La salle de classe est un lieu d'apprentissage, et aussi un lieu de créativité. Un endroit magique, où on a le droit de jouer avec la gouache, les encres, les crayons de couleurs, les pastels, les craies, les pinceaux, les grandes feuilles ! Fantastique !
Comment stimuler la créativité ? En s'appuyant sur la technique. Rien de bien compliqué, juste quelques notions toutes simples.
Je ne suis pas un spécialiste de la pédagogie des arts plastiques. Les instructions officielles peuvent fournir une aide efficace en structurant les actions des enseignants. Et je vous propose simplement ici de structurer à votre tour les connaissances de vos élèves, petits ou grands, de les aider à se créer leur expérience, ce qui leur permettra de faire des bonds de kangourous en matière de créativité. Ça vous dit ?
En matière d’arts plastiques, il est important de laisser les enfants donner libre cours à leur imagination.
Ils ont des capacités de création absolument étonnantes.
Cependant, les activités libres, même si elles sont essentielles, ne sont bien entendu pas suffisantes, pour tout un tas de raisons, l’une d’entre elles, et qui fait l’objet du présent article, étant l’appropriation de concepts qui, lorsqu’ils sont compris, permettent d’aller très très loin dans les « productions plastiques et visuelles », pour reprendre les termes des instructions officielles en cours de validité.
Vous allez voir où je veux en venir dans un instant.
Pas facile de créer à partir de rien
Mais d’abord, je vous explique d’où m’est venue l’idée de vous parler de ce thème.
J’ai dû vous le dire une ou deux fois ici, mais il m’arrive un truc totalement imprévu : je me suis mis à la peinture, principalement tendance abstraite, d’un coup, comme ça, et je suis sérieusement atteint.
Je pense que c’est quelque chose qui a germé durant toute mon existence et qui profite de cette période de « jubilacion » pour fleurir…
Je ne vais pas vous dire que c’est facile ou de tout repos. Mais j’ai décidé de laisser libre cours à cette innocente pulsion, pour voir où cela me mène (un site web est même prévu. C'est grave, docteur ?).
Je vous ai déjà expliqué que je me suis retrouvé en quelque sorte dans la peau d’un élève de maternelle qui s’éclate avec sa gouache.
C’est très instructif, parce que je ressens en quelque sorte le frisson du petit Kévin émerveillé par la grande feuille blanche qui se trouve devant lui, tout content de tenir un pinceau dans la main, et s’apprêtant à réaliser une magnifique composition qui va se terminer en grosse tâche couleur « caca d’oie » qui va occuper toute la surface de l’oeuvre.
Eh oui, pas facile de créer à partir de rien.
Il m’a fallu comprendre certaines notions qui me permettent d’aller nettement plus loin, tout en évoluant dans une liberté créative totale.
Je voudrais juste vous en énumérer quelques-unes, et vous allez voir que cela peut vous permettre de construire – en maternelle comme en élémentaire – toute une progression qui permettra à vos élèves de prendre confiance en eux et de structurer leur création.
Nous parlons ici de peinture, mais aussi de coloriage, par exemple.
En explorant ces notions et en donnant UNE simple consigne, vous allez voir des artistes se matérialiser devant vous.
Première notion : la forme.
Kévin a son pinceau à la main…
- Le pinceau peut être tout petit, tout fin.
- Le pinceau peut être plus gros.
- Il peut être plat.
- Il peut être plat et énorme.
A chaque fois, le tracé changera. Et c’est le tracé qui déterminera la forme.
- Elle peut être toute petite (un point, un pois).
- Elle peut être toute longue.
- Elle peut être carrée, triangulaire, ronde, ovale…
- Elle peut être totalement libre.
Et selon le pinceau utilisé, sa taille sera différente.
- Utilise uniquement un petit pinceau.
- Utilise uniquement un gros pinceau (ou le gros pinceau plat, etc…)
- Fais uniquement des formes qui ne ressemblent pas à des ronds, des carrés ou des triangles.
- Avec le gros pinceau plat, fais plein de carrés (il suffit d’un seul coup de pinceau qui s’arrête au bon endroit).
- Etc…
Bien entendu, il faut au préalable avoir dans sa classe des pinceaux de toutes sortes… Ceux qu'on trouve dans les magasins de bricolage (et dans les solderies) sont bien moins chers que ceux achetés en magasins de beaux-arts.
Deuxième notion : les contours des formes
Prenons par exemple deux formes quelconques, de deux couleurs différentes (jaune et bleu par exemple), qui vont se toucher.
Plusieurs cas de figure peuvent se produire :
La frontière entre la forme bleue et la forme jaune peut être floue, ou carrément impossible à déterminer, si à cet endroit les deux couleurs ont été mélangées pour créer un magnifique dégradé vert (Oh, regarde, j’ai fait un arc-en ciel !)
La frontière peut être à l’inverse bien nette, si je donne un coup de pinceau bleu sur la forme jaune qui aura au préalable séché.
