Un psychologue américain a fait une découverte étonnante en observant les champions de tennis. Cette découverte lui a permis de mettre en lumière l’importance de la gestion de l’énergie dans la recherche de la performance. Toute ressemblance avec des débats actuels n’est absolument pas fortuite. Nous allons parler… de rythmes !
Il est absolument impossible de faire le tour de la question des rythmes dans un seul petit article.

Photo de Rafa : StewieGriffin!via Wikimedia Commons
Photo du bas : © Thibault Renard – Fotolia.com
Aujourd’hui, je vais juste vous raconter une petite histoire, fort instructive, voire amusante, et accompagnée d’une vidéo montrant un célèbre tennisman se tirer le short et se gratter le nez.
Deux mots sur la définition du mot “rythme” : c'est une pulsation, une oscillation, et son contraire s'appelle “linéarité”.
Il y a quelques semaines, j’ai parlé dans la newsletter de Tilékol d’un livre que j’étais en train de lire et que je trouvais réellement passionnant. Il s’agit de « The power of Full engagement » (“La pouvoir de l'engagement total”), de Jim Loehr et Tony Schwartz.
Cet ouvrage traite d’un sujet qui mérite l’attention : l’énergie (la nôtre et celle de nos élèves si nous sommes enseignants) et la manière de la gérer pour être à la fois plus efficace et moins fatigué.
Jim Loehr (l’un des deux co-auteurs du livre) se définit lui-même comme un « psychologue de la performance », et il est le co-fondateur du « Human Performance Institute » (« Institut de la Performance Humaine »).
Il travaille avec les grands noms du sport, mais aussi de la médecine, de l’armée ou des grosses entreprises. Son job : améliorer la performance de ses clients.
La gestion de l'énergie est plus importante
que la gestion du temps
Pour lui, « tout est dans la tête », et le caractère d’un individu est un genre de muscle qui peut s’entraîner et se renforcer, en utilisant au mieux son énergie.
C’est très intéressant, parce qu’il remet en question des dogmes et des évidences. Par exemple, il déclare (et il a raison !) que la gestion de l’énergie est bien plus importante que la gestion du temps. Parce qu’en gérant correctement son énergie, on gagne en efficacité et on a besoin de moins de temps pour réaliser la plupart des tâches.
Au cours de ses recherches, il s’est intéressé aux grands joueurs de tennis : pourquoi certains gagnent systématiquement, alors que d’autres, tout aussi bons techniquement et parfaitement entraînés physiquement, n’arrivent jamais sur la plus haute marche du podium ?
Vous allez voir qu’il y a une explication, et qu’elle est étonnante. Et évidente, finalement.
Jim a observé attentivement les meilleurs joueurs, il a visionné en boucle des enregistrements vidéos de leurs parties, il a essayé de trouver des différences flagrantes dans leur manière de jouer. Rien. C’était assez inexplicable.
Et un beau jour, il a eu l’idée de s’interesser à ce qui se passait entre les services, pendant les quelques secondes où chacun des joueurs retournait derrière la ligne de fond. Et il a trouvé le détail qui faisait la différence.
Les joueurs qui gagnaient avaient développé un genre de petit rituel qu’ils répétaient systématiquement. Parfois imperceptibles (la direction du regard, le port de tête), ces petites « routines » étaient néanmoins toujours présentes. Elles pouvaient concerner leur façon de marcher, la manière dont ils respiraient ou même la manière dont ils se parlaient eux-mêmes à haute voix.
Rituel, routine… récupération.
En lisant ce passage, j’ai éclaté de rire, tellement il me faisait penser au meilleur joueur de tous les temps sur terre battue : l’immense Rafael Nadal.
Même si vous ne vous intéressez pas au tennis, vous avez certainement remarqué son hilarant « TOC » (Trouble Obsessionnel Compulsif) qui le prend invariablement à chaque fois qu’il va servir.
…Comment, vous n’avez jamais remarqué ? Visionnez cette vidéo, et ne riez pas, parce que maintenant vous savez que ce n’est pas – pas uniquement – un tic nerveux.
Revenons à notre psychologue, Jim. Après avoir découvert ce détail étonnant, il observa « les autres », ceux qui ne gagnaient jamais. Vous avez deviné : ils ne pratiquaient aucun rituel, n'avaient aucune routine. Et là, Jim comprit une chose fondamentale : ce rituel était un puissant moyen de se recharger en énergie, une récupération-express, en quelque sorte.
Un coeur de gagnant
Il fit une expérience : il mesura le rythme cardiaque des joueurs. Et il constata, stupéfait, qu’entre la seizième et la vingtième seconde, entre chaque service, les coeur des « joueurs gagnants» voyaient leur rythme baisser subitement de vingt battements par minute !
Cela m’a rappelé les résultats des études neurologiques sur les pratiquants de la méditation, qui voient eux aussi leur rythme cardiaque baisser sensiblement. Il semblerait que le fait d’activer une zone particulière du cerveau (le cortex préfrontal) permette en quelque sorte au reste du cerveau de se « vider » des pensées stressantes.
