Voici une question toute simple, qui concerne les enseignants de CP mais aussi de maternelle (grande section). Elle est intéressante parce que, face à la multiplicité des produits proposés par les éditeurs, il faut bien faire un choix, surtout depuis que l'emploi d'un manuel de lecture est obligatoire. Mais quels sont VOS critères de choix ?
Précision : cet article vous concerne AUSSI si vous enseignez en maternelle ! Lisez, vous comprendrez pourquoi.
Tout est parti d'une réflexion de mon ami Marc, réflexion qui était en même temps une question :
La question de Marc
“Depuis la parution des instructions officielles de 2015, des dizaines de manuels de lecture pour CP sont sortis.
Or, pour un certain nombre de ces manuels, je ne vois aucune logique d'apprentissage dans la progressivité.
Quand les enseignants choisissent un livre de lecture, qu'est-ce qui motive leur choix, en termes d'apprentissage ?”
Petit extrait des instructions officielles :
“Au CP, les élèves pratiquent, de manière concentrée dans le temps, des activités sur le code de l’écrit dont ils ont eu une première expérience en GS. Il s’agit pour les élèves d’associer lettres ou groupes de lettres et sons, d’établir des correspondances entre graphèmes et phonèmes. L’apprentissage systématique de ces correspondances est progressivement automatisé à partir de phrases et de textes que les élèves sont capables de déchiffrer.“
Collègues de maternelle : vous remarquez que vous êtes cités : bien entendu, l'apprentissage de la lecture ne commence pas au CP !
Deux documents Eduscol indispensables :
Le premier s'intitule : “Comment analyser et choisir un manuel de lecture pour le CP ?”
Il comporte 6 pages et est disponible ici : cliquez
Il est vraiment très intéressant. Il commence par décrire ce qu'est un manuel de lecture :
- – Pour l’élève, un outil d’apprentissage
- – Pour le professeur et pour l’équipe pédagogique, un guide pour l’organisation de l’enseignement
- – Pour les familles, un moyen d’accompagner son enfant dans l’apprentissage de la lecture.
Puis, il parle de la place à accorder au manuel dans l'enseignement de la lecture.
Enfin, il explique ce que doit contenir un manuel de lecture et propose un outil permettant de faire son choix grâce à une grille très bien faite :
Le deuxième s'intitule “Quels sont les temps forts de l’apprentissage de la lecture et comment évoluent-ils au cours de l’année du CP ?“
Il comporte 10 pages, est également très intéressant et je vous invite à le lire !
Il se trouve ici : cliquez
Rémi et Colette
Les anciens (dont Marc et moi faisons partie) ont appris à lire avec une méthode extrêmement efficace et qui s'appelait “Rémi et Colette” (créée en 1947 !).
Je me souviens encore des affichettes fixées au-dessus du tableau et des images qui sont devenues délicieusement surannées :
Bien entendu, nous avons tendance à glorifier le passé, mais il n'empêche que je remercie Madame Sata, mon institutrice de CP de l'école de Bois-Luzy à Marseille : elle m'a appris à lire et à bien lire, et elle possédait son “arme fatale” de l'époque : Rémi et Colette.
Il paraît d'ailleurs que ce manuel, revu et actualisé, existe encore !
Il y a quelques années, j'ai eu entre les mains (et utilisé) un autre manuel, intitulé “Sami et Julie”, qui s'inspirait fortement de Rémi et Colette, et que je trouvais tout simple et très bien fait, parce que respectant une logique dans la progressivité de l'apprentissage des sons.
Et en maternelle ?
Quand j'avais ma grande section, j'adorais les Alphas, que je trouvais vraiment très efficaces.
Bien entendu, lorsque par le passé on se contentait d'un manuel et de quelques affichettes, les éditeurs d'aujourd'hui proposent une profusion de supports : livres cahiers, affichettes, affiches, sous-mains, vidéos, personnages en silicone, en plastique, en bois, aimantés, bientôt en hologrammes…
Je suis à peu près sûr que dans un futur pas si lointain, les maîkresses demanderont à leurs élèves de coiffer leur casque de réalité virtuelle pour aller rencontrer EN VRAI “Monsieur a”, la Botte et le Cornichon dans le métavers de la planète Alpha…
Mais n'oublions pas que derrière la forme, évidemment différente en maternelle, le fond reste le même : apprendre à lire, et pas n'importe comment.
