Situation inédite : la France (et 101 autres pays dans le monde !) ferme ses écoles et demande aux enseignants d'assurer la continuité pédagogique malgré tout, en utilisant pour une large part les outils numériques. Du jour au lendemain, les enseignants, les parents, les enfants sont au pied du mur et doivent trouver des solutions.

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Je vous propose ici de découvrir comment font certains enseignants et de partager les solutions que vous mettez en oeuvre à titre individuel : mutualisons !

Préambule

“Celui qui veut agir se trouve un moyen, celui qui ne veut rien faire se cherche une excuse”

Cette phrase va faire bondir certains, et pourtant, je l'assume et je la place tout en haut de cet article. (Si vous n'êtes pas d'accord, épargnez-vous la lecture de cet article et à bientôt, bisous !)

Pourquoi ?

Parce qu'en ces temps très particuliers, avec une situation inédite, grave, imprévue et qui nous est tombée dessus d'un coup, nous devons nous ADAPTER. Ce qui tombe bien, parce que c'est ce que l'humanité a toujours fait depuis des dizaines de milliers d'années.

Nous sommes bien d'accord : c'est la panique, le ministère, le rectorat, les inspections semblent peut-être vous demander l'impossible, les moyens numériques mis à la disposition des enseignants sont par certains aspects ridicules (serveurs totalement sous-dimensionnés, par exemple), les parents ne sont pas forcément équipés ni compétents ni disponibles, c'est aux enseignants de trouver individuellement des solutions.

Et alors ?

Et alors on va de l'avant.

Et je dirai même plus :

C'est une chance

Cette situation est une chance.

Parce qu'elle met tout le monde au pied du mur.

Parce que les insuffisances des solutions officielles vont éclater au grand jour.

Parce que des solutions qui fonctionnent vont être découvertes, partagées, utilisées. Maintenant et après.

Parce que ceux qui, quelle qu'en soit la cause, ne voulaient pas “se mettre à l'informatique” vont bien être obligés de le faire et de se rendre compte que finalement, ce n'est pas si compliqué.

Parce que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.

Parce que l'utilisation du numérique à l'école va pouvoir ENFIN montrer et démontrer son utilité.

Bon, on passe au concret ?

Chacun son niveau

Grosso-modo, il y a trois catégories d'enseignants et deux catégories de parents (merci de me dire si je me trompe)

Au niveau des enseignants :

  • Ceux qui utilisent déjà largement les ressources numériques dans leur pratique et pour les relations avec les parents.
  • Ceux qui maîtrisent l'informatique mais qui n'ont pas pour l'instant exploité le potentiel de la technologie numérique.
  • Ceux qui ne sont pas du tout à l'aise avec l'informatique.

Au niveau des parents :

  • Ceux qui ont tout ce qu'il faut à la maison, qui savent utiliser l'outil, qui possèdent une imprimante ET du papier.
  • Ceux pour qui l'informatique est un concept vague, mais qui ont quand même un smartphone et savent au moins envoyer et recevoir un SMS. Avec un peu de chance, ils sont aussi utilisateurs de Whatsapp ou Facebook.

A mon humble avis, il faut rechercher les solutions les plus SIMPLES, avant éventuellement de monter en puissance.

N'oubliez pas : SIMPLICITÉ RIME AVEC EFFICACITÉ.

Les solutions académiques

J'ai interrogé des collègues ici à la Réunion, et le constat est unanime, je ne sais pas s'il est le même dans l'hexagone :

Les solutions ne sont pas forcément mauvaises, mais le serveur académique est sous-dimensionné, anémique et en pratique quasi-inutilisable.

Exemple : il a été demandé à certains enseignants d'EFFACER les pages de leur blog fourni par le rectorat au fur et à mesure qu'ils ajoutent de nouvelles pages.

Ou bien : il est impossible de charger un document un peu lourd (et a fortiori plusieurs), parce que l'espace alloué à chacun est bien trop faible.

Ou bien : il faut deux plombes pour accéder à une page web (manque de ressources et de puissance du serveur, bande passante trop faible)

Nous touchons ici du doigt les limites de la communication officielle : “officiellement”, l'Education Nationale est à la pointe de l'utilisation du numérique mais en réalité elle est souvent… comment dire… complètement “à la ramasse”.

