Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais dans la vie il y a des choses plus faciles à dire qu'à faire. Par exemple, pour un enseignant, “individualiser sa pédagogie”. Un gros défi lorsqu'il faut gérer de manière simultanée 20, ou 25 (ou 30 !) élèves. Pourtant, en cherchant bien, on peut trouver des moyens simples à mettre en oeuvre, efficaces, et acceptés (avec plaisir) par les élèves eux-mêmes.
Un exemple ? Les “fiches de progrès” que j'ai commencé à introduire dans ma classe de grande section.
Un outil “à l'ancienne”, sans recours à l'informatique, qui se met en place en douceur. Et qui marche.
Lorsqu'on veut obtenir des résultats dans un domaine, il faut toujours chercher les actions concrètes qui vont permettre de les atteindre.
Les belles phrases savantes contenant des mots choisis avec soin peuvent parfois donner des éclairages théoriques intéressants. OK. Mais une fois franchie la porte de la classe, il n'y a plus qu'une chose qui compte : la réalité, palpable, rugueuse, vivante, mouvante, qui court dans tous les sens et qui attend la récré avec impatience.
Cette belle réalité, qui prend les traits de jeunes enfants plein d'énergie, n'a que faire du jargon pédagogique et des contraintes administratives. Elle met souvent les nerfs des enseignants à rude épreuve, et les fait parfois culpabiliser lorsque les résultats tardent à venir.
C'est sûr, grâce à des outils bien conçus (suivez mon regard), le maître ou la maîtresse arrive à “isoler” des difficultés précises que rencontrent des élèves précis. C'est déjà bien, c'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas suffisant : ces difficultés, il faut s'en occuper.
Depuis la rentrée, j'expérimente un petit dispositif qui donne de bons résultats. Un genre de micro-PPRE totalement informel. Il a pris sa place dans notre projet d'école, ce qui nous permettra de le tester soigneusement, de le peaufiner, de l'optimiser. Pour l'instant, c'est un prototype, mais un prototype pleinement opérationnel, et qui donne des résultats vraiment encourageants.
Appelons-le “fiches de progrès”, à défaut d'un nom plus original.
Je vais vous en parler, mais auparavant je voudrais faire un petit tour du côté d'un simple mot trop souvent employé alors qu'il ne devrait pas l'être.
C'est le mot “acquis”.
“Acquis” (ou pas )
Combien de fois le rencontrons-nous au bas d'un “exercice d'évaluation” ?
Vous savez, le célèbre trio ” NA – VA – A” (Non acquis, en voie d'acquisition, acquis).
Comment peut-on dire qu'une notion, une compétence, une capacité, une attitude, un savoir-faire, un savoir-être, un savoir (j'en oublie ?) sont “acquis” ?
Certainement pas lorsqu'on a mis un “A” en bas d'un simple exercice.
Comme le dit Marc, un ami conseiller pédagogique passionné par son métier, “ce qui est acquis le lundi peut être perdu le mardi“. Eh oui, pardi.
Il manque deux éléments dans l'équation : la fréquence et l'aisance.
Simple exemple : c'est seulement lorsque vous avez montré de façon répétitive que vous êtes à l'aise au volant qu'on vous convoque pour l'examen du permis de conduire, parce qu'on estime que vous avez “acquis” la capacité à conduire une voiture.
Je vois déjà poindre votre réaction désabusée : “Mais Michel, tu oublies une chose : si on devait vérifier que chaque élève réussit avec aisance et de manière répétitive tous les points du programme, on passerait notre temps à l'évaluation, au détriment des apprentissages !”.
Exact.
C'est d'ailleurs ce type de réflexion, sensée, qui fait dire à de nombreuses personnes qu'au bout du compte, un livret scolaire reflète tout ce qu'on veut, sauf la réalité.
Je vous propose une autre démarche.
L'exemple que je vous donne est celui de ma classe de maternelle, à vous d'adapter en fonction de votre niveau d'enseignement.
Je pars de l'observation d'une difficulté très précise, que connaît un élève très précis. Vous savez, le genre de situation où une petite lumière rouge se met à clignoter dans votre tête lorsque vous la rencontrez. Que ce soit dans les apprentissages ou les comportements.
Par exemple, le petit Kenny qui n'arrive pas à écrire le K de son prénom. Ou le petit Kevin qui est décidément très agité, et qui vous empêche plus que de raison de rester zen et souriant.
Hop, maintenant, lorsque le cas se présente, je dégaine ma “fiche de progrès”.
C'est une simple feuille A4 de bristol, sur laquelle j'écris en haut le prénom de l'élève, suivi d'une phrase qui commence par “Mon progrès : je vais…”
Dans le cas de Kenny : “Mon progrès : je vais apprendre à tracer correctement la lettre k”.
