Je vous présente nouvel objet connecté. ENCORE ! Non, attendez, ne partez pas en courant, parce que le nouveau type d'appareil numérique que je vous présente aujourd'hui est justement MOINS connecté, MOINS addictif, et abîme MOINS les yeux.

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Comme quoi, parfois, MOINS c'est MIEUX. N'importe quel moine zen vous le dira !

J'avais prévu de vous parler aujourd'hui d'un sujet compliqué et d'une importance gigantesque. Il s'agissait des écrans, des usages qui en sont faits, de leur addiction, des défis à relever, tout particulièrement par l'Education Nationale. Je vous en parle souvent, mais j'ai un élément nouveau.

Mais étant donné d'une part que je ne suis pas tout-à-fait prêt (il me reste encore un bouquin à lire sur le sujet) et d'autre part que vous, lecteurs de Tilékol, en majorité enseignants, êtes en ce moment même en plein dans la problématique, dans le confinement bizarre que nous vivons et l'enseignement à distance dans lequel vous êtes immergés cette semaine, je me suis dit que je n'allais pas vous rajouter une couche en ce mercredi.

J'ai donc décidé de vous parler d'autre chose.

Quelque chose de frais et intéressant.

Suivre et comprendre la révolution numérique

Mais, vous allez le voir, je reste quand même dans le thème des écrans, des problèmes qu'ils soulèvent et des solutions possibles. Mais abordé sous un angle totalement différent.

Vous le savez si vous fréquentez assidûment ce blog (hello la Tribu), un des objectifs que je me suis fixés dans ma vie est de suivre de très près la révolution numérique en cours, et qui a démarré il y a maintenant plusieurs décennies.

Je me suis beaucoup investi dans cette quête, et je continue de le faire. Je suis constamment en “veille technologique”, à l'affut des moindres petits détails qui peuvent se révéler être des révolutions totales dans nos vies.

J'ai suivi l'essor de l'informatique personnelle (je crois que j'ai acheté mon premier Mac aux alentours de 1987), son accélération exponentielle, j'ai vu le “logiciel dévorer le monde”, avec l'apparition d'Internet, la dématérialisation et la circulation sans limites de l'information.

J'ai assisté à la dématérialisation de la musique… J'ai encore mon iPod première génération ! (dans un tiroir)… A la numérisation de l'image fixe et animée (j'avais acheté le tout premier appareil photo numérique de 1 million de pixels, révolutionnaire à l'époque !)… A l'apparition des premiers smartphones (l'iPhone bien sûr, mais avant lui, j'avais déjà eu des appareils qui se connectaient de manière sommaire au web)… A la miniaturisation des appareils (ah, le premier Mac Book Air, quel choc lors de sa présentation !)…

Armée de zombies

Parallèlement, les applications se sont développées à grande vitesse, Google est apparu, puis Facebook et tout le cortège des géants du web qui vous pompent vos données personnelles et vous transforment en zombie docile, accro à leurs sollicitations, le smartphone toujours à portée de main – non, toujours DANS la main…

J'ai vu les enfants se ruer sur les images animées qui font “pouic”, se chargeant dès leur plus jeune âge en dopamine, la drogue la plus répandue sur Terre de nos jours et sécrétée par notre propre corps…

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Je redonne ici, et c'est important pour ce qui va suivre, mon avis sur “les écrans”.

Pour moi, un écran n'est qu'un outil.

Prenez un marteau : si vous vous en servez pour planter des clous, c'est génial et très utile. Mais si vous vous tapez sur les doigts avec, vous vous faites mal.

Les écrans, c'est pareil.

Prenez un smartphone. Toute la connaissance du Monde est dans le creux de votre main. Mais si vous l'utilisez uniquement pour vous envoyer des images comiques (les “memes”, je ne sais même pas comment ça se prononce) par Whatsapp, ou si vous passez votre temps à dénigrer et insulter les gens sur Facebook ou Twitter ou à vous adonner aux jeux présentés comme “les plus addictifs”, comme si c'était une qualité, vous VOUS faites du mal, beaucoup de mal, vous abîmez votre cerveau, vous vous transformez en ombre de vous-même.

Qui sont les responsables ? Les “dealers” du web, qui gagnent des milliards en vous offrant des doses de dopamine (la dopamine est l'hormone de la récompense, celle qui vous pousse à recevoir sans cesse des petits moments de plaisir par le biais de “likes”, de messages, de conversations, d'images…) Plaisirs insatiables, parce qu'immédiatement consommés et en appelant d'autres, sans cesse, toujours plus…

Ces Méchants ont créé des écosystèmes, formés par des appareils, des logiciels et des sollicitations (notifications, propositions qui devancent vos propres attentes), spécialement conçus pour fonctionner ensemble et vous enchaîner, détourner votre attention, vous attirer encore et toujours.