Voilà pourquoi je vous invite, collègues de maternelle, à découvrir les PDF Eduscol présentés ci-dessus ainsi que les instructions officielles du cycle 2…
La question !
Mais n'oublions pas la question qui est la raison d'être de cet article :
“Quand les enseignants choisissent un livre de lecture, qu'est-ce qui motive leur choix, en termes d'apprentissage ?”
Ou, posée différemment :
“Quel manuel de lecture utilisez-vous, et pourquoi celui-là ?”
Merci de répondre en commentaires !
Et si vous n'avez ni GS, ni CP, pouvez-vous interroger vos collègues et nous indiquer leur réponse ?
Merci !
Bonjour
En tant que maîtresse de maternelle, j’utilise les alphas qui sont très efficaces mais cette année j’ai inclus la demarche cleo qui permet de faire produire les premières phrases aux enfants. En effet, il est important pour moi de faire produire de l’écrit dès la GS afin que les enfants sachent différencier texte phrase mot syllabes et lettres ainsi que leurs interactions.
De plus j’utilise la méthode des albums écho permettant à chaque enfant de progresser dans la manière de raconter / produire de l’oral pour raconter une histoire.
Ma collègue utilise de son côté narramus qui renforce ce côté oral.
Voilà nos choix pédagogiques cher Michel.
Bien à vous
Christine Journaux
Merci Christine !
Faire produire de l’écrit est également primordial parce que le codage vient avant le décodage : on ne peut lire que ce qui a été écrit au préalable…
Bonjour Michel,
enseignante en GS et CP, j’utilise “la méthode Venot” et les alphas en GS (la sorcière Furiosa des alphas ayant des cousines “venot” nommées Karaba, Kiribi, Korobo etc…, qui viennent lui prêter main forte).
En CP je commence avec un petit mois d’alphas, histoire de mettre tout le monde au même niveau (ceux qui étaient dans ma classe en GS, ceux qui viennent d’une autre classe ou d’une autre école) puis j’en chaine avec la méthode Bulle qui est plutôt syllabique et qui a l’avantage de proposer un roman épistolaire (les lettres de Milo) tout au long de l’année. Mes élèves adorent découvrir une nouvelle lettre et suivre les aventures de Bulle la fée et de Milo l’enfant de CM1.
J’utilise également narramus en APC.
Une collègue de CP utilise, elle, la méthode Taoki. C’est également une méthode syllabique.
Amicalement !
Merci Virega,
De toutes manières, les instructions officielles imposent l’approche syllabique. ce qui est intéressant, c’est de savoir pourquoi on choisit tel ou tel manuel…
A-t-on vraiment besoin d’un manuel de lecture ? Puisqu’ils ont tous leurs défauts mettons nous tous et toutes à la méthode naturelle de lecture…
Partons de ce que vivent les élèves, de ce qu’ils disent, de ce qu’ils inventent, de ce qu’ils écrivent.
Créons une vraie dynamique de lecture-écriture.
Bonjour Claude,
Le fait de savoir si on a besoin d’un manuel est un autre sujet : si tu lis les instructions 2015 et les deux documents d’Eduscol, tu verras qu’on doit utiliser un manuel, et qui doit répondre à certains critères.
Par contre, en parallèle, on peut moduler l’approche et bien entendu, le vécu des élèves est primordial.
Dans la circo, l’IEN ne veut plus des alphas et pour les manuels de CO, il n’y en a que deux ou trois qui ont son agrément. Ça limite beaucoup la liberté pédagogique… Son équipe passe chez les GS, CP et CE1 plusieurs fois par an pour vérifier l’enseignement du français et des maths.
Enseignante en gs.cp.ce1. Nous avons investi dans la méthode Cocoli. Manuel choisi car pas cher-mais fragile avec pages fines se déchirant trop facilement (on s’est dit que si ça ne convenait pas on pourrait réinvestir 4ans plus tard) , partant la plupart du temps du graphème, nous avions demandé conseil,en vain, (tout le monde attendait les sorties de manuels et les retours d’expérience). Se compose de 2 manuels + 2 fichiers: le code (2 graphèmes par semaine, puis 1 par semaine) et la compréhension (à utiliser à partir de la période 3, avec des textes complets, des extraits de livres, etc) Nous avons choisi de n’acheter que le manuel de code + fichier d’exercices(que les instructions ne recommandent plus car il faut y préférer des exercices de cahier du jour et donc des photocopies), et nous faisons travailler la compréhension avec les séries de livres et autres rallyes lecture que l’on a à l’école (histoire de se garder un peu de liberté pédagogique). Nous travaillons en parallèle la fluence de lecture avec des “gammes” de syllabes, puis de mots, puis textes, et un répertoire de mots pour dictées “faites maison”. Cocoli est une méthode pratique, simple, claire et ritualisante. Une routine s’installe vite, les cp en sont rassurés et l’autonomie vient. Bémol : l’apprentissage du code prend énormément de temps, le travail de compréhension + travail sur la phrase en est impacté. Les éditions Accès viennent de sortir une méthode de lecture qui a l’air encore plus épurée, nous allons nous y intéresser et peut-être changer si cela nous plaît pour septembre 2023.
