Nous voici arrivés à la conclusion de cette série haletante consacrée à la “bonne manière” d'apprendre à écrire la première lettre de l’alphabet. Le moment de trancher est venu. Place au concret, à la logique, à l’efficacité et, si possible, à l’harmonie au niveau des groupes scolaires…
L’objectif de cet article est de proposer une manière d’écrire la lettre « a ». Vous la choisirez ou non, mais au moins vous aurez une information, une proposition et des arguments pour pouvoir vous faire une opinion.
Je pense qu’il est important qu’il y ait une harmonie à ce sujet au niveau de l’école entière, et/ou au niveau du cycle 1 et de la liaison GS/CP.
Mais d’abord, une précision…
Danièle Dumont me faisait la remarque : il est impropre de parler de « tenue du scripteur ».
En effet, le scripteur est celui qui écrit, et non pas son outil d’écriture.
Le problème, c’est que notre belle langue française n’a semble-t-il pas de terme générique pour désigner cet outil. On peut parler de « tenue du crayon », mais ce sera forcément approximatif.
On peut aussi dire « tenue de l’outil du scripteur », mais franchement, c’est à la limite du ridicule.
il reste un mot à inventer, si vous avez une proposition, ne vous gênez pas !
Bon, allez, attaquons :
« Au commencement était
la plume Sergent-Major »
Vous ne l’avez probablement pas connue, mais moi oui. J’ai encore le goût de l’encre sur la langue !
Il y a assez longtemps (mais pas tant que ça), on apprenait à écrire avec cet outil merveilleux. Il faut dire que notre instit avait du temps à y consacrer.
L’avantage de la plume, c’est qu’elle a un sens. C’est-à-dire que si vous essayez de faire remonter sa pointe, vous faites un gros pâté ou vous passez carrément à travers la feuille.
Son autre avantage, c’est qu’on ne peut tenir le porte-plume que d’une manière : « la bonne ». Si vous tenez le porte-plume droit, vous provoquez un accident de cahier.
Je pense que ce sont ces caractéristiques qui ont entraîné deux manières d’écrire le « a » :
- Un « c » et une canne.
- Un rond et une canne.
Cela permettait de faire de beaux « pleins et déliés ».
Est-ce que ces manières de faire sont à encourager aujourd’hui ?
Je n’en suis pas certain, parce que cela oblige à lever inutilement son stylo.
La règle d’or du mot
qui s’écrit d’un trait
Certains enseignants sont intransigeants sur ce sujet : il est rigoureusement interdit de lever son stylo lorsqu’on écrit un mot, tout doit se faire d’un seul trait !
Pourquoi être aussi exigeant ?
Il est exact qu’en levant le moins souvent possible son stylo en traçant le mot, on obtient une fluidité dans l’écriture. Néanmoins, en faisant remarquer à l’élève qu’il allait se transformer instantanément en crapaud s’il levait son stylo d’un millimètre, on introduit un facteur de ralentissement, puis de blocage.
Le bon côté de ce dogme s’appelle « efficacité » dans l’écriture. Economie de gestes. Concernant l’écriture du « a », il est à l’origine du « glyphe belge » ou du « glyphe suisse ». Nous y revenons dans un instant.
Le « a » est-il de la famille
du marsupilami ?
En d’autres termes : le « a » a-t-il une queue ?
Je vais vous faire une confidence : j’ai deux chiennes « boxers ».
L’une des deux a la queue coupée, l’autre a sa queue d’origine. Et pourtant, toutes les deux sont des Boxers, affectueuses, joueuses, intelligentes et destructrices de plantations.
Pour le « a », c’est pareil. Selon les ouvrages pédagogiques (et les fiches…) qu’on croise, on en rencontre avec ou sans queue.
Quelle est l’origine de cette queue ? Peut-être la « belle écriture », la calligraphie (à la plume), le temps où on prenait le temps de jouer avec le papier et l’encre, où on faisait du beau, du sensuel, de l’esthéthique.
En ce temps-là, la queue du « a » n’était tracée que dans deux cas précis :
- Pour les mots commençant par la lettre « a » et qui n’étaient pas situés en début de phrase.
- Pour les lignes d’écriture du « a ».
De nos jours, allons-nous conserver cette queue ? Grande question.
Comment écrire le « a » :
le cahier des charges
- La solution proposée doit être logique.
- La solution proposée doit être efficace.
- Le « a » doit ressembler à un « a ».
- L’élève doit avoir un modèle clair et parfaitement défini.
- Son apprentissage ne doit pas être un parcours du combattant.
Comment écrire le « a » : la progression logique et la proposition.
