite et systématique se révèle surtout adapté aux jeunes élèves et à tous ceux qui apprennent lentement, quel que soit leur âge. Ce type d’enseignement se révèle aussi profitable à tous les élèves, même aux élèves plus performants. L’enseignement explicite se divise en trois grandes étapes : le modelage (ou présentation), la pratique guidée et la pratique autonome.
4/ Le courant de recherche sur l’efficacité de l’enseignement s’efforce de répertorier les différentes techniques d’enseignement utilisées par les enseignants efficaces, qui entraînent le plus de réussite chez leurs élèves. Après quoi, on les compare à celles mises en place par des enseignants moins performants ou novices. Cela permet d’identifier les pratiques pédagogiques les plus efficaces pour favoriser les apprentissages des élèves. Par ailleurs, les recherches sur l’enseignement efficace ont été réalisées en classe régulière et, très souvent, auprès d’élèves moins performants provenant de milieux défavorisés.
5/ Des travaux récents en sciences cognitives confirment également la validité des pratiques explicites. Citons les recherches de John Sweller sur la charge cognitive, de Carol Dweck sur l’intelligence dynamique, de Daniel Willingham sur le fonctionnement du cerveau dans les apprentissages.
Données probantes
6/ Les données probantes portent sur les pratiques d’enseignement validées par la recherche. À ce titre, elles constituent une preuve scientifique vérifiable. Toutes les données probantes récentes (voir les travaux de John Hattie) confirment la pertinence de l’enseignement explicite.
7/ Au tournant des années 2000, le Canadien Clermont Gauthier (Université Laval – Québec), plaide pour une professionnalisation des enseignants grâce à une formation solide portant, entre autre, sur le savoir d’action pédagogique. Pour lui, « le savoir d’action pédagogique est le savoir d’expérience des enseignants rendu enfin public et passé au crible de la preuve par la recherche qui se déroule en classe. » Il ajoute : « Les savoirs d’action pédagogique validés par la recherche sont actuellement le type de savoirs le moins développé dans le réservoir des savoirs de l’enseignant et aussi, paradoxalement, le plus nécessaire à la professionnalisation du métier. Il ne pourra vraisemblablement y avoir de professionnalisation du métier tant que ce genre de savoir ne sera pas plus explicité, étant donné que les savoirs d’action pédagogique constituent un des fondements de l’identité professionnelle de l’enseignant. »
8/ Cela l’amène à s’intéresser, avec ses compatriotes Steve Bissonnette et Mario Richard (tous deux également professeurs d’université), aux études nord-américaines sur l’enseignement efficace. En 2005, Clermont Gauthier vient faire une série de conférences à Paris et à Genève, accompagnée de la publication d’un fascicule intitulé : Quelles sont les pédagogies efficaces ?
9/ Instituteurs dans le Gard, nous prenons connaissance des travaux de Gauthier, Bissonnette et Richard au printemps 2006. Dans la description qu’ils font des pratiques efficaces, nous retrouvons des procédures que nous avons adoptées, au fil du temps, dans nos classes. Mais nous découvrons aussi d’autres pratiques de l’enseignement explicite que nous ne connaissions pas, et qui ont fonctionné dès leur mise en application.
Conférence Form@PEx : Vers une école efficace par la Pédagogie Explicite from Bernard Appy on Vimeo.
10/ Depuis 2006, nous faisons connaître à nos collègues professeurs des écoles les techniques de l’enseignement explicite en diffusant ses pratiques, essentiellement grâce à Internet. Ainsi, notre site Form@PEx propose de nombreux documents en accès libre et d’autres permettant une formation professionnelle par abonnement.
Pour en savoir plus, voir le site formapex.com/
Cet article fait partie d'une série consacrée aux différents courants pédagogiques qui est loin d'être terminée.
Voici la liste des articles publiés sur ce thème à ce jour :
A la découverte des courants pédagogiques
Interview de Guy Morel, secrétaire du GRIP
L'expérience Summerhill, ou l'utopie concrétisée
La pédagogie explicite, qu'est-ce que c'est ?