Dans le cas de Kevin : “Mon progrès : je vais être calme et gentil en classe”.
Lorsque cette belle phrase est écrite, je guette, “à l'heure des mamans”… la maman (ou le papa) de mon candidat au progrès.
Nous nous installons confortablement (sur des chaises de 30 centimètres de haut, maternelle oblige), et j'explique à la maman et à l'enfant le progrès que “nous allons faire ensemble”. Cette rencontre est importante, parce qu'elle s'accompagne d'un petit “cours” au parent. Par exemple : “voici précisément comment on trace un k en lettre capitale d'imprimerie.”.
J'explique à l'élève que j'ai besoin de son aide, et à sa maman que son enfant a besoin de son aide. Ca prend cinq minutes.
Date, gommette
Puis, chaque jour, j'affiche au tableau les différentes fiches de progrès, en donnant chaque jour un petit coup de tampon dateur. Et je note, chaque jour en collant une gommette verte ou rouge, finalement c'est le plus simple, après être passé par les phases “petit bonhomme qui rigole” (ou pas) et gros point tracé au feutre.
Bien souvent, ma micro-évaluation se fait à l'accueil, en présence du parent. Mais pas toujours. Par exemple, pour un problème de comportement, je me contente de rappeler plusieurs fois par jour à Kevin l'existence de la feuille qui l'observe, aimantée au tableau.
Et ça fonctionne. Je ne vais pas vous faire l'inventaire des raisons réelles, possibles ou probables pour lesquelles ça fonctionne, mais le fait est là.
Ca marche tellement bien que les “autres” élèves me réclament eux aussi leur fiche de progrès.
Et de plus, ça permet de visualiser le “chemin” du progrès, qui va progressivement changer de couleur jusqu'à devenir uniformément vert. Alors, et seulement alors, vous pourrez considérer l'emploi (prudent quand même) du mot “acquis”. Et passer à autre chose.
Concrètement, ça se présente comment ?
- J'ai un “trieur à onglets”, sur lequel j'ai placé pour chaque élève un petite étiquette (éditée avec l'outil Tilékol). Vous l'avez compris, ce trieur sert à stocker les fiches de progrès.
- Je fais “fonctionner”, pour l'instant, 4 ou 5 fiches de progrès simultanément. Je ne suis pas certain d'arriver à en gérer 12 à la fois.
- J'affiche ces fiches au tableau, tous les matins je donne un coup de tampon-dateur, j'ai ma réserve de gommettes à portée de mains, ainsi je suis “paré” pour énoncer mon verdict à n'importe quel moment de la journée, en quelques secondes.
- Et puis c'est tout…
Oh, certes, j'aurais pu faire un joli modèle de fiche à imprimer, j'aurais pu aussi vous proposer de la télécharger, mais entre nous tout ceci aurait été totalement inutile !
Ne nous laissons pas distraire par la forme : si cette expérience vous intéresse, agissez directement, sans ordinateur, sans excuse pour ne pas le faire… et sans tarder !
Ce n'est qu'un petit outil parmi d'autres, mais il permet d'agir. Et vous verrez qu'action ciblée après action ciblée, les choses changent dans le bon sens.
Tout simple, comme d’habitude! Merci Michel!
Alors ça c’est une super bonne idée 😀
Je vois déjà qui peut en “bénéficier”.
En mettre en place très vite.
Mon défi à moi: m’y tenir sur l’année 😉 parce qu’avec une classe vivante, qui bouge en permanence, c’est pas gagné!!! effectivement pas plus de 4 à 5 fiches!!
Bon week-end
Hello Malou
Nous n’en sommes qu’aux premiers balbutiements.
Effectivement, actuellement, je me limite à 4 ou 5. Mais on peut envisager les choses différemment, une fois que les bonnes habitudes seront prises.
Par exemple : pourquoi ne pas faire un “dirigé-fiches de progrès” ? Avec 7 ou 8 élèves, ayant chacun sa fiche, chacun sa difficulté.
Je trouve que c’est un bon complément à Tilékol. Qui était lui-même “né” suite à notre précédent projet d’école, qui prévoyait des expérimentations en vue de créer un “outil de repérage immédiat de la difficulté” …
Quelle excellente idée. ET comme toutes les idées simples, elle doit être efficace à l’usage! Je sais déjà quel élève va pouvoir en bénéficier 😉
Merci Michel!
Bonne idée!! je fais déjà un peu ça mais sans “l’officialiser”, je vais donc m’y mettre dès lundi, je sais déjà quels élèves vont en bénéficier…
Merci michel!
C’est une excellente idée !