Comme le dit Jim dans son livre, « En créant des routines de récupération hautement focalisées et efficaces, ces joueurs avaient découvert un moyen de récupération extraordinaire, en très peu de temps.
Leurs compétiteurs, n’ayant pas de technique comparable, gardaient un rythme cardiaque élevé durant tout le match, quel que soit leur niveau d’entraînement. »
Forcément, un match de tennis durant plusieurs heures, si on reste constamment sous tension, on s’épuise physiquement et mentalement et on perd la partie…

Photo © Prod. Numérik – Fotolia.com
Je vous laisse faire le parallèle avec une journée de travail. Avec une journée de classe. Avec une semaine, une année scolaire. Et je vous invite à commencer à en tirer certaines conclusions qui sont pour certaines applicables immédiatement, pour vous-même et par vous-même.
La notion de rythme a été ici esquissée, dans l’article de mercredi prochain nous allons la préciser et l’approfondir. Vous allez voir que l’analogie avec le sport ne s’arrête pas au tennis. Et que les rythmes sont partout, absolument partout…
Petite précision : le livre de Jim Loehr et Tony Schwartz n'existe pas en langue française. Ou plutôt oui, il a existé, mais il est actuellement épuisé. Si vous lisez l'anglais, par contre, vous pouvez le trouver en édition électronique un peu partout.
Je franchis le pas: j’écris! C’est vraiment un site que j’aime retrouver. Des astuces, des échanges, l’impression d’un vrai partage, d’une mutualisation qui fait que l’on a envie de progresser…C’est vraiment, bien, que ce soit pour l’enseignant et pour les élèves!
Merci Véronique !
C’est ton premier commentaire, ce ne sera pas le dernier.
Je te remercie d’avoir franchi ce pas, d’avoir pris un peu de ton temps et d’avoir osé prendre la parole.
Parce que pour partager, il faut être plusieurs…
J’écris rarement moi aussi , alors que j’aime beaucoup ce site .
j’attends avec impatience la suite…
Très impressionnant ! Quels sont les types de rituels applicables à nos élèves.. N’est ce pas un geste personnel? cela semble très vague: un geste, un regard….? Peut on automatiser un geste qui n’est aps naturel?
Etonnnant… Et mêmes interrogations que Guyg… Faut-il que l’on est tous des TOC pour être plus peformants ? Lolllll …
J’attends avec impatience la suite…
C’est vrai que j’enchaîne les activités en classe avec un rythme soutenu tout en essayant, parfois, de faire 10 min de relaxation. Peut-être qu’avec quelques minutes entre chaque activité cela serait plus efficace.
Mais, en faisant quoi ????
Une séance de “rire”, un défoulement, une chanson en choeur, quelques mouvements de gym, un changement de table, un sprint aller-retour de quelques secondes dans la cour, une minute de silence les yeux fermés, une écoute musicale, etc…
Le tout étant de “trouver le rythme”, c’est-à-dire de déterminer des durées de focalisation et des durées de relâchement qui fonctionnent.
Guyg et Clinecole : on ne va pas vous demander de vous gratter compulsivement le nez toutes les deux minutes !
Réfléchissons. Ces joueurs ont adopté ces rituels dans un but : provoquer en quelques secondes une “mise au repos” de leur cerveau qui se traduit par un net ralentissement du rythme cardiaque.
En d’autres termes : ils ont “débranché” pendant un bref laps de temps, ce qui leur a permis à la fois de se reposer et de se recharger en énergie.
Je vous expliquerai dans un prochain article comment nous pouvons faire concrètement dans notre vie de tous les jours, mais dans nos classes, nous pouvons immédiatement commencer à agir :
-En alternant de manière systématique des moments de focalisation et des moments de relâchement, par exemple.
-En expérimentant des micro-séquences de “défoulement” pendant lesquelles on s’amuse à crier tous ensemble, ou bien à rire.
-En pratiquant “l’exercice de la grenouille”.
-En réfléchissant aux composantes de nos emplois du temps, en particulier l’articulation des séances de concentration et d’activités physiques.
-En redécouvrant de manière ponctuelle les joies de la salle de motricité…
L’objectif étant de gérer les dépenses d’énergie de manière cyclique, et non pas linéaire.
oulala ..j’ai hâte d’être à mercredi ..
moi qui n’arrive pas justement à bâtir un fonctionnement “idéal” à l’école ..et qui épuise mon pauvre cerveau …
Ah , j’adore vraiment tout ce que tu proposes !! Bravo ! bravo!
Quid du Brain Gym ?
Michel, tu es trop fort…
encore un article pour lequel j’ai hâte d’en découvrir la suite. C’est un bonheur de te lire à chaque fois que tu nous écris. Et cet immense partage,…
J’ai commandé le livre de la grenouille, qu’il me tarde de recevoir et en ce moment, je me penche aussi sur la méditation en lisant Christophe André, célèbre medecin psychiatre que je viens de découvrir…
En suivant le lien de « l’exercice de la grenouille », je l’ai découvert.