Ah, ça fait du bien d'être à la retraite et de ne plus être tenu par l'obligation de réserve.

Ceci dit, si VOUS utilisez avec bonheur les services qui ont quand même le mérite d'exister, merci de nous le faire savoir en commentaires ! Rappelez-vous : soyons POSITIFS, l'heure n'est pas à la polémique !

Et d'ailleurs, l'académie a semble-t-il créé en un temps record un blog par école, on peut dire merci, les choses vont sûrement s'améliorer au fur et à mesure de l'utilisation.

Le RGPD

Je fais ici un petit aparté concernant le RGPD (règlement général de la protection des données) imposé par notre belle Europe :

  • Le principe de base est que la collecte des informations relatives à la vie privée doit être réduite au strict minimum nécessaire.
  • Ces informations sont utilisées dans un but précis et connu, et pas pour autre chose.
  • Ces informations doivent être conservées pour une durée limitée.
  • Elles doivent faire l'objet de mesures de sécurisation optimales.
  • Chacun a un droit de regard sur les informations qui sont conservées et peut à tout moment demander à les faire supprimer.

Donc :

  • Ne publiez aucune information personnelle sur vos élèves, que ce soit sur le blog académique ou sur les autres solutions en ligne que nous allons voir ensuite.
  • Si vos parents d'élèves vous donnent par exemple leur adresse mail, engagez-vous à les supprimer de vos contacts à la fin de l'année scolaire.
  • Ne conservez aucune donnée personnelle dont vous n'auriez pas l'utilité.
  • Chaque parent doit donner formellement son accord à ce que vous possédiez ces données, et peut demander à ce que vous les supprimiez.

De plus, à mon avis, lorsque vous communiquez avec les PARENTS, qu'ils sont D'ACCORD, que vous ne PUBLIEZ PAS D'INFORMATIONS PERSONNELLES et que vous avez la possibilité de SUPPRIMER À LA DEMANDE telle ou telle information (ou photos), je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas utiliser un groupe privé sur Facebook, (c'est un exemple, pas une suggestion), quoi qu'en dise votre IEN. (Je précise que je ne suis pas du tout un fan de Facebook, mais étant donné que c'est un service que bien des parents utilisent quotidiennement, il serait dommage de s'en priver s'il peut être utile dans certains cas).

Les logiciels libres

Le monde du logiciel libre peut être mis à contribution, je pense en particulier aux outils collaboratifs de Framasoft.

Ceci dit, je ne pourrai pas trop vous aider les concernant, parce que je ne les pratique pas habituellement.

Bien entendu, n'hésitez pas à en faire la promotion dans les commentaires si vous leur trouvez une utilité précise dans la situation actuelle…

Les solutions disponibles sur le web

Voici quelques outils. Il s'agit d'une petite présentation rappelez-vous que si vous les utilisez, vous êtes responsable de ce que vous en faites !

Attention aux données personnelles : bannissez-les !

D'un autre côté, et là je cite une enseignante que j'ai eue au téléphone :

“Il faudrait quand même que le rectorat nous fasse un peu confiance.”

Partager avec Padlet

J'ai mené une petite enquête et il y a un outil qui sort du lot : il s'agit de Padlet.

Imaginez que vous avez une table virtuelle et que vous y déposez des documents qui sont visibles par ceux qui “visitent votre table”.

Il vous suffit d'en partager le lien une fois pour toute avec vos parents, et le tour est joué.

C'est réellement TRÈS simple d'usage, à la fois pour vous et vos parents, c'est à votre portée même si vous considérez que votre ordinateur est une bête sauvage qui veut vous mordre.

Voici une vidéo de présentation que j'ai trouvée sur Youtube et qui est plutôt (très) bien faite :

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Vous pourrez y partager des idées d'activités, y déposer des documents, des photos, etc…

Voici un exemple concret de padlet de classe créé “avec amour, passion et patience” par Claudia, enseignante de PS à l'occasion de ce confinement. Elle en est très satisfaite, ainsi que ses collègues et ses parents d'élèves (cliquez sur l'image pour la voir en grand) :

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Il est facile à consulter, même depuis un téléphone.