Je propose que nous suivions la progression limpide qui est proposée par Danièle Dumont et que nombre d’entre vous d’ailleurs, doivent pratiquer depuis des années en l’ayant découverte par vous-même :
- Première étape : j’apprends à tracer la lettre « c ». Ainsi, je démarre « au bon endroit » et je tourne « dans le bon sens » sans même me poser la question.
- Deuxième étape : j’apprends à tracer la lettre « o » en prolongeant mon « c ». Avec les deux mêmes avantages que pour le « c » : point de départ et sens de rotation. (Le cauchemar du sens de rotation du « o » ne sera plus qu’un lointain souvenir).
- Troisième étape : je commence comme un « c », je continue comme pour faire un « o », sauf que je monte tout droit et que je reviens sur les pas pour terminer dans une jolie canne : j’ai fait mon « a », naturellement, logiquement, d’un seul coup d’un seul !
Vous l’aurez compris, je propose d’écrire le « a » selon le « glyphe suisse ou belge », et sans la petite queue.
Ceci est une proposition, pas un dogme.
L’objectif est de clarifier les tenants et les aboutissants de l’apprentissage du « a » et de l’harmoniser au niveau du groupe scolaire.
Vous y adhérez, ou pas, le plus important étant que vous ayez les arguments, et que vous preniez une décision raisonnée !
Ceci est la troisième et dernière partie de la petite étude sur le tracé de la lettre “a”.
La première partie se trouve ici :
https://www.tilekol.org/comment-ecrire-le-a-en-cursive-premiere-partie
Et la deuxième partie est là :
https://www.tilekol.org/comment-ecrire-le-a-en-cursive-deuxieme-partie
bon je suis plongée dans le livre de Danièle Dumont et j’entrevoie une tout autre façon de faire l’apprentissage de l’écriture ! C’est passionnant ! Et j’aimerais bien que mon inspectrice ait l’idée de la faire venir pour une conférence pédagogique !!!
Bonjour Claude
Effectivement, c’est passionnant !
Lorsqu’on a les idées claires et qu’on sait où on va, le travail est subitement plus facile…
Comme je le disais en commentaire lors de la 1ère partie de l’article, je procède ainsi depuis plusieurs années et les résultats en terme d’efficience et de lisibilité sont au rendez-vous !
Mes fiches d’écriture sont conçues avec des modèles sans lever le crayon.
Bonjour Christelle
Tu as au fil des années conçu un système qui fonctionne bien dans ta classe, bravo !
Le but du jeu n’est pas de réinventer la roue chaque année mais d’affiner sa pédagogie et de l’enrichir, pour le plus grand bénéfice de nos élèves…
Et bien voilà ! cqfd ! j’aime beaucoup la partie “Cahier des charges” !
Merci Michel, merci Danièle !
En tout cas cette discussion passionnante a gagné la réunion de parents de la maîtresse de mon fils (GS). C’était très intéressant !
Bon, je ne suis pas sûre que les autres parents non initiés aient compris exactement de quoi nous parlions, mais ce que j’espère c’est qu’ils ont compris qu’apprendre à écrire aux élèves c’était un METIER et qu’il valait mieux qu’ils nous laissent faire plutôt que de faire du BACHOTAGE à la maison (aie ! aie ! aie ! combien d’élèves sont arrivés en septembre en me disant “maman m’a appris à écrire mon nom en attaché !” je vais avoir du travail pour remettre tout ça dans le bon sens !)
Sans rire, est-ce que je vais enquiquiner les avocats, les médecins, les podologues et les ingénieurs en piétinant leurs plates-bandes ? et pourtant, j’ai vu tout Ally Mc Beal, tout Urgences et je m’y connais en NFS-Chimie-Iono 😉
Bonjour Florence
Je pense qu’il ne faut pas en vouloir aux parents de bachoter ou bien de n’être pas “au top” dans ce domaine.
En ce qui me concerne, le matin à l’accueil il m’arrive de faire un “mini-dirigé” à quelques parents, avec crayon et feuille pour tout le monde. Ils adorent ça, et ensuite ils n’apprennent plus les choses à l’envers à leur enfant.
Ravie de le lire, Florence, c’est un métier.
Lorsque cette prise de conscience sera faite, nous aurons sans doute fait un grand pas mais pour cela, il faut que :
– les parents fassent confiance aux enseignants,
– les enseignants se donnent les moyens qu’on leur fasse confiance,
– l’Éducation nationale donne aux enseignants les moyens*… de se donner les moyens qu’on leur fasse confiance. (si je peux m’exprimer ainsi 🙂 )(*formation, considération, budget etc. )
Il semble que l’intention y soit. Il ne reste plus qu’à espérer, activement, que l’action suive et qu’elle suive de façon pertinente et sans entrave…
Tout un programme.
