Le sentiment de solitude est souvent décrit comme négatif, marqueur d'une coupure sociale, entraînant tristesse et déprime.
Mais alors, pourquoi vouloir en faire un éloge ? Parce que les moments de solitude sont indispensables à notre équilibre. Et que la vie actuelle les réduit de manière inquiétante.
Le confinement dû au Coronavirus a été une expérience inédite pour des MILLIARDS d'habitants de la planète.
Au plus fort de la crise, 58% des humains ont été appelés à rester chez eux.
Certains l'ont bien vécu, pour d'autres ça a été l'enfer.
Et encore… Internet fonctionnait !
Imaginez ce que cela aurait donné sans réseau.
En ce qui me concerne, j'ai adoré.
Mais bien entendu, je ne fais pas partie de ceux qui ont perdu leur travail, ou qui ont vu leurs proches touchés par la maladie. Ni de ceux qui en sont morts, sinon je ne serais pas là pour écrire ces lignes.
Comme beaucoup, j'ai eu le temps de me lancer dans du rangement (la pièce qui me sert de garage-établi-stockage n'en revient toujours pas).
Mais surtout, du temps disponible est apparu comme par magie dans mes journées.
Que j'ai occupé avec délices dans des activités solitaires : lecture, peinture et aussi réflexion.
Prendre le temps de penser, sans être dérangé.
Coïncidence, j'ai dévoré un livre passionnant intitulé “Minimalisme digital“, écrit par Cal Newport. Je l'ai dévoré avec mes oreilles, sous la forme d'un audio-livre.
Je ne vais pas vous résumer le livre ici, mais je vais vous parler d'un chapitre qui m'a vraiment marqué, en fait c'est vraiment ce que j'ai retenu dans ce bouquin.
Il y parle de la privation de solitude.
Je sais que certains ont beaucoup souffert de la solitude pendant le confinement.
Indispensable solitude
Mais l'auteur parle ici de la solitude positive, en quelque sorte.
Des moments où seuls avec nous-mêmes, nous pouvons réfléchir à notre vie, à nos relations, à ce qui est important pour nous. Des moments où le cerveau peut prendre le temps de se calmer et de fonctionner tranquillement, nous apportant des solutions à nos petits ou grands problèmes, déployant le paysage de nos activités et centres d'intérêt, faisant des choix sereins…
Ces moments de solitude ont toujours existé, depuis que l'Homme est sur Terre.
Et pof, le smartphone est apparu
Mais depuis que la technologie numérique a fait une irruption brutale dans nos vies, ces moments ont été hachés, perturbés, empêchés, réduits parfois à zéro.
Le smartphone est un destructeur de cette solitude positive.
Il est à portée de mains, constamment.
Un instant de libre ? Même quelques secondes ?
Consultation des mails, des réseaux sociaux, d'Internet, des applis…
Ding, une notification. Et encore une, et encore une, qui accaparent notre attention sans cesse.
Et pour le cas où cela ne suffirait pas, la musique est maintenant immédiatement disponible, partout, tout le temps. Des écouteurs dans les oreilles, un site de streaming, et c'est parti, à la maison, dans la rue, dans le métro…
Le résultat ?
Pour de nombreuses personnes, l'ennui apparaît immédiatement dès que les sollicitations disparaissent. Poussant à reprendre le smartphone et à se ruer vers de nouvelles sources de distraction, sans cesse.
Et le cerveau, dans tout ça ?
Il n'est pas calme. Il ne prend pas le temps de réfléchir. Il en perd l'habitude.
C'est grave, parce que les individus, et souvent les plus jeunes, deviennent incapables de fixer leur attention sur quoi que ce soit, et deviennent hyper-réactifs face au moindre problème, perdant leur sang-froid et laissent libre cours à leur agressivité, en ligne ou dans la vraie vie, parce qu'ils n'ont pas appris à réfléchir tranquillement, sans musique dans les oreilles, sans Facebook ou Whatsapp, sans SMS, sans coups de fil.
Paradoxe
Le paradoxe est que plus on passe de temps sur les médias sociaux, plus on risque de se sentir seul.
Notre cerveau possède un système neuronal complexe, qui s'est élaboré sur des centaines de milliers d'années, et qui a été conçu pour traiter une vie sociale complexe.
Et quand on l'utilise pour cliquer sur “j'aime” ou pour afficher un émoji ou un hashtag, on perturbe son fonctionnement. C'est comme utiliser une Ferrari pour faire le tour de son jardin. Il en demande plus. Beaucoup plus.
L'auteur nous suggère de reprendre contact avec nous-même de plusieurs manières. En voici deux :
-Arrêter de cliquer sur “J'aime” à tout bout de champ.
-Faire des des promenades, à pied, sans musique, sans smartphone, seul avec soi-même, retrouvant par là-même les sensations de Jean-Jacques Rousseau qu'il décrit dans ses “rêveries du promeneur solitaire” :
“Ayant donc formé le projet de décrire l'état habituel de mon âme dans la plus étrange position où se puisse jamais trouver un mortel, je n'ai vu nulle manière plus simple et plus sûre d'exécuter cette entreprise que de tenir un registre fidèle de mes promenades solitaires et des rêveries qui les remplissent quand je laisse ma tête entièrement libre, et mes idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne.
Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu.”
Un petit complément à cet article 🙂
A cette époque, Internet n’existait pas.
Merci Michel pour cet éloge qui me parle bien.
