Le ministre de l'Education a tranché et a dit NON. La méditation n'a pas sa place à l'école. On parle d'une pratique louche mise en avant par des lobbies, à connotation religieuse, dangereuse pour la santé mentale, contraire aux droits de l'Homme.

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A première vue, ces affirmations paraissent tellement saugrenues que je me suis un peu penché sur le sujet et que j'ai trouvé intéressant de vous en parler. Faisons un petit point ensemble sur la question…

Les associations alertent

La Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'Enseignement, la fédération de parents d'élèves FCPE, les syndicats FSU, CGT et Unsa, l'association de lutte contre les dérives sectaires Unadfi, les Francas, l'OCCE et d'autres structures (une quinzaine en tout) ont alerté le ministre de l'Education Nationale le 17 janvier dernier.

L'objet de cette alerte ? La pratique de la méditation “proposé par un lobby ésotérique”, qui provoque un “conditionnement avec perte d'esprit critique et assujettissement de l'individu” et engendre “des risques importants qui ne peuvent être négligés”.

Vous pouvez lire cette lettre dans son intégralité ici.

Houla, mais c'est que ça a l'air grave. La Ligue des droits de l'Homme, carrément ?

La méditation, une pratique dangereuse ?

Mais de quoi parte-t-on, exactement ?

La méditation de pleine conscience

Je vous ai parlé plusieurs fois de méditation sur ce blog.

Je vous avais notamment expliqué comment j'avais découvert cette pratique quand j'étais un minuscule collégien, en lisant un livre qui parlait de la technique utilisée par les astronautes pour s'endormir.

Technique que j'ai moi-même pratiquée pensant des années, m'imaginant habillé d'une combinaison spatiale, dans la capsule Apollo, tournant en orbite autour de la lune… Et je m'endormais en rêvant d'étoiles, de planètes, de cosmos, de voyages dans la Voie lactée…

Un beau jour, des décennies plus tard, je suis tombé sur de la documentation concernant la méditation de pleine conscience, et je me suis rendu compte que je l'avais grosso-modo pratiquée pendant des années sans le savoir.

Prendre conscience de sa respiration et de son corps, se recentrer sur soi, se calmer, arrêter un peu de penser, se retrouver dans un état apaisé… Pour moi, une petite méditation, c'est un peu comme prendre une douche du cerveau : on en ressort tout propre, tout frais, avec une bonne sensation.

Mais quel est le rapport avec une pratique religieuse, avec un conditionnement dangereux, avec des risques psychologiques importants ?

Aucun.

Ah oui, il y en a quand même un : les bouddhistes pratiquent la méditation depuis des milliers d'années. Mais est-ce pour autant une pratique religieuse ?

Je vous laisse juge.

Méditation et neurosciences

La méditation a été étudiée très sérieusement par les chercheurs en neurosciences.

Ils ont découvert des choses étonnantes (voir l'article des Echos ici).

Entre autres :

  • La méditation protège contre le vieillissement des cellules du cerveau.
  • Elle augmente la vigilance cérébrale, parce que, paradoxalement, le cerveau est très sollicité par cette pratique.
  • Elle aide à lutter contre la douleur.
  • Elle compense la fonte de la matière grise.
  • Elle provoque une augmentation de la masse du cortex préfrontal.
  • Elle développe l'hippocampe (qui joue un rôle de premier plan dans la mémorisation, l’apprentissage, la vigilance et l’adaptation à son environnement).
  • Elle rétrécit l'amygdale (celle du cerveau, pas celle de la gorge !), associée au cerveau limbique, primaire, animal, celui qui provoque des réactions instinctives, des émotions incontrôlées, qui anéantissent la réflexion.

Rappelons que ces mêmes neurosciences ont prouvé que l'usage excessif des réseaux sociaux a un effet exactement inverse : réduction du cortex préfrontal (donc de l'intelligence raisonnée) et augmentation de l'amygdale (donc des réactions primaires, irréfléchies, le contraire de l'intelligence).

Méditation à l'école

Quand j'avais ma classe de maternelle, nous adorions, mes élèves et moi-même, prendre le temps de nous calmer en écoutant la voix extraordinaire de Sara Girodeau, pour une “petite séance de grenouille”.

Installez-vous tranquillement et écoutez :

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Franchement, y voyez-vous l'ombre d'un quelconque danger pour les enfants ?