Comme Claude, je rêve d’une conférence pédagogique de Danièle Dumont, pour peaufiner mes connaissances en matière d’apprentissage de la lecture (je ne suis plus à convaincre de l’efficacité de sa méthode, mais je ne suis pas encore très au point).
D’ailleurs, outre l’écriture du “a”, je ne suis pas en accord avec nombre de mes collègues pour l’écriture du “e”. Cette lettre paraît pourtant simple, mais il y a ceux qui font une “cassure” au début du “e”, et moi qui n’en fait pas. Avec cette cassure, le mot “le” peut vite se transformer en “be”. Michel, un petit article sur le “e”?
Allez, encore merci pour ce blog qui fourmille de bonnes idées!
Bonjour Delphine,
Le cas du “e” est aussi intéressant que celui du “a”.
Il mérite également qu’on s’y attarde. Bientôt sur Tilékol ?
🙂 Je souris en lisant ce débat très passionnant sur l’écriture ou plutôt “les” écritures…
J’ai enseigné quelques années le français à des enfants étrangers, j ai dû leur apprendre à écrire d’une façon différente (quelques fois fois très peu différente: enfants anglo-saxons et d’autres beaucoup plus: enfants asiatiques ou pakistanais par exemple). Il fallait être rapide et efficace tout en respectant le code de l’écriture française… Je me suis constituée mes propres fiches de manière empirique: tracer le a sans lever le crayon et sans “repasser” 2 fois au même endroit équivalait à tracer un c et un i sans point collé, le e se trace sans décrochage, ça va plus vite et évite les erreurs, les r, s et autres b ou v n’ont pas de boucle…etc
Je suis depuis 2ans directrice d’école maternelle (7 classes) et j ai interrogé mes collègues l’année passée sur leurs pratiques, sur leurs exigences, sur leurs attentes concernant l’écriture. Etant en PS je devais savoir ce qu’il fallait que j’enseigne à mes petits élèves outre la tenue du crayon, du feutre ou autre pinceau… et ai été très étonnée par la passion engendrée par le débat. De nombreuses exigences pour certain(e)s, un laxisme étonnant pour d’autres (qui préfèrent ce qui est écrit plutôt que la façon dont c’est écrit!), des paragraphes entiers écrits en capitales d’imprimerie pour d’autres encore… J’ai donc demandé à mon IEN avec l’accord de toute l’équipe une mise au point sur ce qu'”il faut faire” ou “ce qu’il faudrait faire”… Environ 2 mois après, l’IEN pré-élémentaire de l’époque accompagnée d’un conseiller pédagogique sont venus dans notre école un soir avec le document “le langage à l’école maternelle” pour tout guide. Ils ont passé plus de temps à nous parler des situations d’écriture que de la “norme” d’écriture ou des “conseils” en écriture et nous avons été relativement déçus de cette intervention…
Si seulement on nous avait conseillé de lire l’ouvrage ou de consulter le site de Danièle Dumont, nous aurions perdu moins de temps et en aurions tiré sans doute une progression sur les 3 années de maternelle… Mais nous avons un conseil de cycle prévu mercredi prochain et je n’ai pas dit mon dernier mot, nous allons reparler du “geste d’écriture”.
Merci pour ce débat passionnant…
Bonjour Isabelle
Ton commentaire est passionnant et révélateur de la difference entre un enseignant de terrain et… le reste du monde. Merci de ta participation.
“Un c et un i sans point collés” : j’adore cette description. En la lisant, je me suis dit que j’allais expliquer à mes élèves qu’un a, c’est un c qui fait la bise à un i.
Tels que je les connais, ils vont aimer et je vais avoir des formations de a vivants dans tous les coins de la classe…
Attention que cela ne crée pas ensuite une confusion avec “ai”.
Personnellement, je préfère employer le métalangage (c’est normal, c’est moi qui l’ai conçu tel que je le propose 😉 ): la lettre a est un rond fermé par une étrécie.
cela évite des confusions entre les lettres et leurs formes.
Une info à destination de futurs lecteurs du Geste d’écriture, Isabelle, pour éviter des mises à jours ultérieures : avant de lire le livre, vérifier que la dernière page mentionne bien août 2012.
C’est exactement comme cela que je procède, ouf, sauvée! 😀
Bonjour,
Tu as quelle classe ?
L’important est que tout le monde procède de la même manière, surtout d’un niveau à l’autre, pour éviter que les élèves ne soient perdus en changeant de classe.
Bonjour!
j’ai lu et aimé les 3 articles sur l’écriture du a, pourtant, je vais continuer à enseigner l’écriture du a en traçant un rond puis une canne à l’envers en étant bien consciente de la difficulté de trouver l’endroit où commence cette canne à l’envers!
