Aujourd'hui, je donne la parole à Jacques Delacour, enseignant retraité et grand pédagogue, qui nous explique les fondamentaux de son approche de l'apprentissage de la lecture. Pour l'avoir pratiquée dans une classe de CP, je peux vous dire qu'une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer. C'est valable aussi bien pour l'enseignant que pour les élèves, d'ailleurs.

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Cette approche repose sur une vérité qui a tendance à être occultée et qui pourtant est fondamentale : pour décoder correctement des mots, il faut commencer par les avoir codés. En d'autres termes, la lecture vient après l'écriture. Lisez ce qui suit, c'est passionnant.
L'article d'aujourd'hui, comment dire… c'est du lourd. Ne vous attendez pas à le parcourir en vitesse au cours d'une séance de zapping sur le web.
Par contre, si vous êtes sensible à la problématique de l'apprentissage de la lecture, investissez un peu de votre temps, plongez-vous dans les paragraphes qui suivent et je dirais même, avant de les lire, commencez par (re)lire les deux articles que j'ai consacrés à la méthode et au site web “écrilu” et qui sont ici :
L'approche est révolutionnaire, parce qu'elle est à mille lieues de l'approche globale ou syllabique. Elle repose sur un fait indubitable : l'écriture a précédé la lecture.
Pensez aux premiers balbutiements de l'Histoire, imaginez-vous vivant dans une société où la communication se fait uniquement de manière verbale. Au bout d'un moment, vous ressentez le besoin d'inventer un système permettant de fixer du sens, des connaissances, de l'information, de les transmettre dans l'espace et dans le temps.
Et que faites-vous alors ?
Vous inventez l'écriture.
Une fois que vous avez codé les mots, l'étape suivante, le décodage, se fait toute seule.
Si vous avez écrit/codé “Il y a tant de taons par les temps qui courent”, vous saurez facilement vous relire. Et quand vous tomberez sur les mots “tante” ou “printemps”, vous les lirez sans difficulté.
J'arrête là cette introduction, et je cède la place à Monsieur Jacques Delacour.
Je précise que je vous reparlerai bientôt d'Écrilu, à propos d'une certaine clé USB, mais il aurait été trop long de vous la décrire ici.
Apprendre à écrire pour apprendre à lire
Par Jacques Delacour
Pour aider vos élèves à apprendre à écrire avec “écrilu”, ils n'ont besoin que de l'écritoire, du pointeur et des quelques indications ci-dessous. (Voir le site “ecrilu“)
Très important : il est nécessaire d'oublier totalement tous les présupposés de l'apprentissage de la lecture par décodage et de ne jamais les faire intervenir dans le processus écrilu puisque les apprenants ne commencent pas par apprendre à lire, mais par apprendre à écrire. En quelque sorte, il est important que maître et élèves se situent en tant qu'analphabètes cherchant à écrire1. Le seul enseignement que délivre le professeur, c'est le code orthographique à respecter. Tout le reste est effectué par l'élève.
Si l'objectif final est bien de pouvoir écrire et lire, la pédagogie en œuvre consiste à aider tout apprenant à commencer par apprendre à écrire. Il comprendra vite que l'écriture lui offre toutes les clés nécessaires à la lecture.
1 – Qu'est-ce qu'écrire ?
C'est inscrire du sens sur un support, papier, tablette, écran, etc.
C'est aussi, en français, orthographier, utiliser les codes reconnus par tous les usagers du français codant par écrit les mots de cette langue orale : maire n'est pas mère, cor n'est pas corps.
2 – Le codage mental, la clé de tout l'édifice
Voir l'article sur meirieu.com/ECHANGES/codage_communication_delacour.pdf
Un exemple simple de codage :
La clé de l'écriture c'est le codage, l'association mentale d'un écrit et d'un sens. Voici une idée générale du codage avec cet exemple :
1. Constat : le contenu d'une boîte opaque est toujours un mystère. Il peut être une plume comme un crayon, etc. On ne peut le deviner.
2. Par contre, si on commence par mettre une gomme dans une boîte opaque, après fermeture, on pourra dire ce qu'il y a dedans avec certitude. En agissant ainsi, on code, on “écrit” mentalement ce qu'il y a dans la boîte. On n'a donc, sauf Alzheimer avancé, aucune hésitation pour dire ce qu'il y a dans la boîte, même un jour plus tard. Le codage mental effectué au moment où on place la gomme dans la boîte permet, sans aucune erreur possible, la lecture du contenu de la boîte. La boîte code, rappelle “gomme” par exemple.
Conclusion : commencer par coder assure dans 100% des cas la lecture correcte quel que soit le code utilisé (ce qui permet l'orthographe).