Histoire de la pédagogie explicite
Coucou Michel
Je viens de terminer le livre (et pas sur liseuse ;-))de Audrey AKOUN et Isabelle PAILLEAU, Apprendre autrement avec la pédagogie positive! Un ouvrage vivifiant, “positif” et plein d’astuces et de clins d’oeil, de sourires…et qui m’a redynamisée, et j’ai envie de renouveau dans ma façon d’appréhender mes petits et ma manière d’enseigner(quoique je fais déjà plein de trucs en ce sens!)!
Je le recommande à tous, il est très agréable à lire, simple d’accès et pratique à pratiquer! (lol).
Tu me fais évoluer et j’avance avec toi. Merciiiiiiiiiii!
Merci pour l’info !
Mais, dis-moi… je ne savais pas qu’il y avait une pédagogie négative 🙂
En ce qui me concerne, je prends bien soin de féliciter systématiquement un élève qui réussit quelque chose.
Communiquer systématiquement de manière négative est abominable, que ce soit pour les enfants comme pour les grands.
Dans ma classe de GS, mes élèves connaissent par coeur deux petites lois naturelles qui vont les aider pendant le restant de leur vie :
1/ Il est normal de faire des erreurs lorsqu’on apprend.
2/ Pour apprendre, il faut “faire”. Si on se contente d’écouter ou de regarder, on n’apprend RIEN.
Ils sont très réceptifs à ces axiomes, qu’ils comprennent parfaitement et qu’ils mettent en pratique sans complexes. Ils sont en grande section…
Je viens de découvrir cette vidéo qui parle de la pédagogie explicite et je suis complètement séduite. Ils parlent de la mauvaise formation des maîtres, enfin quelque chose de sensé ! J’ai appris sur le tas et j’ai toujours eu le sentiment que ma formation était nulle. Aujourd’hui, j’en ai la confirmation. Je vais donc étudier le sujet en entier. Merci vraiment pour cette merveilleuse découverte…
Bonsoir,
Mr Appy omet de signaler la création d’une association pour la pédagogie explicite en juin 2006 dont il était secrétaire et Mme Appy, la présidente; il s’agissait de “La 3ème voie…”. Puis ils ont démissionné pour créer formapex. “La 3ème voie…” existe toujours mais a changé de nom depuis leur départ. Il s’agit maintenant de l’APPEx, association de loi 1901, sans aucun but commercial qui compte à ce jour 429 membres.
Bonjour,
je lis deux axiomes enseignés en GS par un collègue Michel Tiliekol. Si le premier a sa raison d’être le second est, en revanche, erroné et participe d’une “pédagogie négative” ou pire encore selon Siegfrieg Engelmann : “de maltraitance académique”.
En effet, tous les sytèmes éducatifs performants asiatiques sont ceux dans lesquels dans lesquels “ECOUTER” et “REGARDER” en silence quelqu’un (professeur ou autre élève qui parle) est aussi un axiome efficace. C’était aussi, autrefois, un axiome privilégié dans le système éducatif français!
Si au lieu d’opposer ces deux axiomes, on les combinait habilement?
Bonjour Vladeur
Je serais enchanté de pouvoir présenter ici les systèmes pédagogiques asiatiques, que je ne connais pas. Ici, sur Tilékol, nous avons l’esprit ouvert.
Tu ne voudrais pas nous écrire un petit article bien documenté sur ce sujet ? Je le publierais avec plaisir ici-même.
“Ecouter et regarder en silence”, c’est une étape efficace, que j’utilise bien entendu et suis d’accord avec toi. Ce n’est pas incompatible avec “faire”. Parce que faire, c’est bien, encore faut-il savoir quoi faire.
Et non, ce n’est pas incompatible avec la pédagogie de la découverte 🙂
Si on pouvait casser un peu les murs des chapelles pédagogiques hermétiques et établir des ponts entre elles, on serait surpris des (bons) résultats.