Avez-vous déjà essayé de pousser le cri de Tarzan au sommet d'une colline ? Quelle question bizarre. Mais pourquoi, pourquoi vous demander ça ? C'est une question qui a un rapport avec la norme, avec le plaisir, avec la créativité, et aussi avec la crise du COVID-19.

Venez lire cet article, c'est une petite fenêtre ouverte sur un coin de nature, un chevalet de peintre, une salle de classe maternelle…
Précision importante numéro 1 : pour écrire ce qui suit, je ne me suis basé que sur mon expérience personnelle. Je pense qu'il doit bien exister des bibliothèques entières qui parlent du sujet, envisagé sous les angles de la psychologie, de la psychanalyse, du développement personnel, que sais-je encore. Je ne m'y suis pas intéressé.
Précision importante numéro 2 : je pense sincèrement que ce qui suit a un certain intérêt dans la période étrange et masquée que nous vivons actuellement, je vous encourage donc à lire cet article jusqu'au bout…
Lorsque je me retrouve en pleine nature, dans une forêt ou au sommet d'une montagne (ou d'une colline), bref loin de l'agitation des foules, et quand je suis certain de ne déranger personne, il me vient souvent une idée saugrenue.
Pousser le cri de Tarzan.
Le cri de Tarzan
Mais attention, le pousser vraiment, en criant de toutes mes forces et en essayant de moduler la voix, vous savez, OOOOOIOIO-IOIO !
En général, lorsque je suis avec d'autres personnes, elles s'affolent un peu, me demandent de “crier moins fort”.
Mais pourquoi ?
Bonne question.
- Parce qu'habituellement, un individu sain d'esprit n'a pas ce genre d'idée saugrenue.
- Parce que ça peut déranger les voisins.
- Parce que Tarzan n'a jamais existé et que son cri était parait-il un montage sonore réalisé en studio avec des fragments de cris humains et animaux. Inutile donc d'essayer de faire pareil…
- Parce que crier, c'est mal vu.
- Etc… (Si vous avez d'autres arguments qui vous viennent à l'esprit, n'hésitez pas, indiquez-les en commentaires).
Ce à quoi je pourrais répondre :
- Il n'y a pas de voisins en pleine nature.
- A priori, je suis plutôt sain d'esprit.
- Tarzan n'a jamais existé ? Ah bon ? Mais rassurez-moi, le Père Noël, lui, est bien réel ?
- Pousser le cri de Tarzan me procure des sensations agréables, un sentiment de liberté totale (et aussi une petite irritation de la gorge en fin de séance).
Le cri qui fait du bien
Essayons d'analyser ce qui se passe lorsque nous crions.
Il y a tout un tas de types de cris :
- Le cri d'avertissement : “Attention, ne traverse pas, une voiture arrive !”
- Le cri d'appel : “Eho, je suis là !”
- Le cri de l'enseignant qui ne se maîtrise plus : “taiseeeez-vous !!!”
- Le cri du karateka qui brise une planche du tranchant de sa main : “Haaaaaa !”
- Etc…
Et il y a le cri qui fait du bien.
Le cri qui mobilise tout le corps, qui expulse les tensions, le cri libérateur ! Comme celui de Tarzan.
Notez qu'on peut se sentir bien en écoutant d'autres personnes crier ! Oui, par exemple lorsque le chanteur d'opéra nous ravit avec l'air final de Nessun Dorma (j'en ai la chair de poule !) ou qu'un autre chanteur, celui de Deep Purple par exemple, nous remplit d'aise avec “Child in time” (version du double album mythique “Made in Japan” sorti en 1972, les amateurs ne me contrediront pas).
Sortir du cadre de la norme
Il y a une autre raison à mes yeux, assez subtile, pour laquelle pousser le cri de Tarzan fait du bien. Je vais essayer de vous expliquer ça :
Un tel cri sort du cadre de la norme. De ce qui se fait habituellement en société. De la norme des usages, voire même de la norme de la politesse, pourquoi pas. Lorsque nous hurlons comme si nous étions dans la Jungle avec Cheetah la guenon, nous allons au-delà de cette norme, sans forcément la transgresser, d'ailleurs : il n'est pas interdit de crier au sommet d'une colline.
Et c'est le fait de sortir momentanément de la norme, du carcan, qui est libérateur.
Crier sans bruit !