Il est toujours possible de “lire” (dire) ce qu'il y a dans la boîte si on a commencé par coder. C'est ce qui explique et motive notre choix pédagogique respectant la genèse de la communication écrite : si un élève peut coder /éléfan/ avec “éléphant”, il saura écrire et lire ce mot. C'est l'œuf de C. Colomb.
3. En communication écrite, la boîte, ce sont les lettres ou les groupes de lettres orthographiques qui accueillent des phonèmes.
Si je place mentalement le son /oi/ dans un “a”, alors ce “a” se permet d'évoquer /oi/ lorsque j'ai codé équateur. Ce que j'ai réalisé en pointant “a” dans la colonne des écritures du son /oi/.
Si je place le son /è/ dans un “a”, alors ce “a” se lit /è/ lorsque j'ai codé rayer. Ce que je fais dans ce cas en pointant “a” dans la colonne des graphies du son /è/
Il existe douze sons différents utilisant le “a” comme boîte. Conséquence : “a” se lit donc de 12 manières différentes2.
Si on veut assurer la lecture, il faut nécessairement commencer par apprendre à écrire, à coder l'oral par écrit. Si je viens de coder cérumen, je sais que “en” n'est pas /en/ mais /enne/ et que le codage de /sérumenne/ est cérumen, donc, grâce à cet acte posé, j'ai accès au sens de cérumen, à son orthographe, et je peux écrire et lire “cérumen”.
3- Que nous apprend l'histoire des écritures ?
On a toujours commencé par écrire, pas par lire.
Les codes utilisés au cours des âges pour écrire ont évolué, le dessin étant le premier, suivi par l'idéogramme et un savant mélange de codes iconiques et phonologiques pour aboutir à un code alphabétique : à un son correspond un code particulier au sein d'un sens. Les études montrent qu'un élève découvre et reproduit les différentes étapes historiques, passant d'un mode de codage à l'autre3.
Notre écriture n'est pas purement alphabétique, même si la structure de codage reste alphabétique (un son phonologique est toujours représenté). Un signe, de une à six lettres, est utilisé pour coder plusieurs sons différents, notre code est résolument orthographique4 : il faut donc apprendre et mémoriser l'écriture de chaque son au sein d'un sens, il n'y a aucune autre possibilité si on veut apprendre à écrire, à orthographier et à lire (comprendre) ce qu'on aura écrit.
Heureusement, dans plus de 85% des cas le code est unique et stable (celui qui est en haut de chaque colonne de l'écritoire). Ainsi le son /a/ se code avec “a” dans plus de 90% des cas. Il est finalement plus certain et plus facile d'écrire correctement /a/ (1 seul code) que de décoder “a” (12 possibilités).
Peu de codages de sens sont purement alphabétiques :
Si on sait écrire /cor/ avec χορ, on sait de facto écrire et lire /roc/ avec ροχ utilisant les mêmes codes.
Mais la plupart des codages sont orthographiques :
Si on sait écrire /quand/ avec θυανδ, on ne sait pas forcément écrire et encore moins décoder ou lire ces 5 mots :
χαν χαμ θυ∍εν θυαντ Χαεν
Pourtant tous ces mots codent la même syllabe sonore /can/, ils devraient donc tous s'écrire θυανδ si on était en système alphabétique pur (un seul code possible).
Si les enfants sont tous capables de coder mentalement, il n'est pas correct de les laisser coder librement, ou d'inventer une écriture en CP, cela ne les conduirait pas à pouvoir lire ensuite. Un apprenant qui coderait /oizo/ avec “oizo” ne saura pas lire “oiseau”5. L'apprenant doit donc commencer absolument par coder orthographiquement s'il veut pouvoir en tirer un bénéfice immédiat en lecture. Son codage doit être celui qu'il rencontrera dans les livres ou sur les écrans. L'écriture est alors, au même titre que la langue orale, un intégrateur social dont les effets peuvent se répercuter jusqu'au moment d'une embauche dans une lettre de motivation ou un C.V.
C'est d'ailleurs cette dimension sociétale qui provoque une levée de boucliers dès qu'on touche au code orthographique, souvenez-vous de nénufar et nénuphar…!
4 – Comment l'écriture est-elle possible ?
L'écriture s'appuie sur une fonction mentale abstraite et invisible dont chacun dispose et use en permanence. Le codage.