Le lien entre les deux articles est frappant.
Ou comment en quelques secondes ou minutes se recentrer sur soi-même, sur soi-même au milieu des autres, dans le monde.
En classe, je pratique assez régulièrement des petits exercices de détentes et de conscience de soi, mais c’est très intuitif et pas assez réfléchi.
Cela vient quand je sens une grande agitation, un besoin de se poser.
Alors hop, j’improvise un petit exercice. Le bénéfice est là mais trop ponctuel. Il manque quelque chose.
Il manque la pensée.
Le support du CD apportera autre chose, une voix qui n’est pas la mienne, différente, qui vient d’ailleurs, qui fait sortir du bruit ambiant, et qui me permettra aussi de profiter pleinement du temps offert.
Je vais courir chez mon libraire préféré.
Ce sujet m’intéresse beaucoup. J’ai hâte d’avoir plus d’informations pour mettre au point des pratiques en classe.
Merci Michel.
Merci Michel, une fois de plus, de nous permettre de ne pas nous “endormir” sur nos pratiques, mais au contraire de leur impulser chaque fois quelque chose de neuf et de vivifiant !
assez drôle de voir Nadal ….
et l’analyse de ces gestes routiniers est intéressante voire même inspirante…
Merci pour cet éclairage et ce partage
Il y a environ 18 ans de ça nous avions eu dans notre circonscription une conférence sur les rythmes de l’enfant. Ce que j’avais retenu c’est que le cerveau avait besoin d’une pause toutes les 40 minutes. Mais, où nous avait pas donné de pistes. Avec vous je crois que je vais en apprendre beaucoup plus…
Encore un “truc” que j’apprends grâce à toi! Intuitivement, comme toi, je casse le rythme quand je sens que mes loulous n’en peuvent plus. Il suffit de pas grand chose (se mettre debout, respirer, “tenir un son”, une comptine…) et ça les calme pour un moment et leur permet de se recentrer. Mais comme toi encore, c’est intuitif! Je crois que la grenouille va faire partie de ma classe un de ces jours. A très bientôt, Michel! Continue à nous nourrir et à nous bouger!!! Merci Michel.
Bonjour Liline,
Comme tu le verras dans le prochain article, il ne s’agit absolument pas de “casser un rythme”, mais au contraire de TROUVER un rythme.
Cela implique d’insérer des temps de récupération AVANT que les loulous ne soient épuisés.
Le “bon” rythme permettant justement de traverser la journée sans s’épuiser, et en privilégiant des temps de focalisation, de “présence” assez brefs mais intenses. Parce que c’est à ces moments-là que les progrès vont se faire.
Merci Michel,
comme d’habitude je ne rate pas la lettre du mercredi, selon mes dispos ce jour-là, je la lis plus ou moins tard, mais toujours avec la même soif d’apprendre, d’interroger mes pratiques, de les confronter avec d’autres points de vues…Ça fait du bien de vivre sa vocation d’enseignant et de voir qu’on n’est pas tout seul à faire ce métier avec tout notre cœur. Je précise quand même que je suis dans une super équipe pédagogique où l’on communique et partage pas mal. Mais ça me fait du bien de voir ou plutôt de lire que ce partage dépasse les frontières de mon école, de ma commune …je fais partie grâce à vous d’une communauté que je trouve très passionnante.Mille fois merci.
Je précise, pour répondre aux derniers commentaires (ceux de Kissou972 et de Lounette), que concernant les rythmes, le champ d’action dépasse largement l’école, comme vous le verrez. Très largement…
Simplement, le fait de prendre conscience de l’existence des rythmes et de leur utilisation dans notre vie change beaucoup de choses.
Je me rends compte en écrivant ces lignes que l’article de mercredi prochain risque d’être assez long. j’espère que vous le lirez jusqu’au bout !
Bonjour,
Moi aussi, c’est la première fois que je poste un message sur ce blog. Cela faisait longtemps que je n’étais pas venu y faire un tour mais l’envie m’y a pris, et voilà! Que dire de plus que ce qui a déjà été dit: vous nous aidez à nous remettre en question, à toujours évoluer, à chercher à toujours faire mieux pour nos élèves, grâce à vos analyses, vos réflexions, le partage de vos lectures et de vos recherches. Tout simplement merci pour tout ça!
Bonjour. Merci encore pour cet article.
Ça me motive!
Je vais essayer de voir ce que je peux en faire en pratique en petite section. Ça m intrigue!!!
Bonjour !
Extra !Merci Michel !
Il y a une vingtaine d’années, je faisais colorier un mandala à mes CE2 entre 2 séquences…ce n’était pas varié mais ils aimaient beaucoup, et me semblaient plus réceptifs ensuite…
Maintenant, avec mes PS MS, je varie plus…parfois un chant,une comptine,des mouvements en silence, des “bruits ( nous tapons des pieds très for…) des étirements, des baillements, et c’est vraiment bien mais plutôt intuitif ..et j’ai hâte de découvrir les autres articles Michel ! Merci pour tout! Vraiment !!