Mais… (et c'est peut-être préférable si vous habitez en immeuble), on peut aussi crier sans faire de bruit.
Du moins, c'est la réflexion que je me suis faite il y a quelques jours et, de fil en aiguille, j'en suis arrivé à cet article.
Cela concerne (mais c'est valable pour plein d'autres activités) ma pratique de la peinture et ma manière personnelle de l'aborder :
Il se trouve que depuis quelques années je prends régulièrement des pinceaux et des couleurs et que je m'amuse à barbouiller des toiles. Une occupation très agréable.
Il y a deux manières d'envisager la peinture :
1/ En restant dans la norme académique (respecter les règles de composition, de proportions, de perspective, d'harmonie des couleurs, de tenue du pinceau, de construction de l'image etc…)
2/ En OUBLIANT toutes ces règles, en SE LÂCHANT, en laissant courir le pinceau comme bon lui semble, en OSANT faire “n'importe quoi”, pour le plaisir, pour tenter l'expérience, par curiosité du résultat.
Vous avez peut-être compris que je préfère, et de loin, la deuxième option… L'option qui libère du carcan de la norme, qui fait du bien, et qui donne des résultats intéressants.
D'ailleurs, de grands peintres ont également éprouvé ce sentiment de libération. Picasso, par exemple, disait : “Ce qui compte, c'est la spontanéité, l'impulsion. Voilà la vérité vraie. Ce que nous imposons ne vient pas de nous”.

Picasso “L'homme au béret”. Il a peint ce tableau à 14 ans. Il était dans la norme académique…

Picasso “la femme au fauteuil rose” : comment dynamiter la norme académique et pousser un cri de Tarzan sur toile !
Picasso disait aussi : “Quand j'étais enfant, je dessinais comme Raphaël mais il m'a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant.”
Comme un enfant…
Comme un enfant qui crie de toutes ses forces dans la cour de récréation…
Ce blog étant lu majoritairement par des enseignants de maternelle, je voudrais terminer cet article sur deux souvenirs du temps où j'avais ma classe de grande section :
De temps en temps, j'entraînais mes élèves à chuchoter. C'était un jeu très amusant. Et je les autorisais aussi (à mon signal pendant 5 secondes) à crier, de toutes leurs forces, pour le plaisir !
Et c'était toujours un moment touchant de voir les timides ne pas oser, au début, puis s'enhardir, les yeux brillants, tout étonnés de ce que je leur demandais (et qui allait au-delà de la norme !), et se lâcher totalement, le bonheur total !
Et, concernant la peinture, il m'arrivait de mettre à leur disposition de grandes feuilles de papier et tous les ingrédients graphiques de la classe (peinture, encres, coton-tiges, éponges, etc…). Et là… je ne leur donnais aucune consigne. Ils faisaient ce qu'ils voulaient.
Certains s'en tenaient à la sempiternelle maison avec la cheminée fumante et le soleil jaune dans le coin supérieur droit, mais d'autres réalisaient de purs chef d'oeuvres abstraits, et là aussi, ils se lâchaient complètement.
C'était leur cri de Tarzan silencieux bien à eux.
A l'heure actuelle, où nous vivons masqués, craintifs, sous la contrainte du couvre-feu voire du confinement, noyés sous les nouvelles peu rassurantes, je suis certain que pousser de temps en temps le cri de Tarzan au sommet des collines nous ferait le plus grand bien.
Qu'en pensez-vous ?
Quelle est votre variante du cri de Tarzan à vous ?
Le titre Cubicle du groupe Rinôçérôse. A essayer, très libérateur…
Je ne saurais dire pourquoi mais ton article m’a fait du bien. Merci.
Bonjour Agnès
Cet article parle précisément de se faire du bien, d’une drôle de manière, certes, j’avoue. Mais ça fonctionne !
Bonjour Muriel !
Ah, merci de m’avoir rappelé Cubicle.
Il y avait une éternité que je ne l’avais pas écouté !
Je viens de me le remettre et mes oreilles sont toutes débouchées, nickel !
Et dire que certaines personnes n’aiment pas ce genre de musique…
Rhooooo bravo une fois encore Michel et merci !!
Merci Nanetska !
… Pour ce CRI du coeur !
Merci Michel,
Au lieu du cri, j’utilise le rire qui pour moi est très libérateur. Je l’utilise aussi à certains moments en classe avec des Ps/ Ms bonne humeur assurée
Hello Michel !