Le codage6 est une action purement mentale, concrètement invisible. Il permet d'associer, de lier, de symboliser, deux notions ne présentant apparemment aucun point commun (la gomme et la boîte). C'est une sorte de stratégie mnémotechnique assurant le rappel de A ou de B lorsqu'on a commencé par coder A avec B. C'est malheureusement une fonction qui disparaît chez les Alzheimer, incapables de se souvenir où ils viennent de déposer leurs lunettes il y a deux minutes…C'est ce qui peut vous arriver si vous oubliez de coder la place de votre voiture sur un immense parking…vous ne saurez plus où elle est en sortant du magasin.
Pour résumer avec un exemple qui reprend toutes les composantes du codage :
Si je code les 7 phonèmes du sens /acoiriome/ avec les codes orthographiques spécifiques au mot, je donne naissance à “aquarium”, qui, évidemment doit toujours s'écrire ainsi. J'apprends l'orthographe et en conséquence, la lecture d'aquarium.
Le codage permet la lecture correcte dans 100% des cas, c’est-à-dire l'accès au sens, quels que soient les codes utilisés. Si je viens de coder /cheval/ avec “cheval”, alors ce mot se comprend /cheval/. Si je code cheval avec heval comme le préconise Martinet avec l'Alfonic, alors heval se lit cheval…!
Cette lourde insistance sur le codage est purement pédagogique.
5 – Progression pédagogique possible :
1. Activer la notion de codage pur, en codant des sons.
Les élèves, durant toute la trajectoire, devront toujours être acteurs de leur savoir. Ils acceptent un code représentant un frappé de mains. Un bouchon en plastique fera l'affaire.
Un frappé de mains, on place le code : O
Le professeur7 montre ce code et les élèves frappent une fois dans leurs mains. Ils viennent de lire ce qu'ils ont écrit.
Le professeur propose un frappé : /O O/ et les élèves placent les bons codes :
O O
Le professeur frappe des rythmes sonores que les élèves écrivent en plaçant les bouchons correctement :
/OO O OO/ écrit OO O OO
Les élèves proposent des frappés à écrire et lisent tous les codes écrits.
2. Mêmes opérations avec un son voyelle : /i/ par exemple
Le professeur dit /i/, il montre “i” sur l'écritoire en le pointant, désignant cette lettre avec un pointeur pour être précis.
Il fait lire “i” en le pointant.
Les élèves viennent proposer des cellules rythmiques qu'ils codent en plaçant des lettres mobiles sur la table :
les sons /ii i i/ deviennent visibles : “ii i i”
Il est facile de prévoir une progression avec diverses cellules de 2 à 6 lettres à faire pointer, écrire et lire à la suite.
i i ii i ii ii i ii i etc.
3. A chaque séance, on ajoute une nouvelle voyelle.
Le schéma de travail est permanent :
– travail avec uniquement la voyelle à l'étude
– travail avec deux voyelles, puis trois, puis quatre en fonction des voyelles déjà étudiées. Au final, par exemple
ae io ua io u i e ou9 ua io
Tous les élèves qui parviennent à coder et lire correctement ces cellules rythmiques vont parvenir à lire fin décembre. Ils ont compris comment fonctionne le codage et la lecture qui en découle.
4. Apprendre à orthographier :
Si on peut coder facilement /ma, me, mi/ lors de l'introduction du codage du son /m/, en isolant ces mots contenus au sein d'une phrase, l'orthographe viendra vite colorer le code, pour “mot” par exemple et son inverse “homme”. Au lieu de coder mo et om, on codera “mot” et “homme” en pointant m-ot et ho-mme.
Dès cet instant, l'élève comprend en action que la lecture n'est pas un décodage mais une reconnaissance visuelle d'un sens codé orthographiquement.
Les élèves apprendront à retrouver rapidement mot et homme au sein d'une constellation de mots distracteurs pour habituer l'œil et le cerveau à lire plus qu'à décoder10.
Le référent de départ, c'est le mot dont on connaît le sens. A chaque phonème, au sein d'un sens, correspond un code spécifique. On pourra au début pointer syllabe par syllabe pour harmoniser parole et écriture, temps et espace, mais il faudra pointer rapidement le mot entier pour l'ingérer visuellement et l'écrire pour confirmer le pointage kinesthésique : la mémoire des gestes fait partie du codage.
5. Ajouter un phonème nouveau par jour
Il suffit alors d'ajouter phonème après phonème pour que les élèves écrivent du sens, orthographient, relisent ce qu'ils ont écrit.
Pour que le travail ne soit pas basé sur la mémoire, on “réveillera” et utilisera les systèmes qui ont permis l'accès à la langue orale.
1. L'addition d'un phonème :
On passe d'un mot à un autre en ajoutant seulement un phonème, donc une graphie orthographique.