Ce n'est donc pas l'écran qui est le responsable, c'est l'utilisation de cet écran, telle qu'elle a été prévue et organisée spécialement pour cela.

Cependant, l'écran en lui-même pose quand même deux soucis spécifiques :

  • Il est coloré, de belle qualité, fluide, léger, attirant. Trop attirant.
  • Il endommage les yeux, qui ne sont pas faits pour supporter à longueur de journée une vision rapprochée, une lumière agressive et une longueur d'ondes (lumière bleue) qui agresse les rétines.

Et c'est là que j'en arrive au sujet de cet article. Ouf, l'introduction a été longue.

Tablettes e-Ink

De nouveaux types d'appareils sont apparus récemment.

Et ils se développent à grande vitesse semble-t-il, puisqu'on en voit fleurir de nouvelles déclinaisons à intervalles de plus en plus rapprochés.

…? De nouveaux appareils ? Lesquels ?

Il s'agit des tablettes à écran e-ink.

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Image : ©reMarkable
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Qu'est-ce qu'un écran e-ink ?

C'est un écran de liseuse, vous savez, ces écrans gris, qui permettent une lecture sans effort, qui ne sont pas agressifs pour les yeux. “e-Ink” signifie “encre électronique”, en plus court.

Les concepteurs de ces nouveaux appareils ont pris des écrans de liseuses, les ont agrandis, et leur ont donné la capacité d'être utilisés pour prendre des notes manuscrites à l'aide d'un stylet.

Et l'offre s'est scindée en deux types de tablettes e-ink, j'avoue que je ne sais pas vraiment quelle approche est apparue en premier :

  • Celles fonctionnant à l'aide d'un système Android, donc donnant la possibilité de se connecter au Play Store et d'installer des applications fonctionnant plus ou moins bien avec l'appareil.
  • Celles fonctionnant à partir de leur propre système d'exploitation, et uniquement avec les applications fournies.

Cette distinction est importante, comme vous allez le voir.

1- L'approche connectée

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Image : ©Bookeen Notéa
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Il s'agit des tablettes sous Android.

Elles offrent un système de prise de notes (au stylet ou au clavier), de consultation et annotation de PDF et de lecture de livres électroniques au format ePub, ainsi qu'un navigateur Internet.

Et en plus, elles permettent de charger des applications depuis le Play Store, comme par exemple Kindle d'Amazon (pour la lecture).

Il est clair qu'on ne va pas utiliser ces appareils comme des tablettes classiques, et c'est tant mieux !

Bien entendu, même si c'est techniquement possible, les vidéos ne seront pas lues de manière très fluide, à cause de la technologie e-ink qui impose un temps de rafraîchissement d'écran assez long.

On obtient donc un objet connecté, “mais pas trop”, avec un écran qui n'agresse pas les yeux. Notez que l'écran, comme ceux des liseuses modernes, offre la possibilité d'être illuminé par le biais de diodes, mais cet éclairage n'est pas gênant, parce qu'il éclaire par le dessus, et non pas “de l'intérieur” comme une tablette classique.

On peut même y connecter un clavier externe. Je rêve d'écrire mes articles sur un tel écran.

Il ya de nombreuses marques, qui proviennent d'ailleurs souvent des mêmes fabricants chinois comme Netronix et qui proposent des appareils de plusieurs tailles d'écrans, qui sont “brandables”, c'est-à-dire que si vous voulez lancer votre marque, ils vous personnalisent le boitier et l'emballage à vos couleurs. A vous d'apporter vos raffinement logiciels…

Les marques les plus en vue ? Oh, il y en a plein, je vais en citer trois :

Boox, avec se célèbre “Booxs Note Air“, qui m'a l'air très intéressante, avec une interface personnalisée et assez aboutie. Les utilisateurs semblent satisfaits.

Likebook, modèle peut-être plus basique, moins cher, mais dont les prix ont bien augmenté ces derniers temps (effet de mode ?). Je pense que c'est du direct “import Chine”, mais là aussi il y a de bons retours.

Attention, plusieurs formats sont disponibles, le modèle “10 pouces” correspondant à peu près à du A5 (une feuille A4 pliée en deux).

Et, troisième marque, qui a tendance à m'attirer aussi, et pas qu'un peu, c'est la “Bookeen Notéa“. Sa caractéristique ? C'est une marque française ! Bookeen, qui est un acteur reconnu dans le domaine des liseuses, se lance donc dans l'aventure. Je trouve ça très intéressant et courageux, et je me dis que, peut-être, au niveau de son logiciel, elle arrivera à se distinguer de la concurrence, en travaillant sur l'ergonomie, en réfléchissant aux usages au-delà de l'objet.