Bonjour Rosaye,
Est-ce qu’outre le prix, vous avez étudié avant l’achat la progressivité et la logique dans l’approche des phonèmes/graphèmes ?
Bonjour AnneSo,
Quels sont ses arguments pour “interdire” l’usage des Alphas en maternelle ?
Bonjour,
étant enseignante en GS-CP depuis pas mal d’années, je me permets de ne pas suivre les IO puisque j’ai moi-même construit mes fiches de lecture et ma progression. Mais j’ai mes sources d’inspiration:
– d’abord, c’était “Bien lire et aimer lire” de Borel-Maisonny. Progression logique et gestuelle que j’utilise toujours.
– puis je me suis inspirée de “Lire et écrire avec Salto”, toujours syllabique, progression très proche de BM, mais avec des textes plus “actuels”.
– enfin, j’ai pioché des bonnes idées chez “Pilotis”, toujours syllabique, progressive.
Si je devais acheter un manuel, je prendrais peut-être “Pilotis”. Mais je déteste les fichiers, et je trouve que les manuels sont trop fragiles. Donc je préfère donner mes propres fiches de lecture que l’on colle dans un cahier. Je peux les adapter en fonction de mes élèves (certains ont de la couleur, d’autres pas),et en fonction des années (cette année, mes CP avancent bien, alors j’accélère un peu…). Le manuel ne permet pas cette différenciation et cette souplesse.
A part ça, pour rebondir sur un commentaire plus haut, je suis toujours très gênée que des ien imposent une petite liste de manuels et interdisent certaines pratiques…
Merci Delphine pour ce partage !
Donc pour toi, si on devait choisir un manuel, ce serait “Pilotis”.
Est-ce qu’il coche toutes les cases de la grille d’Eduscol présentée dans l’article ?
Bonjour,
J’ai découvert le collectif “enthousiasme orthographique” qui propose un apprentissage parallèle du codage et du décodage, de la GS au CM2. Ce n’est pas un manuel, mais une approche complémentaire au manuel.
Sous forme de capsules, c’est très intéressant avec des outils concrets proposés.
Merci Marnotia.
Est-ce que la progressivité et la logique pédagogique sont au rendez-vous ?
1. D’où viennent les correspondances graphophonétiques ?
Elles sont le produit du codage des sons porteurs de sens, les phonèmes, avec des graphies qui sont particulières au sens du mot : on code donc du sens en codant du son.
Si on commence par coder l’oral /rame/, faire correspondre aux 3 phonèmes /r-a-m/ les graphies r-a-me alors on peut lire rame, mais aussi mare et arme dans la foulée. On apprend à coder du sens, à lire du sens et à transférer quand c’est possible.
Si on commence par coder orthographiquement l’oral, la lecture en retour est assurée dans 100% des cas. Si on code /fam/ avec femme, alors femme se lit bien /fam/ et surtout pas fème comme un décodeur serait tenté de le faire. Voyez le résultat du décodage en verlan : au lieu de transformer femme en /maf/, ils ont décodé et maf est devenu /meuf/!
2. Les élèves sont prêts à écrire en arrivant au CP, pas à lire. Montessori, Freinet, Javal et Schuler l’ont bien montré. Ils pourront lire ce qu’ils auront appris à orthographier.
3. Il n’existe pas de code de lecture, mais des codes d’écriture. Si on écrit, on utilise une graphie majoritaire dans 85% des cas environ. Si on décode des lettres, à condition de percevoir les limites des graphies, on n’a que 15 à 50% des chances de bien décoder et certainement le malheur de ne pas lire.
Coder /a/ avec “a” se réalise dans 90% des cas, 99% avec une petite fioriture (ac, at, az…) en finale (à la rime!).