On peut même constituer des suites qui deviennent des supports mémoriels :
ma mare mari maria mariage
su suis suite ensuite
2. La substitution, un phonème est remplacé par un autre :
On passe d'un mot à un autre en échangeant un son :
malle, mille, molle, mule, moule, mêle
par, tard, phare, dard, Var, bar, car, gare
3. Le renversement :
On inverse l'ordre des sons :
mille, lime par, râpe, poule, loupe, cor, roc
4. La combinatoire :
On joue avec tous les sons d'un mot pour produire le plus de mots possibles :
cor, roc, ocre, orque, croc
pâle, lape, Alpes, plat
5. L'insertion :
Un phonème s'introduit dans un mot et donne naissance à un autre (comme lorsque l'enfant remplace /pati/ par /parti/
montre, monstre ; passe, place ; bouse, blouse ; solaire, scolaire
6. Batimots
On joue à produire le plus de mots possibles avec les phonèmes d'un mot origine.
Normal peut permettre de coder plus de 50 écritures : mot, mord, mords, mors, Rome, orme, rame, arme, mare, etc. en n'oubliant pas les pluriels mots, rames, rament, ormes, mares, armes, etc.
Les recommandations :
Chaque professeur aura tendance à faire décoder, il a appris à décoder et on lui demande officiellement de rééditer sa propre expérience. Le “décodage” n'a aucune réalité, il n'est possible qu'en vertu du codage, seul le codage est “vrai” en orthographe.
Faire coder assurera le “décodage”, la lecture, il suffit donc de laisser du temps à l'élève pour investir le codage, ne pas avoir peur s'il ne lit pas immédiatement, c'est normal.
Ne jamais demander : /quel son ici/, en montrant une lettre ou /e et n ça fait quoi?/ . Vous croyez peut-être que e et n ça fait /en/, c'est faux : solennels, les enfants viennent à l'examen en tenue de sport.
Ne jamais dire que “a” c'est /a/ ou que “f” c'est /f/, etc. Le codage seul détermine la valeur sonore des lettres ou groupe de lettres. Aucune lettre n'a vocation à représenter un son unique.
Ne jamais faire écrire de non-mots. Ils n'existent pas, puisqu'ils ne signifient rien, ce ne sont pas des mots et aucune règle orthographique ne permet de les écrire d'une seule façon. On ne va pas transformer les livres de lecture en manuscrit “Voynich” sous prétexte de faire décoder uniformément !
Ne jamais souffler la solution à l'élève. La règle d'or permanente c'est de lui dire le mot qu'il ne parvient pas à lire et de lui demander de le pointer. En prenant soin par exemple de lui dire le /o/ de football c'est …et on pointe le “a” dans la colonne sonore /o/ de l'écritoire. A la limite, on peut lui pointer le mot et il le lira.
Ne jamais faire écrire des pseudo-mots qui se “décoderaient” comme le mot (mèzon pour maison). Comment une même signification peut avoir deux écritures ? Deux isomères se distinguent en ne cristallisant pas de la même façon, un sens n'a qu'une écriture, sinon c'est le retour au Moyen-Age, au codage libre. L'air qu'on respire c'est l'air, certainement pas l'ère, l'aire, l'èr ou l'êre! Et c'est la porte ouverte à la dysorthographie et à la sonorisation hors du sens.
Ne jamais sacrifier le pointage, le codage écrit des mots, en le remplaçant trop vite par la lecture. La lecture s'installera naturellement, le codage orthographique demandera beaucoup d'attention. Attention qui est soutenue par le pointage des bonnes graphies sur l'écritoire. Lorsqu'un enfant viendra vous montrer une colonne sonore en vous demandant, c'est quel son ça ? Vous constaterez qu'il a compris ce que beaucoup ignorent encore.
Ne parlez jamais de lettre muette. Elles font partie intégrante du codage d'un phonème. Cacher typographiquement les lettres dites muettes, c'est montrer qu'on ignore totalement ce qu'est le codage orthographique. Inviter à ne pas voir certaines lettres c'est le trahir alors que quand et quant supportent du sens grâce à leurs lettres “muettes”. C'est organiser la dysorthographie dont on s'étonne plus tard!
Par contre on peut faire lire par pointage magistral tous les mots de la langue, quelle que soit leur orthographe puisque presque toutes les graphies orthographiques de chaque son figurent dans une même colonne. On ajoute celles qui n'y figureraient pas encore, une manière de faire comprendre et admettre la pluralité des codes, par exemple le /in/ “aing” de parpaing avant de coder ce mot en pointant p-a-r-p-aing.
Oubliez totalement la pédagogie du décodage, faites travailler rapidement la reconnaissance des mots codés orthographiquement.