Mes élèves doivent jongler entre l’écriture de leurs parents et l’écriture de l’école, l’horreur! Parce qu’elles se contredisent!!
Je suis en GS. Mes élèves sont sud américains (24 sur 25). Mais étant à l’école “française” on apprend à écrire à la française.
Ici aussi (c’est à dire dans ce pays-ci, pas en France!), il écrivent en cursive mais sans jamais jamais jamais lever le crayon…et j’ai parfois du mal à distinguer certaines lettres! les d et les t ont des boucles, le p aussi, par exemple!
Pour ce qui est de la cursive française, j’y vois finalement un apprentissage plus difficile et plus long, c’est vrai, à devoir apprendre à lever ou ne pas lever le crayon selon les lettres que l’on trace mais j’y vois une écriture beaucoup plus lisible chez les enfants de cycle 3 et chez les adultes.
Je pense que tout dépend de la façon dont l’enseignant va aborder cet apprentissage, de la souplesse dont il va faire preuve car oui c’est un apprentissage difficile mais qui peut être agréable, si!
On ri beaucoup mes élèves et moi lorsqu’on est dans cette phase, je dédramatise!(et puis j’explique le pourquoi du comment, je verbalise, on n’arrête pas de parler quand on apprend à écrire une lettre ou un mot!)
Et comme tu le dis Michel, tout dépend de la conscience que l’on a de ce que signifie écrire telle ou telle lettre et de la réflexion qu’on a eu pour arriver à sa propre conviction.
Si l’enseignant sait pourquoi il choisit tel tracé plutôt que tel autre, s’il sait où sont les difficultés et les avantages de ce tracé, alors il pourra enseigner un tracé efficace et beau!
Ce que j’aime dans le tracé du a un rond puis une canne à l’envers, c’est que lorsqu’on écrit un mot, on ne va pas l’écrire lettre par lettre , non, on va écrire un mot dans lequel les lettres sont unies pour former du sens.
C’est peut être plus sur des choses comme commencer par le tracé du c puis le o puis le a qu’on doit se mettre d’accord, car c’est bien comme ça que j’aborde le tracé des lettres qui ont un “rond”, ça parait logique, non?!
Ah et puis dernière chose, nous avons de la chance sur mon niveau il y a 6 enseignants, 6 enseignants qui sont d’accord!
Pour finir, chaque personne à son écriture propre (propre ou pas!), l’important c’est l’envie d’écrire et qu’il puisse être lu dans les 2 sens du terme!
Quoiqu’il en soit merci à Danielle et merci à Michel pour nous ouvrir ces espaces de réflexions et de discussions qui sont la base même de notre métier!
Bien à vous.
s’il vous plaît, dessine-moi un “la”.
Sérieusement, j’aimerais juste voir comment tracer un “la”…
on lève le crayon ou non?
c’est attaché mais détaché finalement l’écriture cursive… Je suis perdue, pour l’apprentissage des cursives en premier oui sans hésiter mais ce n’est pas évident de décider du bon geste à poser et donner en en modèle.
Pour le nom de l’« outil du scripteur », je propose « calame » (on parle d’ailleurs de « lapsus calami »), voire simplement « plume » qui a déjà d’autres sens que son sens propre (avoir une belle plume, sous la plume des meilleurs auteurs, etc.).
Quant à la façon d’écrire, il faut garder à l’esprit que tout écrit est destiné a être lu. Le plus important est donc à la fois l’esthétique et la facilité de lecture du résultat final. La façon exacte de tracer les lettres est donc à mon avis secondaire, ce qui ne veut pas pour autant dire qu’elle n’est pas importante. Il est d’ailleurs toujours plus facile d’apprendre quelque chose (ici, à former les lettres) s’il y une certaine logique.
Cela dit, pour répondre à la question de Ness, il ne faut pas confondre écriture cursive (écriture liée ou « en attaché ») et écriture sans lever la plume du tout. On peut ainsi écrire un « la » lié en ayant levé la plume entre le « l » et le « a ». C’est le résultat final qui est lié. Pour ma part, je préfère lever la plume dans ce cas. D’ailleurs, si l’on ne veut pas la lever, dans quel sens faut-il tourner depuis la fin du « l » jusqu’au début du « a » ? Dans le sens horaire (aiguilles d’une montre) ou anti-horaire ? Si l’on tourne dans le sens horaire comme c’est généralement enseigné, le scripteur est stoppé dans son mouvement parce qu’il doit revenir en arrière pour commencer son « a » (le début du « a » se trace en effet comme un « c », dans le sens anti-horaire). Cela ralentit inutilement l’écriture.