Et pourquoi pas, en se faisant une place dans le domaine de l'éducation… Oui, je pense que ces appareils offrent un potentiel brut énorme, parce qu'ils apportent les avantages du numérique sans les inconvénients gigantesques de l'addiction. A condition qu'il y ait une vraie réflexion en amont.

Petite mise à jour du 8 avril : j'ai remarqué qu'une vidéo de présentation de la Bookeen Notéa était sortie hier, après la parution de l'article. Comme elle est courte et sympa, je vous la montre !

2- L'approche (presque) déconnectée

Là, le concept est poussé plus loin, ou moins loin, selon l'angle d'observation.

La volonté des constructeurs de ce deuxième type d'appareils est clairement de nous DÉCONNECTER et de nous offrir un bloc-notes, sans distractions, en mettant l'accent sur une interface minimaliste et permettant de prendre des notes, de lire et d'annoter des PDF, et de lire des livres électroniques.

L'écran n'est pas illuminé. Ceci est un inconvénient et un avantage.

Un inconvénient, parce que, comme pour n'importe quelle feuille de papier, il faudra travailler dans un environnement convenablement éclairé. En plein soleil, vous aurez un confort de lecture inégalé.

Un avantage, parce que la surface de l'écran est plus fine, parce qu'elle ne comprend pas la dalle transparente qui sert à propager la lumière des diodes. Donc, la sensation d'écriture sur du “vrai papier” est plus grande, probablement plus agréable.

Pourquoi “presque” déconnecté ?

Parce qu'il y a quand même une liaison en wi-fi, qui permet l'import de données et la sauvegarde en continu des notes. Une application pour smartphone ou tablette est fournie, donc vos notes sont sauvegardées automatiquement dans le “cloud” dédié et accessibles depuis d'autres appareils, ce qui est extrêmement intéressant.

Quelles sont les principales marques offrant cette approche “zen” ?

Image : ©reMarkable

La plus célèbre, la vedette, s'appelle “reMarkable 2“. C'est un produit conçu en Norvège, très fin, avec un dos en aluminium et un écran au format A5. Elle offre la caractéristique de tout regrouper au sein d'un même dossier : notes manuscrites, PDF, livres e-Pub. Excellente idée.

Un autre acteur connu est la marque QuirkLogic avec sa “Papyr“, objet assez sublime, écran immense (fabriqué par Sony), interface soignée, et prix, vous vous en doutez, à la mesure de ses dimensions.

Il y en a d'autres, je ne vais pas tout vous énumérer ici.

Une nouvelle rupture technologique ?

Est-ce que ces nouveaux appareils vont constituer à leur tout une rupture majeure, à l'instar de l'iPhone lors de son lancement ?

Je pense qu'ils en ont le potentiel.

Reste à voir si les fabricants en ont conscience (je plaisante à moitié) et s'ils ne vont pas les considérer comme des objets connectés de plus, en cherchant à les faire entrer à leur tour du “côté obscur de la force”, celui qui fait de la révolution numérique un genre d'ogre mange-cerveaux.

Bien entendu, tout ce qui est proposé avec ces tablettes existe déjà. Par exemple, j'utilise sur mon iPad l'application Notability, qui est excellente, et qui permet d'écrire au stylet, de consulter des PDF, de les annoter, le tout de manière fluide, avec sauvegarde automatique…

Mais ce sont en quelque sorte leurs limitations qui font la force de ces nouveaux objets !

Ils offrent la possibilité d'avoir dans la main l'équivalent de dizaines de cahiers, pour lesquels on arrange les pages à sa guise, et l'équivalent d'une bibliothèque entière, avec un écran neutre, qui n'abîme pas les yeux.

C'est en quelque sorte la feuille de papier universelle. Et c'est génial !

Conclusion provisoire

Vous l'avez compris, je ne possède pas moi-même un tel appareil. Habitant à la Réunion, il est compliqué de les recevoir. Par exemple, reMarkable expédie “dans le monde entier” mais pas à la Réunion, Boox me proposait un tarif d'expédition de 1000 euros (ben voyons), Amazon n'envoie pas d'objets autre que les livres papier dans les DOM…

Bien entendu, j'aurai ma tablette e-Ink, je me débrouillerai pour la recevoir ! Il me faut juste choisir quel modèle me tente le plus.

Nous aurons donc l'occasion d'en reparler.

J'ai deux questions à vous poser pour terminer :

Possédez-vous une de ces tablettes ? Pouvez-vous nous faire un retour d'expérience en commentaire ? Ce serait très sympa et utile.

Amis enseignants, qu'en pensez-vous ? Pour vous comme pour vos élèves ? En maternelle, en élémentaire, au collège ou au lycée ?

Merci !