Les peintres parlent de peinture « humide sur humide » ou « humide sur sec ». dans les deux cas, le rendu sera totalement différent.
De plus, selon le pinceau utilisé, la quantité de peinture qui reste sur ses poils, la vitesse du tracé, les contours d’une zone peuvent être très différents.
La consigne peut être au choix :
- A chaque fois que tu peins une forme d’une couleur, touche la forme qui se trouve à côté, et observe ce qui se passe à l’endroit où les deux couleurs se mélangent.
- A chaque fois que tu peins une forme, elle ne doit pas toucher les autres formes.
- Avec ton pinceau, fais des formes qui touchent les formes que tu as peintes hier et qui sont maintenant sèches.
- Etc…
Troisième notion : les valeurs
Définition de Wikipedia : «dans les arts graphiques comme en peinture, la valeur d'un ton est sa luminosité ou clarté, c'est-à-dire sa position dans l'échelle entre les tons sombres, ou ombres, et les tons clairs, ou lumières. »
La valeur n’a rien à voir avec la couleur. Par exemple un bleu peut être très clair ou très foncé.
Et si le bleu foncé se trouve au voisinage de tons très clairs, il donnera la sensation d’être très très foncé.
De même, s’il se trouve noyé dans d’autres couleurs sombres, il ne « ressortira » pas de la même manière.
La chose simple à comprendre (essayez, vous verrez !), c’est qu’une production plastique aura beaucoup de force, de puissance (« de patate »), si les valeurs qu’on y rencontre sont variées.
La consigne peut être au choix :
- Emploie uniquement des couleurs claires.
- Emploie uniquement des couleurs foncées.
- Emploie des couleurs claires et des couleurs foncées.
- Etc…
Avec la tablette de la classe (ou le smartphone de l’enseignant), il est très simple de prendre la photo d’une production, puis de passer cette photo en noir-et-blanc : les valeurs sauteront littéralement aux yeux.
Et les couleurs, alors ?
Je n'irai pas jusqu'à dire que la notion de couleur est secondaire, mais je pense que formes, contours et valeurs permettent naturellement de s'immerger dans les couleurs.
Pour en revenir au “caca d'oie” cité plus haut, il disparaitra naturellement lorsque les interactions entre les formes et leurs “frontières” auront été assimilées. Et à la limite, on peut donner un grand intérêt à une production en employant toute la gamme de tonalité des divers caca d'oie, du plus clair au plus foncé !
Avec ces trois « concepts » très simples à comprendre, vous allez fournir à vos élèves des repères très utiles, qui vont leur permettre de repousser les frontières de leur exploration créatrice.
A mon avis, il faut introduire ces notions très progressivement, en donnant à chaque fois UNE consigne simple.
…On partage ?
Je vous propose de donner une suite à cet article, en partageant ici les petites progressions que vous aurez pu construire à partir des notions de formes, contours et valeurs.
Vous pourriez aussi m'envoyer des photos des productions de vos élèves, une fois que vous les aurez vu progresser dans leur créativité en s'appuyant sur les trois notions exposées dans l'article.
Et bien entendu, j'attends vos commentaires ! Vous avez certainement plein de précisions à apporter, le sujet ayant été à peine abordé ici.
A vous de jouer !
Hello Michel!
Merci pour ce chouette article. Je vais tester après les vacances. J’ai cette année une classe tellement formidable que je compte les jours qui restent avant les vacances en essayant de retenir le temps!! Ils sont super créatifs et motivés. Je pense que ça va les enthousiasmer et qu’on aura plein de choses à te montrer!
Bonjour Léa
Super ! Je suis impatient de publier les photos !
Bonsoir Michel,
Moi aussi je vais tester peut être dès cette fin de semaine avant les vacances qui arrivent à grand pas…
Bonjour Kissou
Tiens-nous au courant, si je ne trompe pas, la fin de la semaine c’est aujourd’hui vendredi 🙂
Hé bien voilà un domaine que je n’ai jamais envisage de cette façon la !!!! Très intéressant !!! Moi je ne fais jamais ce genre de séance un peu libre…. Sûrement la peur de ne pas savoir gérer -! Mais je pense que je vais me lancer !!!! Merci Michel !!! ??
Ah Claude, tu devrais essayer des productions en totale liberté. Pas avec tout le monde en même temps, bien entendu 🙂
Vivement la rentrée que je puisse essayer…..
Bonjour Cath
“Vivement la rentrée”. J’adore.
Tu peux essayer chez toi en attendant, tu n’as pas besoin de grand-chose : un peu de blanc, un peu de noir et tu travailles sur les valeurs et les formes. Tu seras étonnée du rendu.
D’ailleurs, lorsqu’on observe les tableaux des peintres classiques, on voit bien par exemple qu’ils maîtrisaient parfaitement les valeurs. Rembrandt en est l’illustration parfaite.
Lorsqu’on y fait attention, on s’aperçoit que les tableaux ou même les photos qu’on trouve “plats et sans intérêts” manquent justement de variations dans les valeurs…
C’est le petit “secret” à connaître 🙂