Décoder “a” en /a/ ne se réalise que dans 40 à 50% des cas. Il existe 12 décodages de la lettre “a” et il faut avoir commencé par coder les mots concernés pour savoir les lire comme dans équateur, crayon, speaker, manger, maigre, etc.
4. La lecture c’est la “reconnai-sens” des mots qu’on a appris à écrire et pas le décodage, toujours imprévisible (à vérifier avec toutes les autres lettres, même le “b” dont les décodeurs disent qu’il se décode toujours /b/, c’est faux.
Tous les décodages, si on parle de décodage, sont possibles uniquement si on sait coder le mot vu.
5. De telle sorte qu’on ne peut jamais écrire une syllabe comme conseillé, tout juste peut-on retrouver la vingtaine d’écritures différentes de /si/ par exemple, tout en n’ayant accès à aucun sens (les décodeurs attendent “si” !). Pas plus qu’on ne peut lire un groupe de lettres appelé indument syllabe. Comment décoder fer comme dans fermer, fera, coiffer ?
6. On trouve sur le site écrilu un manuel accompagnant une progression possible de l’étude des écritures des phonèmes et dont tous les textes proposés sont lisibles dans 100% des cas. Javal a réalisé également une progression lisible.
7. On complique beaucoup le travail des écoliers en leur faisant croire que telle ou telle lettre ou groupe de lettre se décode de telle façon. “n” ne se décode /n/ que dans moins de 20% dans un texte !
8. En commençant par coder, tous les élèves lisent dans l’année, dès fin décembre pour les plus en avance. Voir le témoignage des parents sur “ecrilu”.
On finira bien par comprendre l’importance du codage initial renvoyant toujours au bon décodage, à l’orthographe et à la lecture.
Bonjour Jacques
Ta démonstration est lumineuse, comme d’habitude.
Pour avoir moi-même utilisé cette approche, en classe de CP, dans la dernière année d’enseignement (alors que je venais de la maternelle), je confirme que les résultats sont magnifiques.
D’ailleurs, à la fin de cette année, j’ai eu un petit regret de ne pas continuer à enseigner en CP parce qu’écrilu avait été en quelque sorte une révélation.
Vous qui lisez ce commentaires et voulez aller plus loin, cliquez ici ; https://www.tilekol.org/?s=ecrilu
Merci Monsieur Delacour !
Bonjour,
juste une petite remarque: il ne me semble pas (d’après mes souvenirs de cours de linguistique) que le mot “femme” ait été décodé pour devenir /meuf/. Comme le mot “flic” qui est devenu “keuf” (troncation de “keufli” après inversion des “syllabes” /fli/ et /que/), le mot “femme” est devenu “meuf” après troncation de “meufa” (et inversion donc des syllabes /fa/ et /me/).
Votre explication confirme que lorsque le décodage entre en scène, il prouve son inefficacité.
On apprend à décoder en ajoutant des “e” qui n’existent pas : flique (pour avoir 2 syllabes dont “que” qui n’est pas une syllabe ici)
On apprend à décoder me en /me/ alors que dans femme il n’y a pas de /me/, on ne dit pas /fa-me/
On mélange allégrement graphème phonologique (de l’ordre du code) avec la syllabe de l’ordre de la parole : une émission solidaire. Si femme comporte 5 lettres, il n’a qu’une syllabe et 3 phonèmes.
Votre explication est plausible dans ce cadre bien entendu, mais note code d’écriture code des phonèmes pas des syllabes : il ne peut donc y avoir de méthode syllabique…d’écriture ou de lecture.
Bonjour,
Je viens de découvrir votre blog et je le trouve très intéressant.
J’enseigne au CP depuis de nombreuses années. J’ai commencé avec une méthode syllabique que je “fabriquais” comme je le pouvais puisqu’ à l’époque la globale était de mise (ce qui me paraissait improbable d’apprendre à lire avec cette méthode!)
Aujourd’hui je termine l’année avec Taoki, mais je me suis lassée de ce manuel. J’ai commandé pour la prochaine rentrée la méthode explicite de la Librairie des écoles, qui remplit tous les critères du tableau du dessus.
Et puis je me suis interrogée sur l’importance de l’écriture pour apprendre à lire. Et c’est en cherchant des réponses à mes questions que j’ai découvert ce blog.
Donc je vais continuer avec mes beaux manuels tout neufs dont j’ai besoin pour être dans les normes, mais je vais aussi bien étudier les articles sur “écrire pour apprendre à lire” et me concocter une petite progression qui prend tout cela en compte.
Bien cordialement