Cet article me parle complètement et pour plusieurs raisons … d’hier et d’aujourd’hui !
D’hier parce que c’est marrant mais je faisais exactement ça avec mes élèves dans ma classe ! J’avais même fabriqué une très grande “règle” graduée de 1 à 10, sur une plinthe en bois d’environ 2m de long. A zéro on “parle en muet” sans aucun son. Puis on chuchote, puis on parle bas, puis normalement, et de plus en plus fort pour se lâcher à 10 dans un cri liberateur ! Une marionnette à main me permettait d’avancer sur la règle case après case de 0 à 10 ou de 10 à 0 ou bien de sauter d’un nombre à l’autre pour que les enfants trouvent rapidement la bonne intensité du bruit.
Après un certain temps d’utilisation ils comprenaient directement quand je demandais de parler “force 1” ou “force 2” etc….dans la classe, selon les moments ou les activités.
J’avais oublié ce petit exercice et il m’est revenu à l’esprit en te lisant !
Et d’autre part tu sais déjà que je suis aussi une adepte du “cri de tarzan” quand je prends mes pinceaux !
Rien d’académique, je suis mon instinct, mon coeur, mon envie du moment…. et ça donne ce que ça donne…
Plaisir avant tout !
Alors merci pour cet article.
Juste une question : est-ce que ça marche aussi avec le cri de Jane ? ?
Nanoug
Coucou Nanoug
Ah, le coup de la règle de volume, excellent, je reconnais bien là la pédagogue née !
Concernant la peinture, oui, tu mérites la médaille olympique de créativité libératrice hors normes!
Par contre, le cri de Jane m’a intrigué, j’ai effectué une petite recherche et effectivement…
Bonjour et merci pour cet article original, qui m’a directement donné envie d’ouvrir ma fenêtre pour… crier, parce que j’en ai marre qu’il pleuve aujourd’hui par exemple!!! Mais bien sûr, je ne l’ai pas fait…:-(
Je vais réfléchir à cette règle du volume, ça me paraît fort intéressant avec les qq “zoulous” que j’ai cette année dans ma classe! 😉
En revanche, il m’arrive de crier dans ma voiture, quand vraiment la colère est impossible à contenir! Je devrais le faire plus souvent!
Merci pour toutes ces pauses du mercredi, je ne prends pas le temps de l’écrire!
Bonjour Anisa,
Ah, pousser le cri de Tarzan en voiture, je n’y avais pas pensé.
Mais crier en étant assis avec le bruit du moteur, ça doit avoir moins de charme qu’en pleine nature…
Et le cri de Tarzan est tout sauf un cri de colère…
J’ai déjà proposé aux élèves de crier en silence. Faire le geste de crier , mais sans bruit, ça défoule aussi, moins que de crier vraiment, mais c’est tout de même amusant à faire.
Hello Nannie
J’imagine Tarzan, le pied sur le crocodile qu’il vient de terrasser avec son canif, se mettre à pousser son cri en silence…
Et je viens de pousser le même cri en silence… Ça fait moins mal à la gorge, mais je trouve qu’il manque un petit quelque chose 🙂
Bonsoir Michel, ça fait des années que je lis la lettre du mercredi… c’est la première fois que j’y réponds. J’ai “éclaté” avec ce CRI ! MERCI !
Moi aussi j’ai mon cri “ARRRG ! quand mes “affreux” commencent à me déborder…après un court instant de surprise (ou un ange passe) ça finit toujours sur un GRAND éclat de rire général. Et j’adore ça.
Tout mon petit monde revient.
Je n’aurai pas le temps d’essayer le cri de Tarzan car bientôt je quitterai la “jungle” E. N. mais ce soir il m’a fait beaucoup de bien. encore MERCI !
Bonjour Martine,
Je te rassure, je ne me souviens pas d’avoir poussé le cri de Tarzan dans le cadre de l’E.N…
Si tu te retrouves dans un coin de nature, tu penseras à moi et tu libèrera LE cri qui te feras te sentir dans la jungle, la vraie !
Et le cri de Munch, effrayant ! On peut représenter un cri, demandons à nos élèves ?
Bonjour Delwal,
Je pense que ton idée est EXCELLENTE.
Si tu le fais et que tu as des résultats sous forme de dessins, envoie-moi une copie, je suis curieux de voir le résultat !