J’en viens même à penser à une adaptation pratique pour mes CM : faire une fiche attachée à par un ruban agrafé au cahier du jour : toujours disponible pour l’élève et pour la maîtresse ET pour les parents ! goût double : elle fera office de marque-page aussi ! On pourrait y noter 2 progrès (pas plus)…
Je pense tout particulièrement, en ce début d’année, à ceux qui copient avec 2 fautes par mots (si, si, si, ça existe !), à ceux dont l’écriture a besoin d’être améliorée…
Je vais réfléchir à la mise en pratique dès que possible ; merci pour cette idée !
Attention, pour que ça fonctionne, il faut identifier “au rayon laser” le progrès à réaliser.
Par exemple : “je vais tracer correctement la lettre f”.
Encore une fois, voici un outil tout simple mais qui a l’air efficace.Je t’avoue qu’en lisant le titre, je me suis demandée si j’allais me lancer tout de suite dans la lecture de ton article pensant ne pas avoir “la tête à ça” pour le moment ! Et puis, oh surprise, j’ai tout lu et tout compris !!! Je vais même l’appliquer dès lundi avec 2 ou 3 bambins. Merci Michel !
Le jour où on parlera de pédagogie ennuyeuse sur Tilékol, il faudra me mettre une gommette rouge.
😀
😉
C’est top!
J’ai dégainé les fiches, je prépare les aimants et… Go!
Simple très utile et efficace… Comme toujours!
Ça pourrait être la devise de Tilékol!
Encore une fois merci pour le partage Michel,excellente idée que je vais essayer de mettre en place dans ma classe .
Idée très intéressante. Je suis en CE2, et j’ai quelques élèves qui n’arrivent pas à tracer les traits correctement, ou qui bloquent encore sur quelques majuscules. Je pense pouvoir mettre ça en place très rapidement.
Et si ça fonctionne, je poursuivrai l’expérience sur des points très précis en numération et orthographe.
Mais comme tu l’as bien expliqué, il est important que ce ne soit qu’un progrès très précis identifié.
Merci beaucoup !!
bonjour,
c’est une bonne idée que je pense mettre en place pour la tenue du crayon. Dans ma classe de moyenne section j’ai une petite dizaine d’élèves qui ne maîtrise pas encore bien cet art…Si ça fonctionne il y a d’autres domaines et d’autres élèves que je pourrai aider à progresser.
Bonjour et encore merci Michel !
Je vais essayer de mettre cela en place dès lundi pour 1 élève puis 2, puis 3…
Le plus dur étant de voir les parents le soir (j’ai une classe de CM2), je vais peut-être “rédiger” les fiches de progrès avec l’élève. Et, je ne sais pas comment faire car, en primaire, nous n’avons pas de tampon dateur !!!!! LOL !!!
Merci pour ce vivier d’idées toutes plus intéressantes les unes que les autres !
Voilà une piste intéressante pour mettre nos PIA (Plan Individuel d’Apprentissage) en valeur, dans nos classes.
Je m’en vais partager cet article de ce pas 😉
Merci Michel !
Hello Sacha
Ca fait plaisir de te revoir ici 🙂
Retour après plusieurs semaines d’utilisation : c’est extra, forcément ! 😉
Je me suis limitée à 3 puis 4 élèves. Avec chaque enfant nous avons établi l’objet du travail, j’ai dégainé une pochette, de la patafix et des gommettes (pour la réussite des gommettes dorées, succès assuré!)
Le troisième jour les enfants allaient d’eux même chercher la pochette pour venir me voir.
“maîtresse, on fait mon G ? Tu vas voir, je vais tellement bien le faire que tu vas être obligée de me mettre 2 gommettes dorées d’un coup!” ai-je entendu la semaine dernière.
La fiche ac les gommettes une fois terminée à été fièrement collée dans le cahier… Au suivant!
Merci Michel pour cette idée : ce moment existait ponctuellement dans ma classe mais la fiche qui fixe et donne à voir le progrès et la stabilisation de la réussite, c’est top!
Bonjour,
J’ai commencé hier ma première fiche de progrès. Je ne me souvenais plus de la présentation que j’avais vu mais au final je n’ai oublié que deux mots : mon progrès.
Je verrai au fil des jours comment cela évolue.
bonjour,
j’ai une classe de 26 élèves dont 21 garçons autant dire que ça remue pas mal. Je vais mettre cela en place dès la semaine prochaine,pour les élèves ayant des problèmes de comportement. Je n’utilise plus le système A, ECA, NA, ayant fait le même raisonnement que toi. je prends maintenant de petits tampons: soleil bravo en cas de réussite, un petit vélo “encore un petit effort” en cas d’erreurs? C’est très sympa, les enfants adorent et surtout c’est bien plus facile à repérer pour moi et pour les enfants. J’utiliserai donc ta fiche avec mes petits tampons !! Merci à toi pour tous ces petits trucs qui nous facilitent le travail.