Un retour au calme, une respiration qui ralentit, un arrêt des sollicitations incessantes… Certains de mes élèves n'avaient JAMAIS connu de situations où ils se retrouvaient seuls avec à eux-mêmes, tranquilles, apaisés. Ils découvraient les bienfaits de la sérénité…

Une de mes amies, directrice d'école, commence d'ailleurs chaque réunion avec ses collègues par une petite méditation guidée, pour gagner en efficacité et calmer tout le petit monde pour avoir des échanges efficaces.

Mais quel est le problème ?

C'est la question que je me pose.

Mais j'avoue, je suis un gros naïf.

Il doit y avoir des éléments que j'ignore.

J'ai peut-être deux ou trois pistes.

Méditations guidées

La pratique de la méditation peut sans souci se faire tout seul, sans aucune aide extérieure.

Mais il y a une autre forme, très répandue, et qui s'appelle la méditation guidée.

Cela consiste à écouter quelqu'un qui vous “dirige”, comme dans le cas de la méditation de la grenouille, voir la vidéo ci-dessus : “asseyez-vous bien droit, fermez les yeux, respirez profondément”, etc…

Associée à une musique relaxante, cette “voix” prend en quelque sorte le contrôle, un peu comme un hypnotiseur qui modifie l'état de conscience de son sujet.

Cet état d'obéissance à une voix extérieure est à mon avis un genre de “deuxième couche” qui vient s'ajouter à l'effet de la méditation en elle-même, et qui en est bien distincte.

D'ailleurs, on peut très bien méditer tout seul dans son coin, sans personne qui nous dise de penser à notre gros orteil en respirant trois fois 🙂

Dans le cas de collégiens, par exemple, est-ce que le fait d'”obéir à la voix” est une bonne chose ?

Je m'interroge.

Mais quand on ne connait pas la méditation, il faut bien être guidé, au moins au début.

Interventions extérieures

Le deuxième élément qui pourrait être problématique est l'intrusion dans les écoles d'associations extérieures, qui viendraient faire des séances de méditation aux élèves.

Là, j'avoue que je ne connais absolument pas le sujet.

On parle d'un “lobbie ésotérique”, du “Mind and Life Institute”, d'un député qui veut faire des expérimentations à grande échelle, de similitudes avec l'église de scientologie…

C'est bien connu, notre époque est pleine de gourous malfaisants (je ne parle pas de l'institut ou du député que je viens de citer et que je ne connais absolument pas) voulant exploiter les foules crédules pour leur prendre leur pognon, et bien entendu, l'école n'est pas là pour les accueillir.

Mais quand je lis les arguments invoqués par ceux qui veulent faire interdire la méditation (et qui ont réussi, l'info est toute récente), j'y vois peut-être autre chose…

…L'ignorance ?

Une troisième explication possible à cette levée de boucliers contre la méditation à l'école.

Parce que, quand même, l'attaque est frontale : on parle de “psycho-secte”, on s'insurge contre des ateliers de relaxation, on déplore la “perte d’esprit critique et l'assujettissement de l’individu”, de “risques pour le développement psychique des enfants” !

…D'atteinte à la laïcité !

Vraiment ?

Mais dites-moi…

Les réseaux sociaux utilisés à tort et à travers ne provoquent-ils pas aussi un assujettissement et une perte d'esprit critique, à bien plus grande échelle ?

Internet ne présente-t-il pas aussi des risques pour le développement psychique des enfants ?

Les sollicitations INCESSANTES de la société numérique par le biais des smartphones, tablettes, ordinateurs, montres connectées et autres gadgets en tous genres ne transforment-elles pas les individus en foules de zombies, les yeux écarquillés et incapables de se concentrer plus d'une seconde ?

Avec des conséquences évidentes, et négatives, sur les apprentissages des enfants ?

Bien sûr que oui…

Et la pratique d'exercices de respiration, de retour au calme, d'apaisement des pensées ne peut-elle pas être bénéfique ?

Bien sûr que oui…

Et tous ces membres d'associations en colère ont-ils essayé, au moins une fois dans leur vie, de méditer ?

Je pense que non.

Est-ce que, finalement, la principale raison de cette affaire ne serait pas l'ignorance ?

Méditation interdite ?

Pour être honnête, le ministre n'a pas dit ça.

Mais il interdit l'expérimentation à grande échelle de la méditation dans les établissements scolaires, et il n'encourage pas sa pratique.

Pas grave.

Il nous reste le yoga et le tai-chi !


Que pensez-vous de cette affaire ?

Pratiquez-vous la méditation avec vos élèves ?

Y trouvez-vous un intérêt ? Lequel ?

Avez-vous constaté la présence d'associations “louches” dans les écoles et collèges ?

Les commentaires sont ouverts pour vous !