Astuce : enseignant en maternelle dans un quartier où les parents ne disposent pas pour la plupart d'une imprimante, elle a choisi de proposer des exercices ne nécessitant pas d'être imprimés, les parents pouvant les reproduire facilement à la maison. Exemple : découper des bandes de papier et tracer des lignes verticales…

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Communiquer avec Telegram

Telegram offre de multiples avantages.

Je vous suggère son utilisation dans le cadre d'une utilisation entre adultes :

  • Entre membres de l'équipe pédagogique
  • Pour la communication avec les parents.

Si vous ne connaissez pas Telegram, voici en quelques mots de quoi il retourne :

  • C'est un service de messagerie (pensez à Messenger ou Whatsapp).
  • Qui n'appartient pas à Facebook, qui est crypté, où ce que vous partagez n'est pas dispersé aux quatre vents.
  • Qui permet de partager du texte, des messages vocaux (vous enregistrez votre voix au lieu d'écrire), des images, des vidéos, des PDF, en fait tous les documents que vous voulez.
  • Qui permet les appels vocaux.
  • Qui est utilisable sur téléphone, mais aussi sur tablette et ordinateur, et qui se synchronise automatiquement.
  • Qui permet de communiquer de trois manières : personne à personne, groupes, canaux. Je vous explique ça.

De personne à personne : comme une messagerie classique.

En créant un groupe : tous les membres du groupe peuvent poster des messages, photos etc.. qui seront vus par tous les membres du groupe, qui pourront y répondre, leur réponse étant vue par tous, etc…

En créant un canal : tout ce que vous postez est vu par tous les membres du canal, qui ne peuvent pas y répondre.

Groupe ou canal ?

En pratique, je vois les choses de la manière suivante :

Vous créez un groupe pour communiquer très simplement entre membres de l'équipe enseignante. Vous échangez entre vous, tout le monde voit ce que tout le monde poste, tout le monde peut répondre.

Vous créez un canal pour communiquer avec les parents : chacun voit ce que vous postez, mais personne ne peut répondre. Il est vrai que cela peut faire double emploi avec votre Padlet, mais là il s'agit plus de communication, alors qu'avec le Padlet il s'agit plus de contenu pédagogique. Avantage : chaque outil a son rôle, chaque contenu est à sa place.

Installation, utilisation

Commencez par installer Telegram sur votre smartphone, puis une fois le compte créé installez-le sur vos autres outils (ordi, tablette).

Voici, si cela était nécessaire, comment installer Telegram :

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Comme vous le voyez dans la vidéo, il y a dans l'interface un bouton pour créer un groupe et un autre pour créer un canal : laissez-vous guider… Bien entendu, créez un groupe ou un canal privé.

Suggestion : créez un groupe au sein de votre équipe, utilisez-le, et quand vous avez compris son utilité vous pouvez pourquoi pas encourager les parents à installer l'app sur leur smartphone pour passer aux messages privés et au canal.
C'est 100 fois plus pratique que les mails.

Témoignages d'enseignantes

Une réponse unanime :

“C'est moins pire que prévu !”

En voilà une bonne nouvelle !

Témoignage de Anne

Anne (ce n'est pas son vrai prénom) maîtrise l'outil numérique.

Elle m'a envoyé un mail très intéressant.

Notes au passage les outils numériques qu'elle utilise :

L'administration nous demande d'utiliser les outils institutionnels (blog, cned, mail académique) pour communiquer avec les familles.

Si on applique ces solutions à la lettre, on est loin d'avancer et heureusement que les enseignants sont plus créatifs que cela.

Déjà les outils mis à disposition:

-Blog: une page par classe mais à ma connaissance (je demanderai confirmation demain) impossible que chaque classe archive ses publications puisque chaque classe a une page et si j'ai bien compris une page = un article… (…)

De plus, sur le blog, il ne faut pas mettre de pdf un peu lourd, peut-être une à 2 images mais pas de vidéo…

– Le mail: le mail académique personnel est remis aux parent qui, après avoir pris connaissance des activités sur le blog, envoie les productions de l'enfant par mail. Comme temps de réactivité cela fait un peu long… Et d'autant plus que pour avoir accès à sa boite académique, il faut vraiment être patient…

– Les documents du CNED à partir de la grande section : contenu pertinent mais qui nécessite pas mal d'impressions et qui ressemble plus au “Passeport Vacances” à mon avis. Aucune contextualisation mais c'est normal.