Dans “préparations” : “lecturereconnaissance”
Tous ceux qui continueront à confondre ou assimiler codage et décodage ne tireront pas tous les bénéfices de la procédure, car vous l'avez compris, il ne s'agit pas d'apprendre à lire, mais d'apprendre à écrire. La lecture suivra, chacun à son rythme, et sans effort spécial.
Certains vous diront que c'est impossible. C'est faux. L'expérience de terrain et les inventeurs de l'écriture le prouvent, des centaines d'enfants ont commencé par coder et sont parvenus à lire dès décembre. L'histoire de l'écriture le confirme : seule l'invention d'un code supportant le codage mental conduit à une écriture engendrant une lecture.
Les deux questions à se poser pour savoir si on a respecté le travail des élèves :
1. Ont-ils tenu le pointeur pour coder des mots ?
2. N'ai-je pas trop fait lire en pointant moi-même, oubliant que l'objectif était d'apprendre à écrire ?
Jacques Delacour
1 On n'a pas inventé la lecture, mais l'écriture. Pour pouvoir lire, il faut d'abord constituer le support visuel qui permettra de rappeler le sens (mors, mord, mords, mort, morts). Les inventeurs nous indiquent le chemin à suivre. Notre milieu culturel ayant sacralisé notre orthographe n'accepterait pas une proposition d'écriture alphabétique qui simplifierait pourtant tout : on pourrait apprendre à lire en codant ou en décodant. Notre orthographe nous oblige à apprendre d'abord le codage si on veut pouvoir décoder, donner le bon son à “fe” par exemple ! (fenêtre, fer, coiffer, fente, feu, feinte)
2 Et si on n'a pas commencé par coder, c'est un miracle si on décode bien le “a” vu dans football, speaker, manger, faire, pauvre, etc.
3 Voir Ferrero qui montre les différentes options de codages par lesquels passent les écriveurs. Leur progression est isomorphe à la progression historique, Tout comme le fœtus traverse les millénaires de notre humanité en neuf mois. Ferreiro E. – LIRE-ECRIRE A L'ECOLE, COMMENT S'Y APPRENNENT-ILS ? Lyon – C.R.D.P. – 1988 – XXXII – 408p
4 En conséquence, on voit surgir les problèmes posés au retour, à la lecture. Seulement 50% des “a” au sein d'un texte se décodent /a/, pour les autres il faut choisir entre 11 décodages différents qui ne peuvent être fournis que par les 11 codages les précédant…
5 Ceux qui apprenaient à lire le latin ne parvenaient pas à lire correctement le français.
6 Le codage est une action mentale, à ne pas confondre avec le code qui est arbitraire en écriture. Les diverses écritures en témoignent. Voir aacodage (meirieu.com)
7 Le professeur est une femme dans 80% du primaire et probablement 90% en CP…
8 On peut se référer à la méthode Martenot en musique.
9 Puisqu'on a codé /o-u/, “ou” se lit /o-u/ et pas ou comme dans mouton. Seul le codage par écrit fait foi.
11 Dans “La fabuleuse histoire de l'invention de l'écriture” (Seuil – 2021) Silvia Ferrara en donne deux exemples à suivre :
1. Un analphabète cherokee, Sequoyah, inventa une écriture. “Il apprit à écrire à sa fille, lui fit faire des tournées comme un cobaye de laboratoire, montra qu'elle pouvait lire, de manière rapide et précise, un message transcrit avec le syllabaire.” Tout est dit : apprendre à écrire permet de lire. Ajoutons que l'invention de cette écriture a été officialisée et reconnue comme écriture du peuple cherokee.
2. Un autre analphabète, au Laos, tresseur de paniers en osier, invente une écriture. Son invention lui ayant assuré trop de pouvoir et de succès, le conduisit à être mis à mort par le régime communiste… (Pages 192 à 194)
Ces deux nouveaux inventeurs, rééditant l'exploitation du codage mental, confirment donc qu'un enfant, si on lui fournit les codes orthographiques, peut découvrir le codage de l'oral en écrit, et comme la fille de Sequoyah, parvenir à lire sans aucun problème.
Le malheur c'est qu'aucune méthode de lecture ne respecte le cheminement historique emprunté par tous les inventeurs de l'écriture. On décode, on dit que “i” se décode /i/ alors que la vérité à comprendre est inverse, c'est /i/ qui se code “i” dans /mille, cil, fil/. Et si on code d'autres sons en utilisant la lettre “i”, celle-ci représente ces sons : quinte, feinte, trois, mais, loin, faisions, vingt, etc.
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