Cependant, si la solitude m’a fait faire un voyage très enrichissant à la découverte de moi même, l’isolement m’a plutôt perturbée. Etre empêchée de sortir, de côtoyer des personnes, ne pas pouvoir échanger physiquement, ne pas pouvoir boire un verre avec des personnes qu’on apprécie, voilà ce qui m’a manqué…
Bonjour Michel,
J’ai écouté avec grand plaisir la chanson proposé par le précédent commentateur de ton article.
Personnellement, je pense que la plus grande solitude est celle que l’on ressent au milieu de la foule.
La solitude est effectivement une liberté, celle de se retrouver avec soi-même.
Beaucoup de personnes en ont peur car ils croient qu’en eux c’est le vide.
Or, c’est le contraire: c’est la richesse, le temps de repenser à soi, aux autres, sans entrave pour avancer encore mieux sur son propre chemin.
Merci Moustaki!
Nadine
Attention Michel, apprécier la solitude est un diktat du développement personnel. Ça peut être très culpabilisant. C’est très personnel en fonction de ce que l’on vit, solitude choisie ou subie… Et Moustaki n’a pas l’air spécialement épanoui en chantant la solitude… Des moments seuls pour quelques heures ne se comparent pas avec le fait de vivre seul jour après jour contre son gré.
Bonjour Marie
La solitude positive, ce sont les moments que l’on prend dans la journée pour rester un peu seul avec soi-même et pour réfléchir.
Les sollicitations et les interactions incessantes rendent de nombreuses personnes terrorisées à l’idée de se retrouver seul.
Par exemple, depuis toujours, j’adore les moments où il m’arrive de manger seul. Je connais des gens qui en sont littéralement incapables !
La solitude est différente du sentiment de manque affectif et social qui peut intervenir même quand on est entouré d’une foule.
bien d’accord avec Marie….solitude choisie et solitude subie …
“Rêverie d’un promeneur solitaire ” …C ‘est très beau…
Mais n’est on pas toujours seul(e)? Alors on passe son temps à se battre contre ce fait…(les réseaux sociaux et tout l ‘attirail moderne ne sont que des moyens supplémentaires pour se battre …(bon, réflexions de dépressive en fait…)
Bonjour Marie-Claude
Ce que je veux dire dans l’article, c’est qu’en étant constamment sollicité, on oublie de consacrer du temps à rester seul avec soi-même, et c’est très important.
et oui et c’est très dur pour beaucoup …Mon ami avec qui je vis passe son temps avec des écouteurs dans les oreilles …Je lui dis :”c’est pour ne pas t’entendre toi…” Et je suis aussi d’accord avec Marie…quand elle parle d’injonction de la mode du développement personnel…C’est un sujet de débat intéressant…
Bon’ en fait on est d’accord tous les trois. Comme pour tout, les excès sont nocifs pour notre équilibre. Mais moi qui suis célibataire, j’ai bien souffert pendant le confinement sans voir personne en dehors de mes voisins et pendant les courses. Alors là j’ai été contente d’avoir internet et mon téléphone pour communiquer avec ma famille et mes amis ! c’est certain que pour faire un retour en soi on a besoin d’être seul et quand lors de lectures, de textes de chansons ou de conversations on trouve un écho à ce que l’on ressent, alors là c’est fantastique !
Franchement, rien à voir avec un quelconque développement personnel…
Relisez l’article, vous verrez.
Bonjour Michel,
(ça fait longtemps ?)
Merci pour ton article. Comme toi, j’ai adoré être confinée.
Cette parenthèse dans nos vies m’a fait prendre conscience de plusieurs choses :
– Nous n’avons pas besoin de consommer (autant) ;
– L’essentiel est (souvent) à portée de mains ;
– Il est vital (et j’insiste sur ce mot) d’avoir du temps rien que pour soi, notamment pour ne rien faire^^ ;
– Finalement la vie peut se résumer à très peu de choses, notamment à prendre soin de soi, de ses proches, et de sa maison ;
– Les réunions virtuelles vont révolutionner la vie professionnelle, familiale ou amicale.
Voilà, c’était mes petites considérations avant justement d’aller rejoindre des amis sur Zoom…?
Hello Clochette
Je vois que nous faisons partie du même courant philosophique 🙂
Merci Michel pour cet article. Je me sens totalement en phase avec ce que tu écris, même si, comme beaucoup, j’ai eu le plus grand mal à me passer des réseaux sociaux durant cette période de confinement. Et j’ai surfé sur la vague des choses que l’on pouvait faire seul chez soi et publier régulièrement. Par exemple, comme je dessine et peins, j’ai publié régulièrement un dessin que j’appelais “vue de ma fenêtre” (j’habite en plein centre-ville). C’est cette solitude qui m’a boostée et en quelque sorte mise au défi d’en faire quelque chose. J’ai peu à peu pris goût à ce confinement qui pourtant, au début, m’effrayait beaucoup car l’idée de me retrouver seule avec moi-même ne m’enchantait guère… Cela a finalement été l’occasion de me parler, de reconsidérer l’espace et le temps, de goûter au silence, de donner libre cours à mon imagination, mes pensées les plus farfelues sans stress lié aux horaires. Je trouve que la solitude est très liée à la notion de liberté. Et finalement, faire de cette solitude imposée une solitude choisie m’a permis de me sentir un peu plus libre. Il y a une phrase de Hegel que j’aime beaucoup et que je tente souvent de suivre, comme on suit la lumière du phare dans la brume : “Les circonstances n’ont de pouvoir sur l’homme que celui qu’il veut bien leur accorder”. Vaste programme !