– La classe virtuelle: il faut travailler avec les parents et/ou les enfants et ce n'est pas facile de s'organiser, sans parler des problèmes de saturation de bande passante.

Alors comment faisons nous? il y a une semaine je n'aurais pas parié sur l'investissement des collègues mais que je constate que la majorité joue le jeu. Parmi les bonnes idées, je retiens le Padlet (je n'ai pas encore creusé cette piste mais j'ai une collègue qui en a fait un pas mal), les adresses gmail pour chaque classe: interdit mais efficace/

-Personnellement, je suis fidèle à Class Dojo et je ne suis pas prête à changer d'avis. Bien sur, je ne mets aucune info personnelle donc je ne vois pas en quoi cette application ne respecterait pas le RGPD. Au niveau de mes collègue, en fonction des niveaux de maternelle, nous postons régulièrement des vidéos de nous (cela rassure), des liens vers des histoires, des pistes d'activités, des plans de travail pour les grands etc… Le super intérêt ici c'est que la communication est presque directe, les parents nous envoient en message des questions, des commentaires, des photos des activités des enfants et c'est qui permet de garder le principal : le lien.

Tout n'est pas encore parfait mais chaque jour, nous préparons des activités que les enfants pourraient réaliser à la maison, pas forcément devant un écran, spécialement conçues pour eux car je crois qu'ils pâtissent énormément de ce contexte anxiogène.

Lorsqu'on parle de Class Dojo au rectorat, le mot d'ordre est de continuer si on le souhaite mais d'alimenter quand même le blog. Je suppose que c'est pour pouvoir dire que c'est grâce aux outils mis en place par l'institution que les enfants ont continué à apprendre.

Personnellement, je vais creuser la piste des capsules vidéos, notamment pour les activités récurrentes et rituelles (lire les chiffres, les prénoms des copains, quelques petits problèmes…). Et puis d'un autre côté, je vais tenter de travailler à partir du matériel de la maison, pour limiter le travail devant écran et revenir à l'essentiel, avant les boites NATHAN et BOURRELIER.

On va compter les haricots, fabriquer le matériel de base, apprendre à partir des situations du quotidien. C'est là notre grand défi.

Je souligne également le grand investissement de certains enseignants, comme cette collègue qui m'a dit avoir fait un cours virtuel par groupe de 4 pour la séance d'écriture cursive ! [Utilisation de Collaborate]

Voila un peu ce que je peux te dire.

On pourrait parler de la fracture numérique, ou même du fait de savoir si un parent a tous les outils pour enseigner à son enfant. Que faire des familles qui sont isolées (elles l'étaient déjà avant) et qu'on n'arrive pas à ramener ? Car d'après les discours officiels, personne ne doit rester sur le bord du chemin mais hélas, nous sommes impuissants pour certains élèves qui étaient déjà à la marge et qui voit le train s'éloigner encore plus….

Merci Anne pour ce beau témoignage !

La classe de Véronique : Book Creator à fond !

Véronique, enseignante de maternelle à Paris, est une amie de Tilékol.

Elle tient un blog assez extraordinaire : “doigtdecole”

C'est une grande utilisatrice du génial Book Creator (j'en ai longuement parlé ici-même, tapez simplement “Book Creator” dans le formulaire de recherche, en haut de la barre latérale de Tilékol).

Donc (avantage), ses élèves sont également habitués à utiliser cet outil.

Dans un article passionnant, elle nous explique comment elle a mis en place un système de livre virtuel quotidien.

Voici un exemple qu'elle partage avec vous : cliquez ici

Imaginez : tous les matins, ses élèves reçoivent un lien vers le livre du jour : génial, non ?

Et vous ?

Je vais arrêter là cet article. Tout n'a pas été dit, loin de là, disons que c'est une première approche.

Alors, et vous, dans votre classe, comment faites-vous ?

Avez-vous mis en place des systèmes simples et efficaces ?

Que pensez-vous de Padlet, Telegram et Book Creator ?

Je vous souhaite du COURAGE et de l'ENTHOUSIASME !